Nos chroniqueurs font réagir nos lecteurs, et c’est tant mieux. La dernière contribution de Ioan Voicu a suscité plusieurs courriels. En voici un très détaillé. Continuez de lire Gavroche…et de nous écrire.
La chronique de Mr Voicu comme tant d’autres, illustre, s’il en était besoin, la crise des institutions internationales notamment onusiennes. Les alertes que celles-ci délivrent et notamment leurs organes spécialisés sont légions et depuis longtemps. Les propos développés et les données auxquelles ils se réfèrent sont d’autant plus catastrophiques que l’argumentaire évolue.
Mais d’abord le constat est-il aussi alarmant ?
Il faut d’abord s’entendre sur la notion de faim, d’ailleurs définie, différente de celle d’insécurité alimentaire. Il est à noter que les menaces concernent, sur d’autres registres, la mauvaise alimentation et l’obésité galopante, aussi bien dans les « pays riches » que les « pauvres ». Le périmètre des dégâts et des risques n’est pas le même, et il est peut être permis de penser que, relativement à l’augmentation démographique mondiale, l’ampleur de la situation semble avoir été contenue. Des analyses chiffrées existent mais elles sont contradictoires selon les bases retenues.
Ce qu’il faut noter c’est que dans les causes retenues, la démographie n’est presque jamais évoquée. Elle semble être un tabou, du point de vue des États ou la transition démographique n’est pas faite et est alors considérée une atteinte à la « dignité » des populations. Il en est de même des conséquences migratoires qui sont également passées sous silence, et pourtant graves sources potentielles d’instabilité sécuritaire et économique. Les tendances démographiques mondiales lourdes semblent toutefois faire apparaître un ralentissement démographique plus ou moins sévère pour la fin du siècle.
D’ici là ; les questions d’accès à l’alimentation restent pendantes et parmi les causes multiples invoquées, celles relatives à l’environnement et au réchauffement climatique sont mises en avant. Le motif est certes un plus grand mobilisateur des préoccupations mondiales et plus incitatif au niveau des contributions notamment financières requises.
Mais beaucoup d’aspect liés au modèles économiques en vigueur dans le secteur agricole ne sont pas abordés ni leurs effets. L’un d’eux est la spécialisation industrielle des secteurs de productions à l’échelle de la planète et la destruction de secteurs nationaux entiers de l’agriculture (résistance de agriculteurs au mercosur). Ces secteurs fortement capitalistiques, dominés par la recherche de la rente financière, sont à même de modifier les marchés et les prix pour des raisons essentiellement spéculatives. D’où la hausse des produits de l’alimentation dans la plupart des pays et les risques encourus pour leur stabilité politique.
Si les guerres comme causes des phénomènes observés sont parmi les causes premières, l’alimentation est aussi une arme géopolitique comme on l’a constaté depuis l’annexion de l’Ukraine par la Russie et son impact sur l’acheminement et le cours des céréales. Un autre exemple a été fourni par la rétention et le contrôle de l’aide alimentaire et médicale apportée à la population de Gaza et son contrôle par le Hamas qui la revendait en multipliant les prix tout en dénonçant le crime de génocide par Israël. L’exemple de l’Holodomor ukrainien et la famine organisée par Staline est un autre exemple. Cette situation semble assez répandue à l’échelle planétaire ou l’on assiste à la captation des aides par des dirigeants corrompus et à leurs profits personnels.
Mais ce que je retiens de la chronique c’est l’illustration du caractère incantatoire et verbal si ce n’est verbeux du droit international n’embrayant que peu sur les réalités et dont la description et l’analyse est loin d’être complète.
De là à inventer une nouvelle « lubie » à allure juridique, un « droit pas comme les autres », un « nouveau droit » ? Quel contenu lui donner, un caractère d’opposabilité absolue (sur le mode du droit au logement opposable en droit français), impliquant une responsabilité étatique effective, un contrôle de celle-ci, le prononcé d’indemnisations, des recours individuels à l’instar de la cour européenne des droits de l’Homme ?
Cette chronique comme beaucoup d’autres relatives aux institutions internationales notamment onusiennes rappelle la fameuse phrase attribuée à Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ». La lecture de l’ouvrage de Jean Ziegler, « La faim dans le monde expliquée à mon fils », publié en 2015 aux Ed. du seuil (63 pages) n’a pas pris une ride, malheureusement…
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