Gavroche a sélectionné pour vous quelques nouvelles saillantes en Birmanie durant cette semaine écoulée. Un survol de l’actualité indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à ce pays d’Asie du Sud-Est.
Politique, Diplomatie
Le régime militaire birman a remanié plusieurs postes gouvernementaux clés, marquant un nouvel ajustement au sein de l’appareil d’État. Trois ministres ont été évincés, tandis que d’importants changements ont été opérés dans les hautes sphères du pouvoir. Parmi les principales modifications, le lieutenant-général Yar Pyae, jusqu’ici ministre de l’Intérieur, a échangé son poste avec le lieutenant-général Tun Tun Naung, précédemment en charge des Affaires frontalières. Par ailleurs, le chef adjoint des renseignements militaires et ministre adjoint de l’Intérieur, le major-général Toe Yi, a été remplacé par le major-général Aung Kyaw Kyaw et relégué à un poste au sein de la commission anti-corruption. En outre, les ministres des Hôtels et du Tourisme, du Travail, ainsi que des Sports et de la Jeunesse ont été « autorisés à prendre leur retraite », un euphémisme couramment utilisé pour signifier leur limogeage.
Le régime militaire birman, espérant entretenir de bonnes relations avec une éventuelle administration Trump, a lancé cette semaine un avertissement à ses ressortissants aux États-Unis, les incitant à quitter le pays sous peine d’expulsion dans le cadre de la politique de répression de l’immigration clandestine menée par Washington. L’ambassade de Birmanie à Washington a publié cet avertissement le 5 février, précisant les mesures mises en place pour faciliter le rapatriement des citoyens birmans. Par ailleurs, la junte a vivement critiqué l’administration Biden pour avoir rétrogradé le niveau des relations diplomatiques, sanctionné de hauts généraux – dont Min Aung Hlaing et son adjoint Soe Win ainsi que leurs familles – et adopté le Burma Act, qui prévoit une aide non létale aux groupes de résistance. Si cet avertissement semble s’aligner sur la politique d’expulsion de Trump, il fait peser une menace directe sur les dissidents birmans réfugiés aux États-Unis, dont beaucoup ont demandé l’asile politique après le coup d’État de 2021.
En réponse à la colère de Pékin face au trafic de citoyens chinois vers des complexes d’arnaque situés à la frontière thaïlando-birmane, la Chine a exhorté Naypyidaw à intensifier la répression. Lors d’une réunion de son cabinet le 3 février, Min Aung Hlaing a qualifié ces activités criminelles de fléau national et a promis de sévères sanctions contre les responsables. Cependant, ces déclarations peinent à convaincre. Min Aung Hlaing a longtemps protégé ces centres frauduleux à la frontière chinoise, ne prenant des mesures qu’après des pressions directes de Pékin. Il continue par ailleurs de soutenir Saw Chit Thu, chef de la Force de garde frontalière alignée sur la junte, qui contrôle Shwe Kokko à Myawaddy, un projet tristement célèbre pour ses escroqueries en ligne et autres activités illégales. Min Aung Hlaing a également accusé la Thaïlande de fournir électricité, internet et autres ressources essentielles à ces complexes, alors que Bangkok a récemment coupé l’approvisionnement en électricité et en carburant dans cinq zones frontalières birmanes. Dans un apparent geste de bonne volonté envers Pékin, la junte et Saw Chit Thu ont récemment organisé le rapatriement de victimes de traite humaine.
Min Aung Hlaing a affirmé, le 7 février lors de la réunion du Conseil de défense nationale et de sécurité (NDSC), que la communauté internationale apportait un soutien total aux élections qu’il entend organiser. Bien que, en quatre ans de pouvoir, il n’ait été invité qu’en Russie et en Chine, il a assuré avoir présenté les préparatifs électoraux aux dirigeants et responsables rencontrés lors de ses déplacements à l’étranger. Il a également déclaré avoir informé les diplomates et organisations internationales en visite en Birmanie des avancées du processus électoral.
En janvier, les ministres, vice-ministres et délégations de haut niveau du régime birman ont multiplié les déplacements à l’étranger, visitant huit pays, tandis que des délégations de haut rang en provenance de Biélorussie et de Thaïlande se rendaient à Naypyitaw. Les destinations des responsables birmans incluaient des alliés stratégiques et fournisseurs d’armes tels que la Chine, la Russie et la Biélorussie, ainsi que plusieurs membres de l’ASEAN, dont la Thaïlande, le Laos, le Brunei et la Malaisie. Fait notable, leur agenda comprenait également une visite au Brésil, signe de l’intérêt du régime pour une éventuelle adhésion aux BRICS. Parallèlement, la Birmanie a intensifié son partenariat avec la Biélorussie, son principal fournisseur d’armement, en développant la coopération bilatérale dans des secteurs clés tels que le commerce, l’investissement, le tourisme, l’éducation et la santé.
Économie
Le 5 février, Soe Win a exhorté les propriétaires de micro, petites et moyennes entreprises (MPME) à adopter l’énergie solaire, insistant sur sa rentabilité à long terme malgré un coût initial élevé. Il a cité l’exemple de son propre bureau militaire, équipé de panneaux solaires depuis deux ans, affirmant que leur investissement serait amorti d’ici 18 mois. Cependant, la réalité est bien différente pour les entrepreneurs. Les pénuries d’électricité et la flambée des prix du carburant ont conduit à l’effondrement de nombreuses PME, tandis que le coût d’un système solaire demeure inabordable pour une grande partie de ces entreprises, pourtant essentielles à l’économie birmane. Pour la majorité de la population, l’accès à l’énergie solaire reste un luxe inaccessible, alors qu’elle subit de plein fouet la hausse des prix des produits de première nécessité et les coupures d’électricité à répétition.
Interra Resources Limited a suspendu la cotation de ses actions à la Bourse de Singapour (SGX) le 6 février, après des accusations de fourniture de carburant au régime birman. La société affirme répondre aux questions de la SGX et assure que cette suspension ne signifie aucune faute. Le groupe Justice for Myanmar (JFM) a révélé qu’Interra, via sa filiale en Birmanie, aurait livré 2,3 millions de barils de pétrole, évalués à plus de 150 millions de dollars, à Myanma Oil and Gas Enterprise (MOGE), contrôlée par la junte depuis 2021. MOGE, principal pourvoyeur de devises du régime, est sous sanctions de l’UE et des États-Unis. Bien qu’Interra ne soit pas concernée par ces sanctions, la SGX peut suspendre des entreprises violant les restrictions internationales. JFM appelle Singapour à bloquer l’accès de la junte aux ressources financières, aux armes et au carburant, et demande des sanctions contre Interra pour ses liens avec MOGE.
Singapour, destination privilégiée des migrants birmans, a exhorté le 4 février les agences de recrutement à diversifier leurs sources de main-d’œuvre en raison des conflits et de la conscription en Birmanie. Le ministère de la Main-d’œuvre a cité l’état d’urgence, l’extension de la loi martiale et les restrictions de voyage, conseillant aux recruteurs d’explorer un éventail plus large de pays approuvés. Fin janvier, le régime militaire a interdit aux citoyens en âge d’être conscrits de quitter le pays sans exemption, aggravant l’exode déclenché par la réactivation de la loi sur la conscription en 2023. Cette mesure pénalise particulièrement les moins de 35 ans cherchant à travailler à Singapour, impactant entreprises et économie locale. Le pays compte environ 200 000 travailleurs birmans, majoritairement dans la construction, l’entretien ménager, les soins aux personnes âgées, le nettoyage et la restauration.
Société/Répression/Conflit
Le régime birman a annoncé l’arrestation de 81 personnes, dont cinq gardes de sécurité, lors d’une opération de trois jours menée à Mongyai, dans le nord de l’État Shan, contre les jeux d’argent en ligne et les réseaux d’escroquerie. Selon le régime, une fusillade a éclaté le 5 février lors d’un raid visant un centre d’arnaque en ligne, entraînant la mort de deux gardes et l’arrestation de cinq autres. Au cours de cette opération, huit ressortissants chinois et sept Birmans ont été interpellés, tandis que les autorités ont saisi près de 180 téléphones portables, 25 ordinateurs portables et deux appareils internet StarLink. Les 6 et 7 février, 66 autres suspects ont été arrêtés, dont 21 ressortissants chinois et 18 Vietnamiens. Le régime a réaffirmé sa volonté de poursuivre les responsables des escroqueries en ligne et a indiqué que les étrangers détenus seraient rapatriés vers leurs pays d’origine.
La Force de garde frontalière karen (BGF) alliée du régime, à Myawaddy, dans l’État Karen, affirme sévir contre les centres d’escroquerie illégaux le long de la frontière thaïlandaise. Elle déclare lutter contre la traite d’êtres humains, les activités frauduleuses, la torture, le travail des enfants, le trafic de drogue et les escroqueries en ligne, tout en transférant 61 victimes de traite de sept pays aux autorités thaïlandaises. Le 5 février, la Thaïlande a coupé l’électricité, les services internet et l’approvisionnement en carburant à cinq zones, y compris le territoire contrôlé par la BGF, affirmant que les gangs d’escrocs des centres d’appels menacent la sécurité nationale thaïlandaise. Depuis le coup d’État de 2021, les centres d’escroquerie ont proliféré, beaucoup se déplaçant vers Myawaddy après avoir été chassés par l’opération 1027 dans le nord de l’État Shan.
La Force de défense des nationalités karenni (KNDF) a tendu une embuscade cette semaine aux forces du régime qui tentaient de reprendre la ville de Mobye, dans le canton de Pekon, dans le sud de l’État Shan, à la frontière de l’État karenni. L’armée birmane a répondu par des frappes aériennes, selon des habitants. Les forces du régime avaient avancé dans Mobye, tenue par la KNDF, début décembre. La KNDF est une coalition de groupes armés de l’État karenni formée après le coup d’État de 2021.
Le gel des opérations de l’USAID en Birmanie a entraîné le blocage de plus de 39 millions de dollars destinés à des projets de défense des droits humains, de promotion de la démocratie et de soutien aux médias indépendants sur les trois prochaines années, selon Human Rights Watch (HRW). Ce financement, essentiel aux organisations opposées au régime birman, a été brutalement interrompu, provoquant la fermeture de nombreux programmes et le licenciement de personnel. Dans les camps de déplacés situés le long des frontières birmanes, les pénuries de nourriture et de médicaments s’aggravent, tandis que les médias indépendants en exil peinent à rémunérer leurs équipes. HRW alerte également sur la suspension de 120 millions de dollars supplémentaires, initialement prévus pour l’aide humanitaire, l’agriculture, la santé et l’éducation, mettant en péril les communautés les plus vulnérables du pays.
La demande de carburant a explosé dans les villes frontalières birmanes de Myawaddy, Payathonzu et Tachileik, après que la Thaïlande a coupé leur approvisionnement en électricité et en carburant le 5 février. Cette décision vise à paralyser les centres d’escroquerie en ligne, principalement gérés par des syndicats criminels chinois. Certaines stations-service ont fermé et les habitants redoutent un rationnement. Les zones de Myawaddy, notamment Shwe Kokko et KK Park, sont des foyers de criminalité transnationale, incluant fraude en ligne, trafic de drogue et travail forcé. La coupure d’électricité a également affecté des résidences, bureaux, hôtels et lieux religieux.
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