Notre chroniqueur géopolitique Ioan Voicu a suscité de nombreuses réactions de lecteurs. Nous publions celle-ci. Une nouvelle preuve de l’interaction cruciale (et unique en Asie) entre Gavroche et ses lecteurs, souvent bien informés.
La conclusion de Ioan Voicu semble avoir réussi un exercice d’optimisme que je crains excessif, surtout quand le Président français est supposé être un acteur de poids… Il parait quelque peu présomptueux de présenter la France comme un acteur géopolitique en Asie et singulièrement en Asie du Sud-Est. Une « puissance d’équilibre » dans un ensemble divisé, l’Union Européenne, mu par des stratégies concurrentes, en déclin économique, dont la suprématie culturelle est contestée et sans force militaire ; bref un empire mais « sans dents ni sans griffes », un « herbivore » selon la fameuse expression présidentielle.
Et Trump dans « tout çà » ; une stratégie impériale de plus en plus assumée contrairement à l’isolationnisme dont il était, encore hier, crédité. Se situant dans le sillage des impérialismes existants, chinois, russe, turc et d’autres naissants, D. Trump affiche clairement la volonté d’étendre la sphère de contrôle américaine directe à l’arctique d’un côté, dans le reste des Amériques de l’autre. Ses saillies sur le Canada et le Groenland au nord et au sud, le Mexique, et Panama, de rodomontades sont devenues des menaces sérieuses et la première ministre danoise en a fait les frais au point que soit envisagé un déploiement de forces européennes au Groenland. La Colombie, dans la crainte du « big sick » a mis moins d’une journée pour obéir aux injonctions trumpienne. Et Google map a déjà renommé le golfe du Mexique en golfe d’Amérique.
La porte est donc ouverte aux deux autres empires que sont la Russie et la Chine et un signal donné à leurs ambitions impérialistes.
L’Europe dans ces conditions risque d’être le « laissé pour compte » mais pas aux rêves poutiniens qui risque d’être démultipliés, Moldavie avec l’appui des Gagaouzes, la mise en place de régimes pro-russes comme en Roumanie qui l’a échappé belle.
Et l’Asie du Sud-Est ? La France et encore moins l’Europe n’ont que peu de crédibilité notamment militaire, et l’affirmation de sa stratégie « équilibriste » n’est le « cache-misère » de sa faiblesse. Elle n’a de place que vassalisée dans la stratégie américaine à l’égard du Pacifique qu’elle considère comme sa mer, son espace et d’abord de sécurité. Vassalisée ou ennemi, tel semble être l’alternative.
Les États de l’ASEAN, divisés derrière une unité factice dissimulée derrière le principe de « non ingérence dans les affaires intérieures », version géopolitique du « noli me tangere » pourra-t-il résister aux sirènes et aux pressions de Pékin… Xi, pour le moment met du baume, promet mais ne tient guère notamment dans la vision qu’il a et entend imposer en mer de Chine, la sienne. Une mer de Chine ou cet autre Groenland… La doctrine qui prévaut pour le moment dans l’espace ASEAN, toute empreinte de crainte et de prudence, se résume dans la notion d’ »ambiguïté stratégique » qui risque de se heurter à des dilemmes, des divisions et de conflits à venir.
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