Bangkok a son lot de musées et de galeries d’art. Certains, peu connus, conservent l’image d’un patrimoine culturel exceptionnel. Souvent, le musée offre une vision statique du monde. Il existe pourtant dans la Cité des Anges un espace culturel aux antipodes de notre imagination.
L ‘Art au Paradis » est une attraction du paysage cultuel de la capitale. Il s’agit d’un espace visuel en trois dimensions qui a la vocation d’être également interactif. On pourrait croire qu’il s’agit là d’une simple curiosité locale. En fait, c’est un lieu magique, unique, et d’une inspiration artistique véritablement extraordinaire. Le talent des artistes a su intégrer la technologie moderne en créant des œuvres d’une grande beauté, parfois dotées d’une agréable pointe d’humour.
Situé sur la ligne du MRT, à la station Thai Cultural Center, Art in Paradise se trouve au quatrième étage du centre commercial Esplanade. On penserait, a priori, que cet espace est restreint. Or il n’en est rien. Le musée occupe deux étages et par le biais d’un cheminement ondulant dans ses six zones, il ne faut pas moins d’une heure pour le parcourir. Plus, si vous décidez de vous piquer au jeu de l’interactivité. Car l’idée sous-jacente est bien de compléter l’aspect dramatique de chaque tableau par une participation active du visiteur.
Ce n’est donc pas seulement un espace visuel en trois dimensions. S’y ajoute un élément interactif et convivial. Pour bien faire, il faut le visiter au moins à deux, avec un appareil photo. D’un côté, l’œil d’un photographe, et de l’autre celui d’un ou de plusieurs modèles qui sont invités à partager l’aspect dramatique de chaque scène, tout en adoptant une pose théâtrale pour la photo selon sa propre inspiration ou humeur. C’est alors que chaque tableau est achevé à 100%. Un peu à la manière de ces œuvres thaïlandaises qui laissent toujours un espace non fini à la toile. En ajoutant le temps de l’interactivité à celui du nombre d’œuvres (il y en aurait 150 !), on peut facilement y passer trois ou quatre heures. Inutile de préciser que les enfants adorent le lieu. C’est également l’un des rares espaces culturels où l’on peut se rendre en famille et y passer un bon moment.
Bangkok est la troisième ville du royaume à être dotée d’un tel musée. Le premier fut créé à Pattaya ; puis un autre à Chiang Mai. Celui de la capitale est l’œuvre de treize artistes coréens qui ont su utiliser, avec goût, murs et sols pour créer un fabuleux espace vous transportant d’emblée, non pas devant un tableau, mais à l’intérieur, par la magie de l’illusion. Et comme ces artistes avaient déjà bénéficié d’une expérience antérieure, celui de Bangkok a l’avantage d’être le dernier né. Les tableaux et les scènes exposés sont d’ailleurs différents de ceux de Pattaya.
A l’entrée, on vous demande d’ôter vos chaussures et de les laisser au vestiaire. Rien de vraiment surprenant en soi, dans un pays où l’on a l’habitude de laisser ses chaussures à l’entrée d’un temple ou d’une maison. Ici pourtant, s’y ajoute une raison technique. La galerie utilise à la fois les murs et le sol pour ses œuvres. Tout est donc recouvert d’un revêtement luisant qui favorise l’effet en 3D. Il est donc nécessaire de ne pas en abîmer le sol.
Aires d’interactivité
Ce musée se compose de six zones distinctes : le monde souterrain et sous-marin, l’espace du safari et de la grande forêt, les grandes peintures classiques, le monde de l’imaginaire, les arts contemporains et enfin celui des arts médiatiques. L’espace dédié au monde aquatique offre une excellente introduction à l’interactivité du lieu, que ce soit à l’intérieur d’une bouteille à la mer, revêtu d’un scaphandre pour explorer un trésor au fin fond de l’océan, ou pour surfer sur une vague géante prête à vous engloutir !
En vous prêtant au jeu de la photographie tri-dimensionnelle, vous n’êtes plus un spectateur passif. Vous devenez votre propre acteur, libre d’exprimer l’émotion du moment. Ce sont des scènes géantes qui utilisent le mur, le sol et parfois même des éléments réels, comme des piliers, des fenêtres, des meubles, des sculptures, pour créer cette ambiance magique en trois dimensions, vous transportant tout droit dans les sphères du surréalisme. L’éclairage contribue également à créer cette illusion d’un imaginaire soudain devenu concret.
Avant de passer à l’aire suivante, on admirera une splendide fenêtre ouverte sur un paysage toscan devant laquelle une table et deux chaises de balcon vous invitent à vous asseoir et à apprécier le calme et la vue du tableau. On passe ensuite à la salle du safari et de la grande forêt. Ces riches et magnifiques tableaux sont autant d’hymnes à l’écologie. Ils sont aussi parfois dotés d’une pointe d’humour irrésistible. La transition vers la zone du classicisme se fait devant une scène géante du monde des glaces. Un portique romain vous invite alors à entrer dans le domaine des grandes œuvres de la peinture classique.
L’Italie et la France occupent un espace important. On reconnaîtra au passage des tableaux de Monet, de Van Gogh, de Gauguin, de Chagall, de Frida Kahlo. « Le Couronnement de Napoléon Ier » de Jacques-Louis David est particulièrement imposant, comme celui, revu et corrigé pour le 3D, des « Glaneuses » de Jean-François Millet. Quant au « Penseur » d’Auguste Rodin, il occupe son propre espace intersidéral, et sa voisine, « La Joconde » de Léonard de Vinci, est suspendue au mur d’un escalier où elle est soudain animée d’un sourire articulé. Après avoir suivi les cours de thaï dispensés par l’Alliance Française de Bangkok, notre Mona Lisa nationale vous souhaite un « sawadi ka » qui vous transmet d’emblée son sourire énigmatique !
Le monde de l’imaginaire enchantera les enfants comme les adultes. On pourra poser à sa manière au dessus des abysses, surplombés par le château bavarois de Neuschwanstein, ou devant le Sphinx et les Pyramides, ou bien encore au temple d’Angkor. En quittant cette aire, une gondole vénitienne vous invite à faire une halte dans la magie de la Cité des Doges, avant de poursuivre votre chemin en passant sur un pont d’illusion suspendu. On arrive alors aux deux dernières étapes qui allient à la fois l’art contemporain et celui créé par les médias. On retiendra certaines couvertures de National Geographic ou de Time Magazine, dont la photo du premier homme sur la Lune.
En quittant cette galerie d’art, on peut s’asseoir au petit café près de la sortie. Ce musée est à la fois original et agréable à visiter. On pourra toutefois regretter que les œuvres d’art classiques ne bénéficient pas d’une légende bilingue, voire trilingue. La valeur pédagogique du lieu pourrait ainsi bénéficier aux groupes scolaires en visite ou aux visiteurs avides de connaître l’origine des tableaux et des artistes. Ce serait une manière judicieuse de contribuer à enrichir un spectacle déjà fort applaudi dans la presse et sur les réseaux, en lui donnant une portée plus internationale et digne d’un pays qui attire autant de touristes du monde entier.
Ceci dit, si vous ne connaissiez pas encore ce petit trésor du paradis de l’art, dépêchez-vous d’aller le découvrir. Vous en reviendrez enchanté !
Christian Sorand
Art in Paradise
Plus d’infos ici
Facebook ici
Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.