Chaque semaine, Gavroche vous propose un livre qui suscite le débat
La politique, cet aimant
Je n’ai pas revu depuis quelque temps Clément Beaune, l’ancien ministre français chargé des Transports, après s’être occupé des affaires européennes aux côtés d’Emmanuel Macron. J’ai préféré lire son livre « Je dirai malgré tout que la politique est belle » (Ed. Stock), dans lequel il relate son compagnonnage avec le président, jusqu’à sa défaite aux législatives de juin 2024. Et j’avoue que j’ai été déçu. Merci de nous dire, cher Clément, que la politique sert encore à quelque chose. Merci de nous redire que, sur l’immigration (sujet qui lui vaut son désamour élyséen), « quand on est vaseux, on tombe dans les sables mouvants de l’extrême-droite, mécaniquement. Elle sonne plus limpide, plus ferme, plus crédible, car c’est son fonds de commerce. » D’accord. Mais comment on fait pour éviter de se prendre le mur ? Et en quoi la présidence Macron, qui promettait disruption, modernité et dépassement européen, a surmonté l’obstacle du national-populisme ?
La politique est un aimant, voilà tout. Le pouvoir l’est encore plus. Clément Beaune a la franchise d’avouer que cette vie de conseiller présidentiel, puis de ministre, lui a plu. Il s’est senti investi d’une mission. Bravo. Respect. Et après ? Est-ce utile d’affirmer des choses comme « la politique est pour moi une thérapie » ou « il y a au sens propre une France du train à deux vitesses, à l’image de tous nos services publics », ce que tout le monde sait ?
Ce livre se lit avec plaisir. Son auteur est sincère, y compris lorsqu’il avoue ne guère avoir aimé le rôle de député. Le malaise vient du fait que son ouvrage est le produit de la déconnexion française. Les formules faciles, type « il faut que les Français (plus que tout autre peuple sans doute) aient le sentiment que les efforts soient justes, c’est-à-dire partagés et proportionnés ». Pourquoi ce « plus que tout autre peuple » ? Ce ministre fut formidable : affable, pédagogue, investi, éloquent sur l’Europe. Mais Clément Beaune s’est trompé de registre. L’on n’attendait pas de lui un traité sur l’exercice du pouvoir version 2025. Plus intéressant aurait été le récit de sa rencontre, après ses ministères, avec les Français qu’il était supposé gouverner. Le terrain vaut toujours mieux que le miroir.
« Je dirai malgré tout que la politique est belle »
Clément Beaune (Ed. Stock)
Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.