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BIRMANIE – CORONAVIRUS: Tout ce qu’il faut savoir sur la «seconde vague» birmane de Covid-19

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 16/10/2020
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La COVID-19 se dissémine très rapidement dans la région de Rangoun, du moins si l’on compare ces chiffres à ceux des autres pays de la région. Au 12 octobre, la Birmanie comptait 19 084 personnes atteintes du coronavirus nécessitant une hospitalisation ou une mise en quarantaine. Selon les autorités, dimanche soir, près de 7 500 patients étaient traités à l’hôpital, les cliniques privées n’étant pas autorisées jusqu’ici à les prendre en charge. Plus de 90 % des cas répertoriés par le ministère de la Santé et des Sports l’ont été dans 3 des 14 États et régions de l’Union (Rangoun, Rakhine, Bago) et depuis la découverte d’un premier cas dans l’État Kayah, plus aucune région du pays n’est exempt de la COVID-19.

 

Les observateurs qui refusaient de parler d’une «seconde vague» de contaminations à propos de la Birmanie deviennent ces temps ci plus discrets. Les chiffres ne sont certes pas comparables à ceux des pays européens, mais….Non seulement, le nombre de malades continue de croître rapidement (+ 95 % du 5 au 11 octobre) mais plus que jamais la situation dans la région de Rangoun est préoccupante. Son poids au sein de la communauté nationale des personnes affectées ne cesse de se renforcer : + 3,2 % en une semaine.

 

Au cours de la 41ème semaine de l’année 2020, les territoires birmans ont connu des évolutions divergentes. Les régions de Bago (+ 0,2 %), Magway (+ 0,2 %), Sagaing (+ 0,1 %) et les États Kayin et Shan (+ 0,1 %) connaissent, eux, une place croissante dans la crise. Le nombre de cas avéré dans la région de Sagaing a ainsi dépassé celui de la région-capitale de Nay Pyi Taw. L’Etat Kayin a supplanté l’État Kachin tandis que l’État Shan dépassait, lui, numériquement l’État Kachin et la région du Tanintharyi.

 

Hôpitaux publics sous tension

 

Ces évolutions cliniques n’ont pas entraîné de déplacements d’un territoire à l’autre des personnes prises en charge, tout au plus a-t-on vu des patients civils rejoindre des infrastructures militaires mais sans que l’on sache dans quelle proportion. Il est très probable que le soutien de la Tatmadaw, l’armée birmane, aux administrations gouvernementales soit plus manifeste sur la région de Rangoun que dans le reste du pays, tant les personnels et les hôpitaux publics sont sous tension dans la région la plus peuplée de l’Union.

 

C’est depuis la première semaine du mois de septembre que la situation rangounaise connaît une dégradation constante. Dorénavant, plus de 2 malades sur 3 résident dans l’ex-capitale. Ramenées au poids démographique de la région de Rangoun, les personnes souffrantes du territoire sont cinq fois plus nombreuses que la démographie pourrait le laisser escompter. On peut comprendre dans un tel cas de figure les difficultés rencontrées par les personnels soignant dont nombre d’entre eux n’échappent pas, en Birmanie comme ailleurs, à la pandémie.

 

Diffusion géographique des cas de la COVID-19 au 12 octobre 2020

 

(Part dans la population totale du pays /part dans le nombre total de cas Covid)

 

Rangoun 79,7 % 14,3 %

 

Rakhine 7,7 % 6,2 %

 

Bago 2,9 % 9,5 %

 

Mandalay 2,4 % 12,0 %

 

Ayeyarwaddy 2,1 % 12,0 %

 

Mon 1,5 % 4,0 %

 

Sagaing 0,7 % 10,3 %

 

Nay Pyi Taw 0,7 % 2,3 %

 

Magway 0,5 % 7,6 %

 

Kayin 0,3 % 3,1 %

 

Shan 0,3 % 11,3 %

 

Kachin 0,2 % 3,3 %

 

Tanintharyi 0,1 % 2,7 %

 

Chin 0,2 % 0,9 %

 

Kayah 0,0 % 0,6 %

 

Intervention de Aung San Suu Kyi

 

Si au 1er septembre 2020, l’État Rakhine apparaissait comme le foyer actif le plus inquiétant, 45,8 % des cas alors, aujourd’hui la région aux frontières du Bangladesh et de l’Inde ne représente plus que 7,7 % des cas nationaux, 1,5 point toutefois de plus que son ratio démographique. Dans l’ouest, l’épidémie s’est stabilisée à environ 30 nouveaux cas signalés quotidiennement. Elle n’en devance pas moins encore la région de Bago (2,9 %) et le poumon économique de Mandalay (2,4 %). Même si la situation pourrait être plus critique encore puisque aucun cas de la COVID-19 n’a été déclaré dans les camps de réfugiés et de personnes déplacées depuis mars, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) a commencé à apporter une aide alimentaire sur les sites de quarantaine gérés par le gouvernement dans 8 townships de l’État Rakhine. À ce jour, plus de 1 500 personnes en quarantaine sur 34 sites de l’État Rakhine reçoivent quotidiennement des repas du Prix Nobel de la Paix 2020.

 

L’aide humanitaire aux populations fragiles s’impose à d’autres régions et catégories de personnes. 71 800 émigrés rentrés au pays en bénéficient dans 11 des 14 États et territoires (1). 181 200 étudiants de 10 États et régions en sont également récipiendaires depuis que les écoles ont dû être fermées en avril. A Rangoun, les services de la municipalité et les ONG ont, elles aussi, commencé à distribuer des aliments de première nécessité. Depuis quelques temps déjà, l’armée en fait de même, probablement non sans calcul électoral puisque depuis le 8 septembre la Birmanie se prépare à sa première élection multi-partis organisé par un gouvernement civil depuis 1956.

 

Début des élections à l’étranger

 

Si les Birmans vivant à l’étranger ont commencé à déposer leurs bulletins de vote dans leurs ambassades d’Asie du sud-est et d’Europe (2), la COVID-19 est obstacle significatif pour mener une compétition électorale libre et équitable. C’est particulièrement vrai sur Rangoun puisque la quasi-totalité des townships a été atteinte, seule exception persistante les îles Coco tout au sud. Mais alors qu’au 1er septembre 5 des 45 townships de la région (Insein (18,4 %), Hlaing (13,8 %), Kamaryut (10,4 %), Mayangone (6,1 %) et Bahan (5,5 %)) comptaient à eux seuls près de 55 % des valétudinaires, aujourd’hui il faut agréger 11 des townships les plus frappés pour arriver au seuil de la moitié (3). Cette situation a pour conséquence de porter atteinte à la campagne de tous les candidats puisque tous les townships où des malades ont été enregistrés font face à des mesures de confinement dites de « Stay at Home ! ». La Conseillère pour l’État n’échappe pas à cette contrainte même si la circonscription où se présente aux élections du 8 novembre Daw Aung San Suu Kyi a été jusqu’ici très faiblement frappée (0,4 %). Elle est d’ailleurs la 6ème la moins atteinte de la région alors que celle du président de la République apparait dans le top 10 avec 3,6 % des cas. Au-delà de ces bilans victimaires, la COVID-19 a profondément bouleversé l’ordonnancement de la préparation du scrutin qui se tiendra dans moins de 25 jours.

 

Conditions sanitaires et élections

 

Reste à savoir s’il sera possible de se rendre dans des conditions sanitaires acceptables dans les bureaux de vote, si les électeurs partageront le discours rassurant des autorités et si la logistique ne sera pas mise à mal par les règles contraignantes de déplacement des personnes et des biens ! Dans les derniers sondages réalisés, mais avant que la pandémie ne s’accélère, un tiers des électeurs considérait déjà que la COVID-19 constituait pour eux un obstacle pour se rendre aux urnes et seulement. 45 % seulement de la population aurait d’ailleurs l’intention d’aller voter le 8 novembre selon une enquête réalisée en août.

 

A vrai dire, sur la base des données rendues publiques deux fois par jour par le ministère de la Santé et des Sports, la Birmanie est confrontée, pour la première fois de son histoire pandémique, à une véritable vague infectieuse. Alors que la COVID-19 a fait son apparition dans le pays il y a 29 semaines (23 mars), c’est seulement depuis 7 semaines que la Nation est confrontée à une hausse vertigineuse du nombre de ses malades. Au fond, pendant 182 jours, le territoire a enregistré une moyenne statistique de 2 nouveaux cas quotidien. A contrario, le mois de septembre a connu une dynamique toute à fait différente. Le 9ème mois de l’année a vu un doublement hebdomadaire de ses dolents. La semaine du 14 au 20 s’est même révélée particulièrement meurtrière avec une hausse de 291 % des décès en sept jours.

 

Juste équilibre

 

Le juste équilibre entre les mesures qu’imposent la situation sanitaire et le maintien des activités économiques devient un sujet politique auquel se mêle même le commandant-en-chef de l’armée qui se présente en défenseur de l’emploi et des entrepreneurs. Infléchir la rigueur, même si les règles sont loin d’être uniformément mises en œuvre, n’est pas si simple pour une majorité qui espère non seulement se succéder à elle-même mais aura, dans tous les cas de figure électoraux, à gérer le pays jusqu’au premier trimestre 2021. D’ici là, même si le 10 octobre il a été dénombré plus de 2 000 nouveaux cas en une seule demi-journée, on assiste depuis quatre semaines à une décroissance de l’augmentation du nombre de personnes infectée.

 

Attention, nous sommes toujours dans une phase ascendante de la pandémie ! Les mesures prises ne font, au mieux, que ralentir la propagation du virus, tout au moins dans la région de Rangoun et à partir de celle-ci. Au plan létal, bien que le rythme reste en très forte croissance, avec 2,9 % des cas de COVID-19 enregistrés, il connaît un ratio comparable à ce que l’on observe dans nombre de pays.

 

Le taux de mortalité rangounais n’est pas dû à une population plus âgée car contrairement aux idées reçues la part des plus 65 ans y est légèrement plus faible qu’à l’échelle nationale (5,6 % contre 5,8 %). La situation est toutefois suffisamment grave pour que de nouvelles mesures soient adoptées pour les personnes de plus de 60 ans appelées prochainement aux urnes. Il vient juste d’être décidés que ces électeurs pourront voter par anticipation dans leur quartier du 29 octobre au 5 novembre 2020, la campagne étant close officiellement le 6. A cette mesure d’exception pourrait s’ajouter un système de vote à domicile dans les townships soumis à l’ordre de « Stay at home ! » et densément peuplés (+ de 5000 habitants par kilomètre carré). Ces facilités de dernières minutes feront l’objet de critiques des défenseurs rigoureux des règles de droit régissant un scrutin démocratiques mais même si les habitants de la ville la plus peuplée disposent également d’un système de santé plus performant qu’en province, ils sont loin d’être protégés du virus.

 

C’est la densité urbaine qui en est le vecteur principal puisque 70,1 % de la population réside en ville dans la région contre 29,6 % pour l’ensemble du territoire. Dans ce contexte, le ciblage des tests et leur nombre sont devenus cruciaux. Le taux de positivité serait aujourd’hui de l’ordre de 5,3 % mais le pays a surtout augmenté de manière continue ses capacités d’évaluation de la pandémie depuis deux mois, en particulier en disposant de capacités nouvelles d’antigènes. Ainsi, la Birmanie a vu son nombre de tests passer de 5 000 à 16 000 tests par jour. Quoique ces résultats de laboratoires soient importants, il ne faut pas perdre de vue que dorénavant la Birmanie est le 4ème Etat-membre de l’ASEAN le plus atteint et qu’il a dépassé, dans un laps de temps très court, le Royaume de Thaïlande et la Fédération de Malaisie. En nombre de victimes, seuls l’Indonésie et les Philippines ont eu encore plus de décès à dénombrer.

 

François Guilbert

 

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