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GAVROCHE – ROMAN: «La voie du farang», épisode 4: Retour dans la cité des Anges

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 14/11/2020
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L’Asie vous rattrape toujours. Parce que le «mal jaune» ne se soigne pas. Et parce que la vie, sans cesse, vous ramène dans cet Extrême orient si doux et compliqué. Le héros de «La Voie du farang» répond à cet appel. Le revoici à Bangkok, la «cité des anges». Mais entre les anges et l’enfer, il n’y a souvent qu’un pas…

 

Un roman de Patrice Montagu-Williams

 

L’intrigue.

 

1996 : sur fond de contrat pétrolier sulfureux passé avec la junte militaire birmane, de manipulation des médias et des ONG par différents services secrets, Martin Decoud, agent de la DGSE, la Direction Générale de la Sécurité Extérieure, est envoyé en mission à Bangkok.

 

Persuadé que, comme le dit Ernest Hemingway, « Un homme, ça peut être détruit, mais pas vaincu », le farang, l’étranger, retournera en Thaïlande, près de vingt-cinq ans plus tard, pour tenter d’y reconstruire une existence que la vie a brisée et trouver le « Noble Chemin » des bouddhistes qui mène au nirvaṇa.

 

Rappel de l’épisode précédent :Suite à sa nomination comme Honorable correspondant de la DGSE à Bangkok, Martin, enfant de la Butte Montmartre, annonce à ses amis qu’il quitte la France pour une période indéterminée. Il laisse derrière lui Nadia, sa petite amie russe du moment, qu’il n’avait pas prévenue de son départ.

 

Épisode 4 : Retour dans la Cité des Anges.

 

L’homme se tient debout derrière la porte automatique opaque qui coulisse pour laisser passer Martin qui tire sa valise d’une main. Tout autour de lui, dans le hall de l’aéroport de Don Mueang, c’est l’Asie, grouillante, souriante, sensuelle, celle qui a perdu plus d’un aventurier.

 

Une voiture de service l’avait amené, la veille, à Charles-De-Gaulle, directement au pied de l’appareil, un Boeing 747. On l’avait installé en classe affaires, avant que les passagers n’embarquent. Ni le commandant de bord ni la chef de cabine ne posèrent de question. Le vol AF 0166 devait décoller à 16 h 20. Après la lecture des journaux, il attaqua le roman qu’il avait emporté : Les oiseaux de Bangkok, de Manuel Vásquez Montalbán, un livre à la tonalité plutôt pessimiste comportant de longs passages sur les bordels et les salons de massage de la ville, mais aussi, heureusement, sur la gastronomie chère au Catalan.

 

Il était près de midi dans la Cité des Anges quand ils débarquèrent après un voyage qui avait duré près de douze heures. Comme convenu, il avait appelé le numéro de téléphone qu’on lui avait donné sitôt sorti de l’avion.

 

— Je me suis occupé des formalités et de votre passage en douane, répondit son interlocuteur. À propos : mon nom est George-Antoine Klein, mais tout le monde m’appelle GAK, ajouta-t-il. Bienvenue au pays du sourire.

 

Une mégalopole en technicolor

 

Bangkok est une agglomération immense, dense, bruyante, polluée et embouteillée. La voiture y fait la loi. Des autoroutes suspendues serpentent entre des buildings qui se dressent un peu partout sans aucune unité architecturale, mais la végétation tropicale, les maisons de bois, les bateaux longue-queue sur le Chao-Phraya et les marchés de nuit adoucissent la sensation de vivre dans une mégalopole. C’est une ville en Technicolor : les taxis sont violets, roses, jaunes ou verts, les tuk-tuk, ces tricycles motorisés, bariolés, les fruits des marchés, ramboutan, durain, jujube ou mangoustan, de toutes les couleurs. Les marchands ambulants se faufilent entre les files de véhicules tandis que l’odeur de soupe aux légumes, que dégagent les marmites bouillonnantes posées sur les trottoirs, envahit les rues où l’on croise des gens qui n’ont jamais l’air d’être pressés.

 

— Nous sommes suivis depuis que nous avons quitté l’aéroport, dit GAK à Martin.

 

Tous deux sont assis à l’arrière d’une 406 Peugeot que conduit un chauffeur thaï. À trente mètres derrière eux environ, roule une Toyota Corolla.

 

— À priori, pas d’inquiétude, ajoute-t-il : c’est certainement le SBB, le Special Branch Bureau. Je les ai prévenus : ce sont eux qui ont fait en sorte que vous ne soyez pas contrôlé à votre arrivée ici.

 

La situation se détériore.

 

— La situation se détériore très vite en ce moment, tant sur le plan économique que politique, continue GAK. Banharn Silpa-archa, le Premier Ministre, est accusé de corruption et on s’attend à ce qu’il donne sa démission. Il faudra voir ce que va faire l’armée. En plus, en octobre, on fêtera les vingt ans du massacre de Thammasat, quand la police et des groupes paramilitaires d’extrême droite ont tiré sur des étudiants. Officiellement, il y aurait eu quarante-six morts. Trois fois plus en réalité.

 

Martin regarde par la fenêtre de la voiture les petites maisons de bois qui s’agglutinent les unes aux autres d’une façon totalement anarchique et il a la curieuse sensation de se sentir chez lui, un peu comme quand il remonte à pied la rue Lepic, « Le fleuve de Montmartre », comme l’écrivait Léon-Paul Fargue dans Le Piéton de Paris.

 

Une grave crise financière

 

— Sans compter qu’une crise financière grave s’annonce, poursuit son voisin. Tout le monde prévoit une intervention du FMI l’année prochaine. Heureusement, nos relations avec les militaires sont excellentes. Nous formons des Thaïlandais à Saint-Cyr et notre école de guerre ainsi que les séminaires à l’Institut des Hautes Eudes de la Défense Nationale sont très prisés. Les problèmes viennent plutôt du côté français : depuis l’histoire des frégates de Taïwan, nous avons Bercy sur le dos sitôt qu’ils apprennent que nous sommes en train négocier quelque chose ! Pour ce contrat birman, ils ont eu l’impression d’être mis devant le fait accompli et, à cause des répercussions internationales de cette affaire, ils sont furieux. Enfin, c’est vous qui aurez à régler tout ça…

 

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