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Je ne vais pas jeter la pierre à François Bayrou, ce Premier ministre français qui vient de passer urbi et orbi le cap de ses cent premiers jours à l’hôtel de Matignon. Pourquoi cette mansuétude, alors que les médias déplorent son style, son absence d’étincelle et ses volte-face, comme celle sur la renégociation en cours de la réforme des retraites de 2023 ? Parce que l’intéressé fait le job. A sa manière. Pépère. En prenant bien soin de décevoir tous ceux qu’il juge bien plus obnubilés par leurs audiences et par le buzz que par la République.
Pas étonnant, d’ailleurs, que ce fervent catholique de 73 ans ait nommé « conclave » la nouvelle conférence sur les retraites, que deux syndicats majeurs (FO et la CGT) ont décidé de déserter. Bayrou est une sorte de cardinal républicain. Il écoute (ou fait semblant). Il prend plaisir à voir, à l’Élysée, Emmanuel Macron trépigner d’impatience. Bayrou pense qu’il a le temps, maintenant que les socialistes ont rompu avec Mélenchon et sa France insoumise. Il ne croit pas que Marine Le Pen, en attente d’être jugée (et peut-être déclarée inéligible) le 31 mars, se risquera à le provoquer en duel, via une motion de censure. Il a volé son calendrier au « maitre des horloges » présidentiel.
Ainsi va la France de Bayrou le dépanneur.
Ses caisses sont vides. La menace russe, instrumentalisée par le président pour armer le pays et plaider pour une intervention en Ukraine (la « coalition des volontaires » européens a rendez-vous ce jeudi à Paris), laisse perplexe le pays profond, cette fameuse « province » que le Premier ministre béarnais croit connaitre mieux que quiconque. Tant pis pour le conclave sur les retraites, menacé d’échouer. Il y en aura d’autres. Gare aux révélations sur la communauté de Bétharram, dont il affirme avoir ignoré les abus.
François Bayrou aime le huis clos. Il n’apprécie que son ego. Il décourage les ambitions de ses ministres présidentiables à coups de leçons de morale. Il se voit comme le confesseur de la France. Pour qu’elle avoue (enfin) tous ses péchés.
Bonne lecture, Jésus va revenir!
(Pour débattre: richard.werly@ringier.ch)
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La ferveur, c’est bien si elle est accompagnée du discernement, c’est encore mieux
Cardinal à Paris, Pape à Pau… La mue serait-elle en voie d’achèvement ? Pas celle imaginée par Prévert, le pape Araignée mais pourquoi pas libellule ou papillon s’interrogeait-il anticléricalement… Notre éditorialiste ne va pas jusqu’à ces extrémités. Un sort subalterne est réservé à f. Bayrou… évêque « in partibus », un sort qui fût autrefois réservé à Monseigneur Gaillot. Le Bearn n’est pas ( encore ) la Maurétanie Tingitane. Osons et prions…
D’un conclave faisant « pschitt », notre futur « Saint Père » semble avoir pris le chemin d »un nouveau concile. Le concile de Pau… Ayant mis fin au conclave par un « non possumus » tranchant et définitif au nez et à la barbe des syndicats réunis et à l’opposé des ses propos précédents et encore frais, il fallait viser plus haut.
Pau est en passe de devenir le siège de la nouvelle papauté désertant finalement Avignon. Une papauté non plus sur le Rhône mais sur le Gave et ses dangereux tourbillons mais à l’ombre de Bernadette Soubirous. Tout ou presque est en place : la componction qui sied à l’attitude de l’impétrant, les paroles souvent creuses et dont le débit sirupeux s’échappent des lèvres pincées et qui flottent comme la fumée de l’encensoir, les mains jointes, jusqu’au siège, style Henri IV, un trône au cœur de la salle du conseil municipal palois, une « sedia gestatoria bis ». Il manque la tiare et encore faut-il qu’une une fumée noire ne s’échappe pas des hautes cheminées de Bétharam. Les attributs anatomiques ne font guerre de doute et l’on admettra, sans barguigner, que « duos habet et bene pendentes ». Même pas besoin d’être chrétien, l’histoire des « Borgia » l’atteste. Un baptême de dernière extrémité suffirait, une situation qui ne concerne pas le futur pape. La crainte qui vient de surgir concerne les espèces de la communion, l’ hostie pouvant être remplacée par le » Burger King »…
Le thème du futur concile doit aborder une énième mouture de la querelle sur le « sexe des anges » ? Qu’est-ce qu’être français ? Une vraie question théologique sur la recherche de l' »essence ». Faute d’y parvenir on va discourir sans fin sur l’existence et les preuves de l’assimilation. Les débauches techniques sur les preuves à fournir vont faire les choux gras des politiques et de l’opinion allumée par les médias. L’imagination déployée à tous les coins de l’hexagone risque d’être débordante et surprenante.
L’objectif : un référendum sur le doit du sol, son maintien, ses restrictions dont Mayotte fournit un avant-goût et plus largement une révision du code de la nationalité ? Ou encore la mise en place d’un narratif et d’un tremplin pour discours électoral de 2027 ? L’opération n’est pas sans risques.
Des précédents, dans des conditions proches, ont déjà été expérimentés du temps d’une ancienne présidence. Un ministère fût même dédié à l’entreprise. Le résultat escompté fût grand, le résultat obtenu un échec. La situation politique a changé, les configurations partisanes sont différentes, les opinions davantage acquises aux discours réservés et hostiles à l’immigration que F. Bayrou a lui-même qualifié de « submersion » que Giscard, il y a 50 ans qualifiait d' »invasion ». A moins que la question de l' »invasion russe » ne submerge les préoccupations de l’opinion…
Les dès du futur concile sont jetés, des conciles mineurs et décentralisés, un dogme bayroutien, devraient se réunir. Nous sommes pour le moment suspendus à une messe, célébrée par le nouveau pape François, le « béarnais », sur les autels de notre Dame de Paris et de Pau, vers lesquels nous imaginons que notre bon pape, descendu prudemment de sa sedia gestatoria et la tiare déposée, entonnera l' »introït » et nous submergera d’eau bénite. Un détail m’obsède : quid de la présence des gardes suisses et de leur office ? Notre éditorialiste devrait pouvoir nous répondre, non ?