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Le baromètre de la République française vient-il d’être cassé par la justice ? Je pose la question en constatant, sur les réseaux sociaux, l’explosion du hashtag #jesuismarine, lancé par le Premier ministre hongrois Viktor Orban. Logique. Inquiétant. Déprimant. Rien de plus facile, en effet, que de victimiser désormais Marine Le Pen, candidate à priori empêchée du Rassemblement national (RN) à la présidentielle de mai 2027.
Le tribunal correctionnel de Paris a bien fait les choses. Une culpabilité individuelle « au cœur » d’un système de détournement de fonds publics. Un jugement destiné à être emblématique (officiellement pour décourager la récidive). L’affaire est entendue pour ses partisans : la cheffe du RN, héritière d’une opération de siphonnage des fonds européens montée par son défunt père Jean-Marie, vient d’être « exécutée » par les magistrats. Lesquels ne perdent rien pour attendre…
#jesuismarine est le scénario du pire. Car il promet de radicaliser plus encore tous les camps. D’un côté, le camp de ceux qui veulent s’en tenir à la loi, un point c’est tout, au risque de heurter des millions d’électeurs. De l’autre, le camp de ceux qui voient dans ce jugement du 31 mars une nouvelle façon de brouiller les cartes, pour éviter la future alternance à droite toute. Tant pis pour la nuance et pour le respect de la volonté populaire. Le pugilat entre les urnes et la justice peut virer à la bataille rangée, que Marine Le Pen, sur TF1, a réaffirmé vouloir toujours mener jusqu’aux portes de l’Élysée.
#jesuismarine est le porte-drapeau de la France qui m’inquiète. Une fois encore un pays contre l’autre. Avec, chacun, ses arguments massues qui nourrissent le ressentiment mutuel.
Et tous ceux qui ne sont pas #jesuismarine, tout en redoutant l’instrumentalisation du droit à des fins d’élimination politique, ils font quoi ?
Bonne lecture, et ne me jugez pas !
(Pour débattre: richard.werly@ringier.ch)
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Sans qu’il soit besoin de contester la réalité des faits reprochés dans l’affaire des assistants parlementaires européens puisqu’ils seront ré-examinés en appel, la lecture des motifs du jugement rendu le 31 mars 2025 ayant conduit au prononcé d’une exécution provisoire immédiate à inéligibilité d’une éventuelle candidature à la présidence de la République interroge. Elle interroge le juriste et bon nombre d’entre eux ont exprimé leurs doutes. L’article de N. Lenoir, avocate, ex ministre et ex membre du Conseil Constitutionnel dans son article publié au Figaro du 2 avril 2025 en est un exemple.
Les doutes ne concernent pas les faits reprochés qui pourront être ré-examinés en appel. Ils concernent les motifs ayant conduit à la décision d’exécution immédiate.
La critique le plus souvent rencontrée met l’accent sur le caractère politique de la décision et, à partir de là, dénonce la partialité partisane des juges, à commencer par l’instruction.
Point n’est besoin de s’aventurer sur une analyse externe que l’on considérera comme partisane elle aussi et relevant du procès d’intention même si l’effet de la décision a pour effet de faire obstacle à éventuelle candidature de M. Le Pen à la présidence de la République.
C’est bien parce que les raisonnements qui ont conduit au jugement sont discutables si ce n’est pour certains aberrants sur un plan purement juridique que l’examen de l’appel interjeté à été avancé par la cour d’appel elle-même. Sans quoi, l’affaire aurait été jugée dans les délais requis par les règles qui président aux audiencements c’est à dire, possiblement, après le dépôt des candidatures à l’élection présidentielle.
Que le jugement ait été rendu dans le cadre d’une loi applicable n’implique pas que les motifs de recourir à son application soient infondés. Le tribunal aurait d’ailleurs pu de pas décider de recourir à l’exécution provisoire, mais y recourant, des motifs juridiquement fondés s’imposaient à lui.
1 – Il est invoqué un risque de récidive (réitération) à l’encontre de M. Le Pen au motif qu’elle a nié les faits qui lui sont reprochés. Or c’est le propre de tout justiciable d’éventuellement nier les faits sur la base desquels il est poursuivi. Tout accusé, sur le fondement constitutionnel qui lui garant le droit de ne pas s’auto-incrimininer peut à tort ou à raison contester ou nier les bases des poursuites dont il fait l’objet. Dans le cas présent il s’agit de la qualification juridique de faits (ici détournements de fonds sans corruption ni enrichissement personnel). Il y a tout lieu de penser qu’en appel, la même défense soit invoquée. En quoi reprendre en appel la défense initiale constitue-t-il une menace de réitération d’une infraction et pour le tribunal, un déni des faits reprochés ? Sauf à faire à priori obstacle à l’exercice d’un droit fondamental de tout justiciable fondé sur le principe du double degré de juridiction et le droit pour tout justiciable à un appel.
2- par ailleurs, objecter pour le tribunal, que le RN, étant opposé à une Europe fédérale est une circonstance aggravante, que tribunal qualifie, en dehors de toute considération juridique de « cynique » alors qu’il aurait détourné des fonds européens pour salarier des assistants parlementaires dont les attributions n’étaient pas intégralement consacrées au fonctionnement des institutions européennes (aussi bien géographiquement qu’idéologiquement) est juridiquement incompréhensible si ce n’est aberrant. Il n’est pas interdit d’avoir des conceptions différentes sur l’Europe à moins d’invoquer un « ordre public démocratique » (j’ajoute européen) et dont la critique constituerait un « trouble grave » mais qui n’existe pas juridiquement mais que le tribunal semble introduire et qui pourrait s’analyser comme une dérive et un risque vers une conception de l’Europe de type totalitaire. Ne peut-on pas voir là un risque d’atteinte au principe constitutionnel « du pluralisme des courants d’idées et d’opinions qui constitue le fondement de la démocratie »?
Au delà du sort politique de M. Le Pen, la question posée est celle de la sécurité juridique de chacun d’entre nous et de garantir aux avocats et aux professionnels du droit les moyens de cette sécurité.
Avant de dénoncer la politisation de juges dont un tiers auraient une conception militante du droit et de la justice, ce dont on ne peut rien dire en l’espèce, il y a plutôt lieu de pointer une approche du droit qui n’est plus rigoureusement juridique et polluée par des considérations morales éventuellement empreintes de considérations relatives à l’équité et donc passablement subjectives. Cette remarque pose la question de la formation des magistrats et de sa qualité du point de vue de la connaissance du droit.
La cour d’appel, surprise et submergée par le doute et, peut-être, le « trouble » donne l’impression, pour certains, d’avoir accordé un passe-droit dont le « justiciable lambda » ne bénéficie pas mais, au moins, la voie de la rectification plus conforme à la décision du Conseil Constitutionnel rendue le 8 mars 2025. Dans le cadre d’une réserve d’interprétation obligatoire, il pose le principe du respect de la « liberté de l’électeur » en ayant bien soin de « proportionner l’impératif (de l’exécution provisoire immédiate et non suspensive), à la sauvegarde de l’ordre public et à la bonne administration de la justice ». Nous verrons si, en appel, le conseil de « prudence » aura été entendu…
Ne pas oublier les principaux faits dans cette histoire, Le Pen a détourné des fonds publics donc l’argent des contribuables européens et français pour verser des salaires aux employés de maison des Le Pen père et filles ainsi que la famille proche, c’est indéfendable et elle mérite les sanctions requises point !!
Vous semblez ignorer le droit qui s’applique à tout Français. Pour l’instant il n’y a pas de condamnation puisque Marine le Pen a fais appel. Elle est préjugée innocente
Il est inadmissible qu’un juriste ne maîtrise pas les règles grammaticales.
Mais d’abord, peut-on critiquer une décision de justice ? La réponse est oui à moins de finasser sur les mots et préférer l’expression « commenter ». Étudiant en droit et l’ayant enseigner je n’ai fait que cela. C’est le rôle de la « doctrine » qui fait l’objet des revues juridiques. C’est le rôle du législateur qui réforme les textes critiquables, imparfaits ou incomplets.
Une différence doit être faite avec la critique personnelle des magistrats qui rendent les jugements, arrêts et décisions encore que la sociologie judiciaire, très abondante, analyse l’origine sociale des juges, leurs formations, l’idéologie ( es juges français ne sont pas élus sauf exception, sont syndiqués et votent) qui les animent, le syndicalisme judiciaire, l’histoire des magistrats et de la justice, etc.
L’État du droit est celui qui existe à un moment donné et il peut être critiqué et changer. Dans un régime politique démocratique, c’est le peuple souverain qui à l’initiative du changement et décide.
L’État de droit désigne la cohérence et la conformité des normes ou règles dans un ensemble hiérarchisé, la norme suprême étant celle qui émane du peuple ou de ses représentants. En théorie la Constitution. L’obligation de conformité s’impose d’abord aux autorités qui les émettrices de ces normes, mais peuvent ne pas la respecter. D’où des organes de contrôle appartenant à des juridictions ; Le Conseil Constitutionnel pour la conformité à la constitution qui n’existait pas sous les précédentes républiques.
Mais peut-on dire qu’une décision de justice est politique ? La réponse souvent faite présuppose la distinction, parfois présentée comme étanche, entre le juridique et le politique. L’argumentation juridique ayant sa logique propre, indépendante des appréciations politiques et le juge impartial.
L’analyse doit être nuancée :
1- Les juges sont censés appliquer des textes qu’ils ne fabriquent (et avec lesquels ils peuvent être politiquement ou moralement en désaccord) pas et d’abord des lois dont la visée est nécessairement politique. Il en est de même des textes d’application ainsi que des normes européennes d’application directe et des traités internationaux.
2- La clarté et la simplicité de l’énoncé précédent s’atténue lorsque le juge doit interprété des textes obscurs dans leurs énoncés (lois mal faites répondant à des pressions partisanes opposées ou prises dans l’urgence médiatique) ou contradictoires. Dans des interstices plus ou moins larges des lignes, le juge doit interpréter (il est dans l’obligation de juger) donc « créer » du droit. En principe dans la ligne des textes en s’inspirant de l' »esprit des textes » et du droit et des travaux parlementaires. Il arrive que l’esprit du juge se se substitue à celui des lois. Même si la collégialité est censée atténuer le risque, les magistrats partagent au même ethos social et juridique, une « vision « largement contrôlée par une administration très hiérarchique. On est par exemple dans le cas de « revirements » de jurisprudences, une interprétation A pouvant être B sur la base d’un même texte à fortiori en l’absence de textes. On peut affirmer que la décision de justice peut avoir une dimension politique aussi bien dans les énoncés et les conséquences.
3- La dimension politique des décisions de justice est surtout sensible dans les domaines qui « impactent » directement les éléments de l’expression démocratique et donc conditionné et la nature plus ou moins démocratique d’un régime politique. Le jugement rendu le 1er avril 2025 par le tribunal correctionnel de Paris à propos des assistants parlementaires européens du RN n’échappe pas à la critique et les arguments ne manquent pas de pertinence. Les énoncés du jugement paraissent d’ailleurs curieusement en faire l’aveu.
On peut y voir :
1- Un parti pris politique de juges hostiles au RN et organisant, sous un habillage juridique, une impossibilité pour un futur candidat à l’élection présidentielle de se présenter.
2- Mais aussi une affirmation du pouvoir des juges, en tant que « caste » par rapport à celles des politiques, donc l’expression d’un corporatisme dans un rapport de force entre deux pouvoirs. C’est une autre forme du « gouvernement des juges », une manifestation séculaire depuis l’ancien régime en France, le Roi étant dans l’obligation de faire enregistrer les édits dans des « lits de justice ». La subordination des juges au pouvoir politique après la Révolution, jusqu’à l’expression d’ « autorité judiciaire « figurant dans la constitution de 1958 exprime nettement l’état de subordination du pouvoir judiciaire qu’on refuse de qualifier comme tel. La France, depuis le Révolution, a cette caractéristique de tenir le « pouvoir judiciaire en infériorité, d’où un nombre de magistrats n’ayant pas augmenté par rapport au dossiers à traiter et ce depuis le XIXème siècle, sans parler du budget microscopique du ministère de la justice et malgré la dernière hausse arrachée.
Une analyse plus précise du séisme politico-juridique causé par le jugement du tribunal correctionnel de Paris reste à faire. Attendons d’en observer les répliques…
Donc on laisse ces déliquants voler, on on applique pas la loi. Vous avez vu le jugement ? Ce pour quoi ces cadres du RN ont été jugés coupable ?
La « Présomption d’innocence » tant que le jugement n’est pas définitif par la cour d’appel