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THAÏLANDE – FRANCE : Le regard de l’ancien Ambassadeur de France Yves Carmona sur le royaume

Date de publication : 24/04/2025
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BYD Thaïlande

 

Notre ami et collaborateur Yves Carmona a produit ce texte sur la Thaïlande pour la Fondation France Asie. Nous le reproduisons avec son autorisation.

 

La Thaïlande, on la connaît surtout comme un lieu de tourisme : plages magnifiques, mer encore limpide, diversité des lieux et paysages, belles jeunes personnes très accessibles pour les adeptes du tourisme sexuel… Et puis de temps à autre, elle est présente dans les médias comme lieu interlope, favorisant les activités frauduleuses notamment aux frontières – elles sont nombreuses et pas toujours contrôlées : Birmanie, Laos, Cambodge, Malaisie.

 

Un coup d’œil dans l’histoire récente fait de ce royaume une base logistique majeure des États-Unis pendant la guerre du Vietnam (1954-1975). Mais après la paix, elle a su se réconcilier avec ses voisins communistes Laos, Vietnam et Cambodge au sein de l’ASEAN, créée en 1967 par l’Indonésie, la Malaisie, Singapour, la Thaïlande et les Philippines et rejointe par le Brunei (1984), le Vietnam (1995), le Laos et la Birmanie (1997) et enfin le Cambodge (1999). Jamais colonisée à la différence de ses voisins, ce dont elle est fière, monarchie constitutionnelle depuis 1932, la Thaïlande est une démocratie sans cesse remise en cause.

 

Depuis le 16 août 2024, elle a une jeune Première ministre, Paetongtarn Shinawatra, 38 ans lors de son élection, alors que sa tante Yingluck avait été renversée par l’armée en 2014. Il est vrai que le système dynastique se porte bien à travers l’ensemble de l’Asie du Sud-Est. Thaksin Shinawatra, magnat des télécommunications et ancien Premier ministre, père de la nouvelle cheffe de gouvernement, a expliqué, lors d’un grand gala donné le 22 août 2024 en son honneur, que la vision égalitaire de l’opposition était « impossible dans la société thaïlandaise », à cause du « système de séniorité ».

 

Son propre parti s’efforce, a-t-il défendu, de « donner des opportunités égales » aux moins fortunés. Il n’empêche, les coups d’État sont fréquents : 12 depuis 1932 et 7 tentatives, les militaires thaïlandais ont toujours joué un rôle majeur sur la scène politique thaïlandaise. Institution complexe et versatile, l’armée a, dans l’histoire, défendu avant tout ses propres intérêts, s’appuyant tantôt sur la monarchie, tantôt sur les classes défavorisées, à travers un discours nationaliste et populiste.

 

La scène la plus extraordinaire dans l’histoire récente de l’opposition entre l’armée qui n’échappe pas à la corruption et ses opposants est celle montrant en 1992 l’activiste Chamlong Srimuang, ancien gouverneur de Bangkok (1985-1992) et général très pieux, vénéré par 200 000 manifestants, prix Ramon Magsaysay (catégorie service gouvernemental) pour son intégrité,[1] face au Premier ministre Suchinda Kraprayoon. Seule l’intervention du Roi Bhumibol Adulyadej, devant lequel les deux adversaires se prosternèrent en signe de soumission, mis fin provisoirement à l’affrontement. Le Roi actuel Rama X lui a succédé le 13 octobre 2016. Son royaume n’est plus un pays en développement.


93 % de la population est alphabétisée. Le cursus scolaire obligatoire dure 9 ans et l’accès à l’éducation est gratuit jusqu’à l’âge de 18 ans. La jeune Première ministre, elle, est une héritière fortunée, amatrice de montres, sacs et voitures de luxe. Son pouvoir fait l’objet de critiques d’autant plus vives qu’au moins dans la capitale, les jeunes hommes et femmes ne s’en laissent pas compter et mènent une bataille permanente pour la démocratie.

 

La diversité de la « Terre des Thaïs » n’est pas que politique. Sur une superficie d’un peu plus de 500 000 km², elle présente de grandes différences topographiques, linguistiques – plus de 60 langues officiellement reconnues – culturelles, religieuses, culinaires entre provinces étagées du Nord au Sud. Globalement, la position stratégique du pays lui confère une grande influence sur l’Asie du Sud-Est mais bordée par les mers, elle est particulièrement sensible au changement climatique. Ses provinces méridionales bordant la Malaisie (Pattani, Yala et Narathiwat) et qui regroupent l’essentiel des 5% de musulmans que compte le pays sont en proie depuis 2004 à une insurrection séparatiste qui a fait de nombreuses victimes.



Malgré les difficultés, le patriotisme – fierté d’être thaïlandais – y est perceptible. D’après la Banque Mondiale, c’est une réussite du développement car elle a su passer d’une économie essentiellement agricole à un modèle moderne, industrialisé et stimulé par les exportations. Le taux de croissance a été en moyenne de 7,5% de 1960 à 1996, de 5% en 1999-2005 et le taux de pauvreté est passé de 42,5 % en 2000 à 6,3% en 2021.

 

Mais une certaine stagnation sévit depuis le milieu des années 2010 que la COVID a encore accentuée pendant que l’écart entre les zones urbaines d’une part et le Sud et le Nord-Est d’autre part ne cessait de s’élargir. La Thaïlande a le taux d’inégalité (mesuré par le coefficient de Gini) le plus élevé d’Asie de l’Est et du Pacifique. Après la crise Covid, la reprise a été faible et le taux de croissance est d’environ 2,4% en 2024 et ne devrait pas dépasser 2,7% en 2025 selon Supavud Saicheua, président du National Economic and Social Development Council.

 

Il faut dire que l’expertise est rendue aléatoire à la fois par les incertitudes de l’environnement international et par le poids (près de la moitié) de l’économie informelle. Surtout, les investissements de lutte contre les accidents climatiques vont coûter cher. Les inondations de 2011 ont fait de nombreuses victimes et coûté 46 milliards $. Pourtant, la pollution, qui était telle à Bangkok dans les années 80 qu’il fallait relever les policiers aux carrefours toutes les 20 mn car, disait-on, la première préoccupation du chauffeur de taxi était d’enlever son pot d’échappement pour aller plus vite, a nettement diminué malgré des embouteillages impressionnants.

 

Dans un PIB qui reste le deuxième de l’ASEAN, groupement vers lequel vont la majorité de ses exportations, avant l’Union européenne et la Chine, le tourisme malgré son importance ne représente que 8%, ce qui met la Thaïlande relativement à l’abri quand sévit une crise comme la COVID. La Thaïlande reste cependant un pays vulnérable à bien des égards, d’abord sur le plan naturel : le tsunami de 2004 y a fait un grand nombre de victimes. Elle l’est aussi par rapport à son grand voisin : l’emprise de la Chine y va croissant.


Un ami vivant en Asie du Sud-Est qui se rend souvent à Bangkok note lors d’un récent voyage : « Les investissements chinois prennent le pas sur ceux des Japonais. Visuellement, on peut voir les grands panneaux publicitaires chinois le long de l’autoroute menant à l’aéroport, en particulier pour les véhicules électriques, qui supplantent les fabricants traditionnels de Toyota et de sa chaîne d’approvisionnement. Il y a tellement de marques chinoises de voitures électriques dans la rue qu’il est difficile pour le non-initié que je suis de les reconnaître toutes.

 

Je pense que ce n’est qu’une question de temps lorsque les BYD remplaceront les Toyota dans ce monde. » Dans les rues de Bangkok, si la majorité des voitures sont encore japonaises, on peut remarquer qu’il s’agit surtout de l’ancienne génération de véhicules japonais, qui est probablement en train de disparaître. Le « Détroit » asiatique est en train de devenir chinois, car les voitures électriques chinoises, élégantes Avril 2025 et silencieuses, supplantent leurs concurrentes nippones. On ne peut s’empêcher de comparer la situation à celle du marché automobile américain dans les années 70, lorsque les constructeurs automobiles américains sont passés d’une attitude condescendante à l’apparition des premières voitures japonaises à un effort désespéré pour obtenir du gouvernement américain la restriction volontaire à l’exportation (VER) imposée au Japon afin de réduire la concurrence.


La question est de savoir comment les anciens constructeurs automobiles, qu’ils soient américains ou japonais, peuvent faire face à la surcapacité des fabricants chinois qui bénéficient de subventions publiques. Que se passera-t-il avec l’intelligence artificielle ? »

 

L’industrie automobile est déjà à 15% en dessous de son maximum historique, après avoir constitué un terrain de choix pour les délocalisations des marques japonaises. Le marché automobile thaïlandais a connu un début d’année 2025 difficile, avec des ventes en baisse de 10 % au cours des deux premiers mois par rapport à la même période l’an dernier. Les ventes totales d’automobiles ont atteint environ 97 000 unités, les deux géants du secteur Toyota et Isuzu, ainsi que le constructeur de véhicules électriques BYD (Buy Your Dream), enregistrant des baisses notables. Ce ralentissement est attribué à une combinaison de facteurs, notamment une reprise économique lente, un endettement élevé des ménages et un durcissement des conditions de crédit.

 

Le segment des pickup d’une tonne, indicateur clé de la santé économique, reste particulièrement faible. L’industrie chinoise produit quant à elle avant tout pour le marché intérieur chinois. Autre vulnérabilité, le « Triangle d’or » (Thaïlande, Laos et Cambodge) a été de longue date une zone de non-droit. L’auteur de ces lignes se souvient d’un voyage organisé dont les accompagnateurs exhortaient les clients à franchir les frontières sans visa.

 

C’est là qu’aujourd’hui poussent et repoussent chaque fois qu’ils sont démantelés casinos, maisons closes et réseaux de cybercriminalité alimentés par les gangs chinois (« triades »). Il faut dire que derrière l’image romanesque, le Triangle d’or a été le point de départ en alimentation en opiacés et autres adjuvants des troupes américaines qui menaient au Vietnam une guerre insupportable. Le fleuve Mékong continue aujourd’hui d’abriter de fructueux trafics.


Avec ses voisins birmans et chinois dont les gouvernements contrôlent peu ces régions lointaines quand ils ne ferment pas délibérément les yeux, les autorités thaïlandaises luttent contre le « cyberesclavagisme » dénoncé par l’ONU selon laquelle 220 000 personnes auraient été piégées et forcées de se livrer aux escroqueries téléphoniques.

 

Pas étonnant qu’un journal taïwanais ait récemment désigné comme « dangereux » la Thaïlande, le Vietnam, le Laos, la Birmanie et le Cambodge. Malgré les actions de la Thaïlande contre des centres d’appels birmans qui ont eu des effets positifs sur certains, le pays reste dangereux en raison des autres centres d’appels en Birmanie, au Cambodge et au Laos. Ainsi, sept ressortissants taïwanais figurent parmi les 260 étrangers transférés de Birmanie vers la Thaïlande en février dernier.

 

Selon un général thaïlandais, beaucoup de ceux qui venaient de pays africains, transférés en Thaïlande en provenance de Birmanie affirment avoir été drogués lorsqu’ils ont été transportés à travers la frontière poreuse du district de Mae Sot dans la province de Tak à la ville de Myawaddy, et forcés à travailler dans des centres d’appel frauduleux – mais ont-ils vraiment été forcés ?

 

Or la sécurité de 35 millions de touristes étrangers est d’une importance vitale pour le gouvernement et l’économie du pays. Aussi, lors d’une réunion en février 2025 entre la Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra et le président chinois Xi Jinping, les deux parties se sont engagées à « poursuivre la coopération sécuritaire et juridique » pour faire face à la situation des crimes de fraude.

 

Juste avant cette visite, la Thaïlande a annoncé qu’elle couperait l’alimentation Avril 2025 électrique de certaines zones frontalières avec la Birmanie, un pays en pleine guerre civile, pour empêcher les activités de ces groupes criminels. Voilà que la lutte contre les fraudeurs pourrait se retourner contre la Thaïlande : les touristes chinois sont importants pour l’industrie touristique thaïlandaise, mais leur nombre est en déclin. D’ici fin 2024, le nombre de visiteurs chinois en Thaïlande n’atteindra que 6,7 millions, contre 11 millions en 2019, avant la pandémie de Covid.

 

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Ancien élève de l’ENA et diplomate, Yves Carmona a passé la plus grande partie de sa carrière en Asie : conseiller des Affaires étrangères au Japon à deux reprises, premier conseiller à Singapour et ambassadeur au Laos puis au Népal (2012-2018). Dans ces postes comme dans ceux qu’il a occupés à Paris, il a concentré, y compris comme étudiant en japonais, son attention sur l’évolution très rapide des pays d’Asie et de leurs relations avec la France et l’Europe. Désormais retraité, il s’attache à mettre son expérience à disposition de ceux et celles à qui elle peut être utile.

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