Que peut-il se passer ces jours prochains à Bangkok, après la proclamation de l’État d’urgence renforcé et l’interdiction de rassemblement immédiatement violée par la présence de plus de 5000 manifestants à l’intersection de Ratchaprasong ? Que peut faire le gouvernement dominé par les militaires ? La famille royale va-t-elle réagir après la confrontation entre le convoi de la Reine Suthida et des manifestants, mercredi 14 octobre ? Quelques éléments d’information.
Point 1: La volonté d’en découdre des manifestants pro-démocratie est intacte
La police a été surprise jeudi 15 octobre par l’énorme soutien apporté à une manifestation au célèbre carrefour de Ratchaprasong à Bangkok, le site de l’attentat à la bombe du sanctuaire d’Erawan en 2015, où 20 personnes ont trouvé la mort.
Malgré la proclamation de l’état d’urgence, les manifestants ont rempli une grande partie de la route Ratchadamri après avoir été bloqués par la police pour se rassembler à l’intersection de Ratchaprasong. L’estimation de 5 000 participants provient de deux grands sites d’information mais n’est pas officielle. En milieu de soirée, vers 21h, la manifestation ne montrait aucun signe de dispersion.
La manifestation de jeudi à l’intersection de Ratchaprasong défie l’état d’urgence qui stipule que pas plus de 5 personnes ne peuvent se réunir. Les manifestants affichaient ouvertement le salut à trois doigts, le symbole de défi de ces manifestations, et . criaient “libérez nos amis” et “à bas la dictature” aux policiers présents.
Point 2: Le gouvernement est désormais dominé par les partisans de la manière forte
Le vice-Premier ministre Prawit Wongsuwan, chargé de l’intérieur, avait déclaré lundi qu’il n’était pas préoccupé par la manifestation des étudiants. Il est peu probable qu’il soit toujours de cet avis. Le général Prawit avait aussi déclaré aux journalistes qu’il ne s’attendait pas à une énorme participation. Deuxième erreur. Il est désormais en première ligne, considéré comme responsable des désordres par le nouveau chef de l’armée Narongpan Jittkaewtae et par le secrétaire général du Conseil national de sécurité, Natthapon Nakpanich.
Le fait que la manifestation de mercredi ait été organisée en souvenir du soulèvement populaire du 14 octobre 1973 qui a abouti à la fin de la dictature militaire du maréchal Thanom Kittikachorn est un autre élément important. Ce jour là marque en effet l’une des humiliations historiques des militaires, avec le départ forcé à l’étranger du dictateur Thanom, de son adjoint, le maréchal Prapass Charusathiara, et son fils, le colonel Narong Kittikachorn. Les trois officiers avaient eu l’air stupéfait avant de monter à bord d’un vol charter thaïlandais pour Tokyo.
Il est donc probable que les partisans de la manière forte vont désormais s’imposer, face au tempérament plus conciliant du premier ministre Prayut Chan Ocha.
Point 3: La question centrale reste dans les mains du roi Rama X
Le roi de Thailande tient dans ses mains l’avenir du pays car une grande partie de revendications des protestataires portent sur la monarchie, révérée dans le pays mais aujourd’hui ouvertement débattue malgré le délit de lèse majesté toujours en vigueur. Le fait que la situation en Thaïlande ait été examinée récemment par le parlement allemand, et par les autorités de Bavière où le souverain se rend régulièrement, complique aussi la donne.
Le gouvernement d’Angela Merkel a en effet averti la Thaïlande que le roi thaïlandais devrait cesser de mener des affaires d’État depuis le sol allemand.
Maria Adebahr, porte-parole du ministère allemand des affaires étrangères, a déclaré la semaine dernière que le gouvernement avait souligné à plusieurs reprises à l’ambassadeur de Thaïlande à Berlin que “les affaires étrangères de l’État ne devraient pas être poursuivies depuis le sol allemand”. “Nous avons fait connaître notre position très clairement”, a-t-elle déclaré.
Interrogé la semaine dernière sur la réaction de l’Allemagne face à l’engagement du roi dans la politique intérieure depuis le sol allemand, le ministre des affaires étrangères, Heiko Maas, a déclaré “Nous contrecarrerons toujours clairement les efforts des hôtes de notre pays pour mener les affaires de l’État depuis notre pays”.
Il répondait à une question de Frithjof Schmidt, député des Verts de l’opposition, qui demandait pourquoi le gouvernement allemand permettait depuis des mois au roi de s’engager dans la politique intérieure depuis la Bavière.
La porte-parole du ministère des affaires étrangères, a déclaré que les autorités thaïlandaises avaient assuré à Berlin que “c’est le Premier ministre qui dirige les affaires du gouvernement, et le roi de Thaïlande, en tant que chef d’une monarchie constitutionnelle, ce qu’est la Thaïlande, vit en Allemagne à titre privé”.
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