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THAÏLANDE – HISTOIRE : Simon de la Loubère : la mémoire du Siam au XVIIe siècle

Journaliste : Xavier Galland
La source : Gavroche
Date de publication : 21/10/2023
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De 1678 à 1688, le Siam et la France échangèrent quatre ambassades, deux dans chaque sens. On pourrait même dire deux et demi en ce qui concerne le Siam, puisque la première s’étant abîmée en mer lors d’un naufrage, le roi Naraï avait envoyé une mission d’information (qui n’était donc pas une ambassade officielle) dont le déroulement fut pour le moins cocasse.

 

Nous abordons aujourd’hui la deuxième ambassade française, celle de 1687 menée conjointement par Simon de La Loubère et Claude Céberet du Boullay.

 

Si l’ambassade du Chevalier de Chaumont (et de l’abbé de Choisy) en 1685 avait surtout eu un caractère de prestige, celle de 1687 est nettement plus ambitieuse et conséquente. Pas moins de cinq navires transportant plus de mille trois cents personnes la compose.

 

En effet, outre raccompagner les deux ambassadeurs siamois en mission en Europe depuis deux ans, il faut aussi prendre possession de Bangkok et de Mergui, les places fortes que Phaulkon a promises aux envoyés de Louis XIV. Ce n’est donc pas seulement quelques diplomates et missionnaires qui quittent Brest le 1er mars 1687, ils sont aussi accompagnés de soldats et artisans divers prêts à investir ces nouveaux bastions français.

 

L’inévitable père Tachard – éminence grise de Phaulkon – est bien sûr lui aussi du voyage… on serait presque tenté d’ajouter « hélas ! ». Il ne lui a pas été facile de convaincre le roi de donner son assentiment à cette expédition et les appuis respectifs du père de La Chaise, son confrère jésuite et confesseur du roi, et du marquis de Seignelay, ministre de la Marine, n’ont pas été de trop dans cette entreprise. Louis XIV s’est malgré tout laissé convaincre, peut-être surtout par l’éventualité à laquelle tout le monde veut croire d’une conversion de Naraï au catholicisme.

 

Après bien des péripéties, les navires parviennent au Siam, investissent Bangkok et Mergui, et Simon de La Loubère rencontre finalement le roi au début du mois de novembre.

 

Qui était cet homme ?

 

Né le 21 avril 1642 à Toulouse, Simon de La Loubère s’intéresse très tôt aux lettres – il aurait écrit à 16 ans une tragédie en latin – puis part étudier le droit à Paris et devient secrétaire de l’ambassadeur de France en Suisse entre 1672 et 1676. Il semble que ce soit son travail à ce poste qui incite Louis XIV à le nommer envoyé extraordinaire auprès du roi de Siam. Quand il embarque en mars 1687, La Loubère a 45 ans et une certaine familiarité avec le milieu diplomatique. Cela n’empêche pas l’ambassade de se solder par un demi-échec. Un traité octroyant à la France des droits militaires et commerciaux au Siam a bien été signé mais la conversion de Naraï au catholicisme a totalement échoué.

 

A son retour du Siam, il est envoyé en Espagne pour une mission secrète. Rentré en France, il est incarcéré un temps (pourquoi?), puis devient responsable de l’éducation du fils du comte de Pontchartrain. Il est élu membre de l’Académie Française en 1693 et de l’Académie Royale des Inscriptions et Médailles en 1694.

 

Désireux de retourner dans sa région natale, il obtient le rétablissement de l’Académie des Jeux Floraux. A 60 ans, il se marie avec une parente et se fixe désormais à Toulouse. Il compose des poèmes, de nos jours perdus, ainsi qu’un traité de mathématiques qui paraîtra à titre posthume. Il meurt le 26 mars 1729, à 87 ans. Les dictionnaires et encyclopédies se souviennent de lui comme d’un “poète et diplomate français”.

 

La Loubère reste surtout dans les mémoires comme l’auteur de «Du Royaume de Siam», un classique de la littérature de voyage publié en deux volumes en 1691. Le volume 1 passe en revue l’histoire du Siam et la vie de ses habitants avec des détails sur tous les aspects de la vie quotidienne, des maisons aux vêtements en passant par le mobilier, les mœurs, les divertissements, la boxe, la religion, la nourriture, l’agriculture, les massages, etc.

 

Le volume 2 contient des descriptions de l’alphabet et de la langue thaïs ainsi que des informations sur les divers systèmes astronomiques et chronologiques en usage à l’époque. Ce même volume 2 contient la première mention par un Occidental du pâli, la langue sacrée du bouddhisme Theravada.

 

Somme considérable, ce livre reste à ce jour une des meilleures études sur la culture et la civilisation du Siam au XVIIe siècle. Quand on pense que l’ambassade française ne resta au Siam que quatre mois… Chapeau bas, Monsieur de La Loubère.

 

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