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BIRMANIE – CONFLIT : En avant pour des élections birmanes fin 2025, début 2026

Date de publication : 17/03/2025
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Min Aung Hlaing à Minsk

 

Une chronique du conflit Birman par François Guilbert

 

C’est de Minsk au Bélarus et après une visite d’État en Russie que le chef du Conseil de l’administration de l’État (SAC) a annoncé le créneau de dates dans lequel la junte veut organiser des élections générales. Après avoir laissé entendre pendant des mois que le scrutin se tiendrait courant 2025, le général Min Aung Hlaing a évoqué le 7 mars une plage courant de la fin décembre à la mi-janvier 2026. Exit donc la possibilité de tenir la votation un 8 novembre comme cela fut le cas lors des deux derniers moments électoraux nationaux et provinciaux orchestrés par le pouvoir militaire du général Thein Sein en 2015 et le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi en 2020. Ce glissement calendaire n’est pas totalement anodin.

 

Le conseil militaire veut se donner un maximum de temps pour tenter d’élargir le plus possible les territoires sur lesquels seront installés les urnes manuelles et électroniques. Pour l’heure, la Commission électorale de l’Union (UEC) dit envisager une consultation sur un tiers à la moitié des circonscriptions, selon que l’on prend en compte les townships où il sera possible de déposer des bulletins de vote dans toutes les villes et tous les villages ou seulement dans une partie d’entre eux.

 

En tout état de cause, la junte n’est pas en situation de promettre des élections nationales et provinciales ayant la même ampleur géographique et citoyenne que par le passé. Elle ne dit d’ailleurs rien sur l’élection des ministres des Affaires ethniques généralement choisis le même jour que les parlementaires. Tout au plus, le SAC peut espérer faire mieux que lors des premières élections tenues après l’indépendance quand à peine plus de 18 % du corps électoral se rendit aux urnes de juin 1951 à avril 1952.

 

Comment seront séquencées les élections prochaines ? La junte n’en dit rien

 

Au-delà de l’esquisse de la première étape électorale, le général Min Aung Hlaing reste silencieux. De ses non-dits, on peut toutefois tirer d’ores et déjà quelques enseignements. Pour respecter le calendrier énoncé, le Conseil national de défense et de sécurité (NDSC) ne devrait pas prolonger l’état d’urgence au-delà de son terme actuel, fixé au 31 juillet. Par conséquent, le commandant-en-chef de défense va devoir dire à ses pairs à l’été que la situation sécuritaire s’est suffisamment améliorée au cours du premier semestre 2025 pour inviter les partis politiques à faire campagne et se présenter devant les électeurs. Dès lors, la Tatmadaw dispose de la fin de la saison sèche actuelle et de la saison des pluies à venir pour améliorer significativement ses positions sur le terrain. Une perspective bien incertaine alors qu’elle n’a pas su tourner à son avantage les théâtres des combats depuis le dernier trimestre 2023.

 

Il est donc plus que probable que les élections ne pourront pas se tenir le Jour J dans un très grand nombre de lieux, ce que les oppositions entendent bien démontrer d’ici là. Dans un tel cas de figure, le gouvernement de Nay Pyi Taw se devra ultérieurement organiser dans un nombre significatif de circonscriptions des élections partielles. S’il ne modifie pas les règles de droit actuelles, il ne pourra le faire, au plus tôt, qu’à la mi-2027. Cette perspective législative souligne ô combien les assemblées appelées à être élues d’ici neuf à dix mois auront bien peu de légitimité. Le SAC va néanmoins utiliser le temps qu’il a aujourd’hui devant lui pour distiller un récit sur ses efforts « démocratiques », l’hostilité des terroristes et le soutien à sa « transparence » électorale d’une partie de la communauté internationale, à commencer par la Russie, le Bélarus voire quelques États riverains d’Asie.

 

Le temps est compté pour la junte si elle veut tenir des élections ordonnées d’ici la mi-janvier 2026

 

La junte a tout au plus 300 jours devant elle pour préparer le scrutin auquel elle aspire. Il ne fait guère de doute que le SAC veut tenir des élections mais au sein même de l’armée il peut y avoir des calculs politiques personnels et corporatistes divergeant. Si le général Min Aung Hlaing y voit probablement là l’occasion de devenir le chef de l’État de plein exercice auquel il rêve depuis des années, certains cercles de généraux et peut être aussi de partenaires étrangers (ex. Chine, Inde, Thaïlande…) espèrent que ce sera surtout l’occasion de rogner ou redistribuer les pouvoirs d’un homme qui, de par la rédaction présente de la Constitution, ne pourra pas cumuler les fonctions présidentielles avec celles de commandant-en-chef des services de défense.

 

En attendant, politiquement en annonçant des élections générales d’ici la fin janvier 2026, le général Min Aung Hlaing entend définitivement tourner la page du triomphe électoral de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) de novembre 2020 et des institutions parlementaire (Comité représentant le Pyidaungsu Hluttaw (CRPH)) et gouvernementale (Gouvernement intérimaire d’unité nationale (NUG)) qui en ont découlées depuis le putsch du 1er février 2021. Au fond pour le généralissime, il s’agit de faire coïncider ses assemblées à lui avec la « fin » des mandats des élus par le peuple il y a cinq années, puisque la législature confisquée aurait dû s’éteindre au plus tard au 31 janvier 2026.

 

Si on prend au comptant l’idée d’élections générales au plus tard à la mi-janvier 2026 qu’est-ce à dire pour les électeurs birmans et la gouvernance de la République de l’Union du Myanmar ? Admettons donc que les scrutins nationaux et provinciaux se tiennent le 15 janvier 2026. Selon les règles existantes, cela signifie que les campagnes électorales commenceront au 15 novembre. Les circonscriptions pourront, elles, être arrêtées au 15 septembre, les candidats ayant eux l’obligation de se faire connaître d’ici la fin septembre 2025. Dans cette logique, le régime électoral devra avoir été arrêté et inscrit dans de nouveaux textes d’ici l’été prochain.

 

Les chefs de l’armée ne font pas mystère de vouloir introduire la proportionnelle pour la chambre haute nationale (Amyotha Hluttaw) et les assemblées provinciales ; étant entendu que la chambre basse (Pyithu Hluttaw) conservera, pour des raisons constitutionnelles, son système électoral uninominal majoritaire à un tour (FPTP). Dans tous les cas de figure et une compétition partisane biaisée, ces mécanismes assureront au Parti de la solidarité et du développement de l’Union (USDP), le relais historique de l’armée, le choix du « prochain » président et de son gouvernement avec les 25% de députés à désigner par le commandant-en-chef des services de défense.

 

Au final, sachant que les parlementaires élus le 15 janvier auront jusqu’au 15 avril pour tenir la première réunion de leurs assemblées, il peut donc être envisagé l’élection du nouveau président de la République par voie parlementaire à la mi-mars 2026 et de son gouvernement à la fin du même mois. Dans ce contexte, la nouvelle gouvernance de la Birmanie ne sera vraisemblablement pas en place avant le second trimestre de l’année prochaine. Cette perspective éloignée ne sera pas sans conséquence pour les politiques publiques et sur les personnes emprisonnées pour des motifs politiques, à commencer par les plus en vues.

 

Aucun prisonnier politique de premier plan ne peut espérer être libéré prochainement

 

Le porte-parole de l’armée n’a pas caché quand l’ex-premier ministre cambodgien Hun Sen a dit vouloir s’entretenir avec le prix Nobel de la paix, qu’aucune décision ne serait prise par le SAC pouvant perturber l’ordonnancement des élections. Dans le cas de Daw Aung San Suu Kyi qui aura 80 ans le 19 juin, cela signifie assurément qu’elle a plus de 400 jours de prison encore devant elle. Ce schéma carcéral est préoccupant au regard des faiblesses physiques de La Dame mais également d’un point de vue politique. La junte ne conçoit pas ses élections comme un mécanisme de sortie de crise voire de désescalade de la violence. Pas mêmes les discussions de cessez-le-feu entreprises par les Chinois depuis des mois pour l’État Shan n’ont vu d’accalmies des bombardements aériens et d’artillerie sur des positions civiles.

 

C’est donc sans surprise que l’annonce de la fourchette électorale n’ait pas été accompagnée d’aucun geste d’ouverture politique vers les oppositions. En outre, elle s’est faite non pas en Birmanie mais à l’étranger dans un pays pour le moins non-démocratique et où la Birmanie n’a même pas d’ambassadeur résident en dépit de relations diplomatiques établies depuis 1999. Quel manque de respect pour les citoyens birmans !

 

Un geste ostentatoire qui peut même laisser à penser que les scrutins sont faits plus pour complaire à une certaine frange de la communauté internationale, écrire un récit politique d’une démocratie imaginaire que pour traduire la volonté d’expression politique des ressortissants de la nation. Une chose est sûre : à l’échelle régionale, ce n’est pas à la présidence malaisienne de l’ASEAN qu’il appartiendra de rapprocher les points de vue sud-est asiatiques sur le processus parlementaire qui s’engage mais à sa successeuse, la République des Philippines, qui prendra les rênes de l’association au 1er janvier 2026.

 

L’organisation régionale n’ayant pas de mécanismes d’observation électorale en propre, tout au plus Nay Pyi Taw peut travailler dans les mois qui viennent à l’invitation de « scrutateurs » de quelques États illibéraux de la région et dictatoriaux d’ailleurs pour adouber, à sa manière et le moment venu, les autorités « appelées » à gouverner la Birmanie à partir de 2026. Reste à savoir si les perspectives et réalités sécuritaires ne viendront pas voir reporter une nouvelle fois les projets électoraux du général Min Aung Hlaing, de son gouvernement et du SAC !

 

En cas d’extinction de l’État d’urgence, pour organiser dans les six mois les votations, une chose est certaine : il appartiendra au Conseil national de défense et de sécurité de piloter le pays, un organe qui a tout de militaire. Les élections 2025 ou 2026 seront donc faites par et pour l’armée birmane. Les résultats, eux, en sont clairement préemptés par et dans les intérêts de son chef.

 

François Guilbert

 

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