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THAÏLANDE – SOCIÉTÉ: Une nuit en mer avec les « aliens » du golfe de Thaïlande

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 13/11/2020
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Chaque soir, de nombreux pêcheurs prennent le large pour ancrer leur bateau au large des côtes de Prachuap Khiri Khan. Chaque nuit, le même rituel, le générateur que l’on met en route, les lumières que l’on allume, irradiant tout le littoral d’une lueur verte visible jusque dans l’espace.

 

Le 18 août 2014, l’astronaute Reid Wiseman publiait sur Twitter une photo de la Thaïlande de nuit prise depuis la station spatiale ISS avec comme commentaire : « Bangkok est une ville qui brille. Les lumières vertes en dehors de la ville ? Aucune idée… » Il n’en fallait pas plus pour que les réseaux sociaux s’emballent à coup de théories toutes plus farfelues les unes que les autres : full moon party en mer, déchets nucléaires, aliens, laboratoires scientifiques secrets sous-marins… Des théories qui ont fait sourire les Thaïlandais, eux qui à la simple évocation de ces lumières vertes dans le Golfe de Thaïlande pensent directement aux pêcheurs de calamars. « Des aliens ? C’est vrai qu’en mer, c’est un peu un autre monde, rigole Ot, ancien professeur et pêcheur de 60 ans.

 

L’explication de l’utilisation de ces lumières LED est très simple : elles attirent le phytoplancton, la nourriture de base des calamars. Ces derniers vivent habituellement dans les profondeurs et ne font que suivre leur nourriture à la surface, facilitant ainsi le travail des pêcheurs. Sur le trimaran de Nuat, 56 ans, le nombre d’interrupteurs est impressionnant. « D’abord, j’allume une lampe verte et deux blanches de chaque côté du bateau, ainsi qu’à l’arrière, ensuite j’attends que le plancton remonte, explique-t-il. Les calamars suivront si j’ai de la chance. J’en profite pour manger, lire et même étudier un peu l’anglais. Ce n’est vraiment que plus tard que je joue avec les lumières, suivant le côté où je lance mon filet. Juste avant de le remonter, j’éteins tout et j’allume une lampe rouge, ça attire les poissons. »

 

 

Chaque soir, vers 17 heures, Nong passe prendre Nuat pour partir en mer à bord d’un tout petit bateau. Nong dépose Nuat à son bateau ancré à environ un kilomètre de la côte, avant de rejoindre le sien 500 mètres plus loin. Il ne viendra rechercher Nuat que le lendemain matin vers 7 heures. Les deux amis s’arrangent ainsi pour économiser sur le prix de l’essence. « Revenir tous les jours au port, ça revient trop cher en essence et ce n’est pas nécessaire. De juin/juillet à décembre, je ne bouge pour ainsi dire pas le bateau, explique Nuat. Ce n’est qu’à partir de décembre que je partirai plus loin, à 5 kilomètres de la côte, là où il y a moins de vagues durant la saison des vents. J’ai de la chance, mon bateau est assez grand, 16 mètres sur 6, je peux naviguer en haute mer et pêcher presque toute l’année. » Ce n’est pas le cas de tous les pêcheurs. Pour Ot et son bateau de 6 mètres, la pêche s’arrête de décembre à juin : « Il n’y a que les gros bateaux qui peuvent partir plus loin. Pour moi, c’est beaucoup trop dangereux ».

 

Il est 19 heures, la nuit s’installe, Nuat allume le générateur et les interrupteurs, plongeant l’embarcation dans une lueur verte. Si certains bateaux disposent d’une centaine de lampes générant pas loin de 300 kilowatts d’électricité, celui de Nuat n’en compte qu’une vingtaine, comme beaucoup d’autres petites embarcations. Des pêcheurs indépendants, qui bien souvent n’ont pas que cette activité. « Parfois, je reviens avec à peine 5 kilos de calamars, mais ça peut aller jusqu’à une centaine, on ne peut jamais savoir à l’avance. Le calamar de taille moyenne, ça se revend entre 120 et 130 bahts le kilo. Les plus grands, ceux de la taille de l’avant-bras, jusqu’à 200 bahts. Un ami en une nuit a gagné 50 000 bahts. Ça ne m’est encore jamais arrivé, 10 000 à 15 000 bahts, pas plus. Cette année c’est pas terrible, il y avait beaucoup plus de calamars l’année dernière », continue Nuat tout en lançant sa ligne dans l’eau avant d’annoncer d’emblée : « Ce soir, non ce ne sera pas une bonne pêche, demain peut-être ».

 

Nuat a commencé à pêcher il y a 17 ans, avec des périodes d’arrêt. Il s’est acheté un nouveau bateau il y a trois ans. Depuis toujours il varie les métiers, sa femme tient un petit restaurant, il loue quelques chambres, il vend des vêtements de seconde main, parfois il emmène des touristes avec lui, entre 1000 et 1500 bahts par personne. Ot, lui, s’est acheté son bateau quand il a arrêté d’enseigner à 52 ans. « Juste la pêche, c’est pas toujours suffisant, plutôt un bonus. J’ai payé mon bateau, 100 000 bahts environ. Au moment de ma retraite, j’avais besoin de m’occuper, et puis il y avait les études des enfants à payer. Avec ma pension du gouvernement, je ne gagnais pas assez. Pêcher ça a aidé financièrement, mais là je deviens trop vieux et les enfants travaillent maintenant. Est-ce que c’est rentable ? L’essence et la nourriture, c’est minimum 400 bahts, auxquels il faut encore ajouter l’investissement du bateau, les frais d’entretien, le générateur, les lampes à remplacer. Si tu arrives à prendre 10 kilos de calamars chaque nuit, c’est bien, tu t’en sors. »

 

 

Une pêche sans permis

 

La pêche est l’un des secteurs les plus importants de l’économie du pays et la Thaïlande fait partie des plus gros exportateurs de calamars dans le monde, pour autant, il est difficile d’avoir un recensement officiel du nombre de pêcheurs. Si les plus gros bateaux doivent disposer d’une licence pour partir en mer, les plus petits n’en ont pas besoin. « Pas de permis, pas de taxes à payer, c’est gratuit si on veut pour nous, les Thaïlandais. Les petits pêcheurs, ce ne sont que des Thaïlandais. Les Birmans ne peuvent pas avoir leur propre bateau, ils ont juste l’autorisation de travailler pour un capitaine. Les gros navires, c’est un autre monde, ils sont là pour faire du business. Bien sûr, pour moi aussi c’est du business, mais pas à la même échelle », raconte Ot.

 

Ces lumières vertes ont été signalées pour la première fois vers la fin des années 70, alors que les scientifiques de l’espace cartographiaient la Terre de nuit. « Elles permettent de révéler les schémas, la variation nuit par nuit de ces activités de pêche avec des détails surprenants, détaille le Dr Steve Miller, spécialiste de l’imagerie de nuit à l’université du Colorado. C’est juste un autre exemple de la quantité d’informations qui existe dans la mesure des lumières nocturnes. Et à quel point elles sont uniques pour associer l’activité humaine avec l’environnement naturel d’une manière que l’imagerie de jour ne peut pas obtenir. »

 

Il est minuit, Nuat pêche toujours à la ligne, une vingtaine de calamars seulement gisent dans un bac. « En général, je plonge les filets trois fois par nuit. Ce soir, je ne le ferai qu’une fois. Sur terre, si tu as un commerce de 16 mètres sur 6 tu te sens important. En mer, tu n’es plus rien, c’est elle qui décide. » Entre deux périodes de pêche à la ligne, Nuat en profite pour dormir un peu. Il ne plongera ses filets qu’une seule fois, vers 5 heures du matin, 3 kilos de calamars et un kilo de petits poissons. Vers 7 heures, Nong passe le reprendre. Lui a été un peu plus chanceux, il a attrapé une dizaine de kilos. Nuat ne revendra pas sa pêche ce matin : « Je vais faire sécher les calamars. Demain, si j’ai plus de chance, j’en vendrai. J’ai mes acheteurs, principalement ici à Prachuap Khiri Khan. Parfois, si la pêche est vraiment bonne, je revends à d’autres, ça part à Hua Hin ou à Bangkok. »

 

Catherine Vanesse

 

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