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GAVROCHE – ROMAN: Après «la fille qui aimait les nuages», prenez garde à «Mamasan»

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 20/01/2020
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Un bon polar est toujours un bon mélange. D’abord l’intrigue: elle doit être piquante, vous tenir en haleine, vous inviter dans les soutes d’un pays, d’une ville ou d’une famille. Ensuite l’écriture: elle doit être affûtée, au service de ses personnages, capable de vous transporter. Enfin les héros: ils doivent être vos miroirs. C’est à travers eux que vous allez, au fil de la lecture, découvrir le monde de ce nouveau roman. Intrigue, écriture, héros….Patrice Montagu Williams maîtrisait déjà ce triptyque dans son premier roman par épisodes écrit pour Gavroche: «La fille qui aimait les nuages». Avec «Mamasan», son deuxième opus, le voici au meilleur de son art de conteur. Gavroche n’est pas fils de Victor Hugo pour rien. Le roman, la littérature, l’écrit est notre seconde nature…

 

«Mamasan», Episode 1: Les bons tuyaux du Tonton macoute

 

Un roman exclusif signé Patrice Montagu-Williams

 

On l’appelait Tonton parce qu’il paraît qu’autrefois, chez lui, à Haïti, il était Tonton Macoute. Les Tontons Macoutes, c’était la milice de Papa Doc, le dictateur de là-bas. C’est eux qui faisaient la loi dans ce pays plombé par la misère. On leur avait collé un surnom, les « Bonhommes-bâton ». Parce que, cogner, ils savaient faire. Ils ne savaient même faire que ça. Mais Tonton avait dû se carapater vite fait quand le fiston, Baby Doc, qui avait pris la suite du papa, plia bagage pour s’installer en France : il paraît que tous ceux qu’il croisait dans la rue et qui, avant, ne mouftaient pas, voulaient lui faire la peau.

 

Heureusement, à peine débarqué à Paris, les flics s’étaient occupés de lui.

 

— T’as la couleur qu’il faut pour passer inaperçu dans le quartier et, en plus, tu causes à peu près le français, lui avait dit le capitaine Montoya, l’adjoint du commissaire Samarcande. On te laissera tranquille à condition que tu roules pour nous. On va te dégotter un petit boulot à la coule dans un endroit où tu pourras faire fonctionner ton radar à 360° et capter tout ce qui se passe, sans avoir besoin de bouger.

 

Vendeur de crêpes et indic de la police.

 

Et c’est comme ça qu’il s’était installé à la sortie du métro Château Rouge, avec sa petite carriole, et qu’il avait commencé à vendre des crêpes.

 

— T’inquiète, avait ajouté le flic, pour le rassurer : avec le look que tu te payes, on va pas te demander en plus de jouer les Bretons.

 

Bien sûr, tout le monde dans le coin savait que, Tonton, c’était un « cousin », comme on disait dans la maréchaussée. Mais on le laissait tranquille. Faut avouer que c’était bien pratique : quand on avait un message à faire passer aux autorités, suffisait de se brancher sur l’Haïtien et l’info était transmise illico, cinq sur cinq, sans brouillage sur la ligne. En plus, on pouvait le reconnaître de loin, façon borne d’appel d’urgence sur les autoroutes, avec son couvre-chef planté sur le caillou, été comme hiver. Une chapka que ça s’appelait. Et, la sienne, c’était une vraie, une bolchevique, une ushanka en poil de lapin, grise avec une étoile rouge collée sur le devant.

 

«Queen Africa»

 

Tonton, il habite rue Doudeauville, à côté de « Queen Africa », une épicerie qui vend des produits afros : épice « kankankan », couscous de manioc ou confiture de baobab. En passant par la rue Poulet, c’est à cinq minutes de Château Rouge, pas plus, même pour un vieil homme qui traîne la patte depuis son accident de « tap-tap », ces taxis collectifs haïtiens prévus pour dix personnes où on s’entasse à vingt. C’est les flics qui lui ont trouvé l’endroit où il crèche, un ancien garage, au fond d’une cour.

 

— Comme ça, t’auras pas à marcher trop longtemps, Tonton, lui a dit la capitaine Montoya. Tu vois comme on prend soin de ceux qui bossent pour nous !

 

— Et comment je fais pour le loyer, patron, il avait demandé ?

 

— T’inquiète : les proprios, on les a coffrés pour Association de malfaiteurs et détention en bande organisée de marchandise de contrebande. C’est là qu’ils stockaient les cigarettes que revendent tous ces petits cons à la sortie du métro Barbès.

 

Une ambulance suspecte abandonnée en plein XVIIIe.

 

Le Citroën Jumpy blanc avec son gyrophare à LED sur le toit et ses croix bleues à six branches peintes sur les portières était garé rue Poulet, en plein devant la boucherie halal de l’ami Mehdi. Sur les flancs du véhicule, on pouvait lire : « Ambulances Le Mandarin Paris XIIIe ».

 

— Dis-moi, Tonton, lui a dit Mehdi, l’autre soir, quand l’Haïtien passait devant sa boutique, toi qui as des relations qui montent jusqu’au ciel, tu peux pas dire à tes copains les keufs de venir voir ce qu’elle fout là, cette ambulance ? Ça fait deux jours qu’elle est plantée devant mon bazar et, les ambulances, c’est comme les corbillards : personne y touche et ça fait fuir les clients. En plus, j’ai entendu des bruits bizarres : on aurait dit qu’on donnait des coups sur la carrosserie, comme s’il y avait quelqu’un enfermé dedans.

 

Alors Tonton a appelé le capitaine Montoya en rentrant chez lui.

 

— T’as bien fait, lui a répondu le flic. On va s’en occuper illico, de ton ambulance : aujourd’hui, avec tous ces malades qui grésillent gravement du turban, un véhicule abandonné ça peut devenir une vraie bombe à retardement.

 

La suite dans l’épisode 2… Restez branchez sur la fréquence «Gavroche» !

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