François Mitterrand, l’empereur et ses démons
L’histoire ne pardonne pas. Mais elle n’est pas non plus un tribunal. Ces deux réalités ne cessent de s’entrechoquer à la lecture du très documenté et passionnant « François Mitterrand, le dernier Empereur » (Ed. Philippe Rey). Il s’agit, pour ce livre collectif d’historiens et de politologues, de cerner les contours du Mitterrand de l’époque coloniale, alors ministre et hiérarque d’une République qui dominait sans partage et sans scrupules des territoires et des peuples situés à des milliers de kilomètres de la métropole. La République ? La question est évidemment posée dans le titre. Il s’agissait d’un empire colonial, constitué souvent à la force du sabre, de la peur, des traités inégaux et des massacres. Mitterrand, président de la République de 1981 à 1995, en fut l’incarnation.
On retiendra, côté tragédie, le génocide rwandais qui ensanglanta la fin du second septennat Mitterrand. Un génocide couvert par de proches collaborateurs d’un chef de l’État alors gravement diminué par la maladie, et perdu dans ses schémas hérités de la colonisation et du partage de l’Afrique, entre francophones et anglophones. Mais l’essentiel du livre se trouve dans d’autres chapitres. Mitterand et l’Indochine, cette si riche et lointaine colonie dont il comprit très vite que la France n’aurait pas les moyens de la conserver. Ce qui ne l’empêche pas de se retrouver mêlé à un sombre « trafic de piastres » qui corrompait alors une bonne partie de l’élite républicaine. Mitterrand et Houphouet-Boigny, futur président ivoirien et ultime pilier de la « Françafrique ». Mitterrand et l’Algérie surtout, ce département français où la justice qu’il dirigeait (comme ministre) était celle de l’occupant.
Ce livre est celui des démons de l’empire. Et de l’empereur. Des démons qui, d’Alger aux capitales du Sahel, n’ont pas fini d’empoisonner la République de 2025.
«François Mitterrand, le dernier Empereur»
Sous la direction de Pascal Blanchard et Nicolas Bancel (Ed. Philippe Rey)
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