C’est donc dans une région indianisée qu’arrivèrent les Siamois quand ils débouchèrent dans l’actuelle Thaïlande, mais le Siam n’a pas toujours été habité par les Siamois. Leur entrée en scène sur ce territoire fut même assez tardive et les premières arrivées remontent probablement au IXe siècle de notre ère. Ils ne trouvèrent pas, tant s’en faut, un espace vierge qu’ils auraient pu coloniser à leur convenance puisqu’une importante civilisation indianisée s’y était développée depuis plusieurs siècles et subissait elle-même la pression des Khmers d’Angkor.
Il n’est donc pas inutile, pour mieux comprendre le pourquoi et le comment de l’implantation des Siamois, de se pencher un peu sur la situation géopolitique de l’Asie du Sud-Est au cours des premiers siècles de notre ère.
Nous ferons dans cet article un rapide tour d’horizon des différents royaumes et entités politiques et/ou militaires et/ou commerciales de la région.
Aux premiers siècles de l’ère chrétienne, il n’y a pas moins de sept centres culturels et politiques en Asie du Sud-Est : En 208 av. J.-C., un général chinois fonde le royaume du Nam Viêt (Guangxi, Guangdong, Tonkin et Annam modernes) que l’empereur Woudi rattache à l’empire chinois quelque cent ans plus tard. Le taoïsme et le confucianisme contribuent à la forte sinisation de ce royaume malgré l’arrivée du bouddhisme au IIe siècle. Aux VIIIe et IXe siècles, le pays est plusieurs fois attaqué par ses voisins du Champa et du Nanzhao. La chute de la dynastie des Tang met fin à plus de mille ans de domination chinoise et entraîne la création du Dai Viêt qui fixe sa capitale à Thang Long (Hanoï). Petit à petit, ce royaume s’étend vers le Sud et finira même par absorber le Champa au XVIIe siècle.
➢ L’État du Lin-yi que les Chams créent vers 192 ap. J.-C. autour de Hué constitue l’embryon d’un royaume qui s’étend vite vers le sud entre la mer et la cordillère annamitique. Tôt indianisé, il voit l’apparition du bouddhisme au IVe siècle. Après plusieurs conflits avec la Chine, cette dernière s’assure de la vassalité du Champa, mais cette suzeraineté chinoise ne va pas sans heurts. Pris entre deux feux (Nam Viêt et empire khmer) à partir du IXe siècle, le Champa affrontera plusieurs fois ses deux voisins avant de s’allier brièvement au Dai Viêt pour repousser les Mongols au XIIIe siècle.
➢ Au début de l’ère chrétienne, le territoire de l’actuel Cambodge voit se développer le royaume du Founan, mercantile et maritime, qui s’étend progressivement jusqu’au sud de la Malaisie, Sumatra et l’actuelle Birmanie. Il sera envahi au VIe siècle par le Zhenla, son vassal, duquel naîtra l’empire khmer. Nous reviendrons en détails sur le Founan car son influence, tant sur le développement de la région en général que sur celui de la civilisation khmère dont il a jeté les bases, a été d’une importance capitale.
➢ Vers la fin du VIIe siècle, bénéficiant du déclin du Founan, la thalassocratie bouddhiste du Srivijaya se développe et englobe bientôt Sumatra, la péninsule malaise et l’ouest de Java, s’assurant ainsi le contrôle des routes commerciales maritimes et terrestres et donc des échanges entre océan Indien et mer de Chine. Il conservera cette mainmise économique jusqu’au XIIIe siècle quand il ne sera en mesure de conserver ni la péninsule que lui prendront les Thaïs ni les détroits qu’il perdra au profit du royaume javanais de Singhasari.
➢ Venus du Nord, les Môns s’installent d’abord en Birmanie, puis descendent vers le Sud pour occuper des territoires aujourd’hui en Thaïlande. Dans la vallée du Chao Phraya, ils auraient initialement été sous la domination du Founan avant de passer sous le contrôle de Dvaravati, royaume (culture?) indianisé et bouddhiste, qui apparaît au VIIe siècle et sera conquis par les Khmers au XIe. Vers le Nord, un groupement de principautés mônes génériquement appelées Hariphunchai, était centré sur la ville de Lamphun.
➢ Du IIIe au IXe siècle, les chroniques chinoises parlent de Srikshetra, royaume indianisé centré sur la ville de Prome. Pagan, le royaume qui lui succède jusqu’en 1287, devient le cœur historique de la Birmanie. Sa capitale constitue le second ensemble archéologique d’Indochine, après Angkor.
➢ Créé en 728 autour de Dali, le Nanzhao conduit des expéditions militaires contre ses voisins au cours du IXe siècle avant d’être finalement vaincu par les Mongols en 1253.
Xavier Galland, auteur du « Que Sais-je ? n°1095, Histoire de la Thaïlande »
Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.
