Anne Dufour est rédactrice en chef du nouveau magazine «Avicenne» spécialisé dans l’aromathérapie et les huiles essentielles. Un magazine en langue française, diffusé en France, mais dont les racines plongent dans le monde entier, jusqu’en Asie, bastion des médecines traditionnelles. Entretien exclusif sur une approche différente de la santé.
Votre nouveau magazine parle de l’aromathérapie «Made in France», mais est ce aujourd’hui un phénomène mondial ?
Oui, et la crise de la Covid-19 la prouvé de manière éclatante. Ravintsara, mandravasarotra, tea tree, origan compact, clou de girofle… : la ruée vers les huiles essentielles antiseptiques et stimulant l’immunité a été énorme, venant de tous les pays. La Chine a commandé des quantités folles de gels hydroalcooliques aux huiles essentielles, suite aux résultats d’une étude chinoise les montrant comme plus efficaces que les gels hydroalcooliques classiques. Par ailleurs, selon l’OMS (Organisation mondial pour la santé), les antibiotiques seront moins efficaces sur les germes d’ici 2030. Or les huiles essentielles constituent une alternative crédible, aux effets antibiotiques largement prouvés sur un large spectre de microbes.
Au-delà, la recherche du mieux-être grâce aux huiles essentielles (= aromacologie), comme les massages, les bains, la diffusion plaisir, etc. explose elle aussi. Des acteurs économiques majeurs tels que les laboratoires Majestic pure, Young Living, Edens Garden, Doterra, Puressentiel… s’implantent sur tous les continents. Sans compter que le public est friand d’aliments et boissons aromatisés (aux huiles essentielles) ce qui fait grimper encore la demande mondiale. Selon les spécialistes, le marché mondial devrait croître de près de 10% (9% pour la seule Europe) entre 2017 et 2022. Les citrus (agrumes), stars du n° 1 d’Avicenne, sont les plus utilisés : usages cosmétiques, alimentation, aromathérapie, mais aussi pharmacie et industrie. Les études très sérieuses portant sur les huiles essentielles viennent désormais du monde entier : des milliers de chercheurs ont publié à ce jour 24.688 études dans des revues scientifiques de haut niveau. Elles sont répertoriées sur le site PUBMED, accessible à tous.
L’Asie a une longue tradition médicinale. Faudrait il prêter davantage d’attention à ces remèdes traditionnels ?
Oui ! Inde, Vietnam, Laos, Thaïlande, Chine… l’Asie est le berceau des huiles essentielles, tout comme l’Égypte antique. En effet, même si Avicenne, l’inventeur de l’alambic (donc de l’entrainement des essences végétales avec de la vapeur d’eau) était Perse, les herbes aromatiques étaient employées depuis longtemps déjà par les pays asiatiques dans leur arsenal thérapeutique. Leur pharmacopée regorge d’essences traditionnelles, très recherchées aujourd’hui dans le monde entier, comme celles de Cannelier (cannelle de Chine), de Combava, de Bois de Rose, de citronnelle, de gingembre, de Mandravasarotra pour les plus emblématiques. Elles apportent des essences incomparables, avec des profils moléculaires très spécifiques liés à leur terroir, leur météo, etc. Celles d’eucalyptus globulus, eucalyptus citriodora, lemongrass ou autres gaulthérie couchée complètent le tableau et sont employées localement pour seulement 20% : 80% partent à l’étranger. Il s’agit donc d’un marché en pleine émergence, promis à une véritable explosion dans les années à venir, et apte à nourrir localement des milliers de familles. Les récoltes, distilleries, chartes s’organisent pour vivre de cette nouvelle manne.
L’aromathérapie existe-t-elle en Asie aussi ?
Oui, et la demande – portant spécialement sur les produits parfumés, les détergents (dont le savon) et les arômes alimentaires – est naturellement compatible avec les évolutions du mode de vie sud-asiatique. Des grands noms de la parfumerie tels que Givaudan (suisse) ou Takasago (Japon) modernisent ou construisent des usines de parfum dédiées à cette partie du monde. Certains laboratoires français, comme Puressentiel (dont l’ambition est de devenir n°1 mondial en aromathérapie), se sont d’ores et déjà implantés en Asie. Notamment en Chine et en Corée où ils reçoivent un excellent accueil, des professionnels (soins, massages…) comme du grand public. Longtemps réservés « aux riches », les huiles essentielles font désormais partie des produits convoités par le plus grand nombre, friand d’articles comme les chocolats haut de gamme et autres vêtements premium, ne plaçant plus le critère « bon marché » comme seul et unique critère d’achat. Un nouvel état d’esprit qui leur fait redécouvrir leurs propres ressources naturelles, immenses, et si importantes lorsque l’on sait combien certaines huiles essentielles sont antiseptiques, antibactériennes, antivirales, antifongiques, et stimulantes pour l’immunité. Dans le cadre de lutte contre certaines épidémies courantes et cycliques, ce sont des solutions naturelles très efficaces pour assainir l’air ambiant ou les surfaces touchées (maison, bureau, voiture).
A lire: Revue Avicenne / Éditions Leduc / France www.editionsleduc.com