Le lundi 7 et le mardi 8 décembre auront lieu les représentations de l’événement «Seven Decades of Human Rights» à l’Alliance Française de Bangkok. Une performance de danse par la Pichet Klunchun Dance Company, organisée à l’Alliance par la Délégation de l’Union Européenne dans le cadre de la journée annuelle des Droits de l’Homme (le 10 décembre).
Pichet Klunchun est l’enfant terrible des arts dramatiques thaïlandais. Assis en tailleur, plongé dans une profonde méditation, le danseur porte le masque de l’Éléphant – Roi Phya Chattan. Il lève avec une lenteur extrême sa main gauche puis sa main droite pour les poser sur le sol. Un énorme serpent émerge et l’Éléphant – Roi – le Bouddha dans une de ses vies antérieures – entame une longue lutte, lente et gracieuse, avant de terrasser l’animal.
Cette première scène est issue d’un des spectacles de Pichet Klunchun, Le sacrifice de Phya Chattan, dure une trentaine de minutes.
Ce spectacle qui, comme l’explique le danseur, vise « à recentrer les spectateurs sur eux-mêmes », est un succès : dans l’audience, on trouve aussi bien des septuagénaires attachés au khon traditionnel – danse classique masquée thaïlandaise – que des jeunes enthousiastes et avides de voir de nouvelles créations.
« C’est le cas de beaucoup de mes spectacles. Ils réunissent un public varié au niveau des âges et des goûts. Certains adorent, d’autres sont déçus, mais le débat est ouvert », indique l’artiste.
Une créativité qui heurte l’art traditionnel du «khon»
A 46 ans, Pichet Klunchun est l’enfant terrible des arts dramatiques thaïlandais.
Sa créativité, sa volonté d’innover en s’inspirant des traditions et son audace dans l’exploration de nouveaux champs artistiques irritent au plus haut point les protecteurs du khon traditionnel, lesquelles se voient comme les propriétaires de cette tradition et crient au scandale à la moindre altération de la forme.
« Ils considèrent que je détruis la culture. Si vous changez, ajoutez ou développez un quelconque aspect du spectacle de khon, ils se mettent très en colère », indique Pichet, assis sur un rondin de bois dans son studio de danse à Thonburi, dans le quartier de Pracha Uthit.
La formation peu ordinaire de Pichet Klunchun explique sans doute en partie son orientation iconoclaste.
Originaire de la ville de Chachoengsao, dans la province de Chonburi, il commence à apprendre le khon à l’âge de 16 ans, grâce à des maîtres qui viennent lui enseigner à domicile.
Il échappe ainsi à la structure rigide et à la stricte hiérarchie du Collège des Arts Dramatiques, sous l’égide du Département des Beaux-Arts où les professeurs règnent de manière autoritaire sur les étudiants et où les mots d’ordre sont immobilisme et conformisme.
Le personnage de khon attribué par ses maîtres au jeune Pichet est celui de Tosakan le démon – un rôle que les danseurs de khon gardent normalement leur vie durant, sans possibilité de jouer d’autres personnages du ramakien.
Mais pour Pichet, les règles sont faites pour être transgressées et quand il crée l’un de ses premiers spectacles, I am a demon, en 1999, on peut le voir interpréter Tosakan, mais portant un simple slip et sans le costume ni le masque de rigueur.
Quand au début des années 2000, Pichet Klunchun fonde sa compagnie de danse Pichet Klunchun Dance Company, ses spectacles qui connaissent un succès croissant déstabilisent l’establishment des arts classiques thaïlandais, et tout particulièrement les promoteurs du khon traditionnel.
« Le problème est que le khon appartient à un certain groupe, autour de l’Ecole Nationale de Danse et du gouvernement,un groupe strictement hiérarchisé.
Quand je crée un nouveau spectacle, bien que je n’aie aucune connexion avec ce groupe,et que mes spectacles commencent à marcher, ce groupe en question a l’impression de perdre son pouvoir », pense Pichet.
Une absence de soutien financier pour les initiatives artistiques modernes
A ses yeux, le problème vient non seulement de l’attitude ultra-conservatrice des protecteurs de la danse classique masquée, mais aussi de la manière dont le gouvernement soutient les initiatives artistiques.
« Le gouvernement donne beaucoup d’argent pour monter des représentations de khon, et donc le khon survit, mais plus personne ne s’y intéresse, dit-il.
Les danseurs sont des fonctionnaires avec des salaires stables qui viennent faire leur travail et repartent chez eux.»
C’est d’ailleurs l’illustration, selon lui, d’un problème plus général qui voit le gouvernement ne soutenir financièrement que les projets artistiques qui mettent en valeur la famille royale, le bouddhisme ou ciblent l’éducation des enfants.
« Si les artistes veulent survivre, ils savent qu’ils doivent se conformer à l’un de ses critères », confie-t-il.
7 DECADES OF HUMAN RIGHTS
Lun 7 et Mar 8 à 17h30
Alliance Française
Thanon Witthayu (soï avant l’ambassade du Japon)
MRT : Lumpini (+ 5 min à pied)
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