Dans les bidonvilles de Bangkok, le football est une véritable institution. Influencés par les grands frères et les footballeurs à la télé, c’est le rendez-vous quotidien après l’école des enfants des quartiers défavorisés. Charly Nomdedeu, un jeune Français inspiré par sa passion pour ce sport, trouve là un espoir de leur apporter une meilleure éducation.
Acadena a vu le jour il y a quelques mois, grâce notamment à une femme, Nadine Marchand, ancienne responsable des projets d’insertion par le sport de la fondation d’entreprise Engie (ex-GDF-Suez). Une première subvention qui permettra à Charly, supporté par la fondation française Ideal Goal, en collaboration avec le Klong Toey FC et l’école de football Bangkok Galaxy, de monter son projet en mettant sur pied une équipe de foot avec un petit nombre d’enfants issus des bidonvilles de Klong Toey et Bonkaï, dans le but de leur faire décrocher une bourse d’études dans une école réputée de Bangkok grâce au football.
Tous les jours, les enfants, âgés de 10 et 11 ans, suivent une préparation physique et technique de plusieurs heures leur imposant une certaine rigueur, tout en prenant un maximum de plaisir. Une philosophie du football qui s’inspire de la méthode développée par l’académie Jean-Marc Guilloux (JMG Academy) d’où sont sortis de grands joueurs professionnels comme Yaya Touré ou Gervinho.
Après l’école, les enfants ont rendez-vous à 16h30 pour prendre le goûter et enfiler les tenues de sport avant de rejoindre en pick-up le terrain de foot en synthétique sur Sukhumvit 50 pour deux heures d’entraînement intensif, pieds nus, sous la supervision du coach Charly et de Top, son assistant, un bénévole thaïlandais. La petite équipe commence par vingt minutes de jonglage sur la pelouse du terrain. S’ensuivent des séances d’exercices, de passes rapides, de passes longues, puis un match, le tout rythmé par une certaine concentration et des éclats de rire. Les enfants retournent ensuite dans les installations du club de Klong Toey pour prendre une douche et un bon repas. En attendant les parents, les uns jouent aux fléchettes, les autres regardent d’autres enfants s’amuser avec un ballon.
A travers ces séances, Acadena, parrainé par l’international français Christophe Jallet, enseigne aux enfants défavorisés des règles de vie, de la discipline et un savoir-vivre. Dotés d’un naturel généreux et solidaire, les jeunes joueurs apprennent aussi le respect de la hiérarchie, des entraîneurs, des camarades, des adversaires, ainsi que la ponctualité et le sens de l’organisation. Selon Charly Nomdedeu, la philosophie du foot qui leur est enseignée leur permet, en plus de leur proposer un avenir, « de pas être tentés par les dérives de la rue ». La difficulté particulière étant que chaque joueur développe sa propre personnalité au sein d’une équipe, une certaine individualité en collectivité.
Vivre et jouer ensemble
Une maison pour vivre tous ensemble pendant deux ans ! C’est le projet d’Acadena pour la rentrée scolaire thaïlandaise début mai, l’objectif selon son responsable, étant de « les sortir du bidonville, de couper avec la misère en instaurant des règles de vie, en travaillant dur et en allant dans de meilleures écoles ». Une maison à quelques kilomètres de Bangkok où vivra, du lundi au vendredi, toute la petite équipe en compagnie de leur instructeur, d’un assistant et de quelques employés. Les enfants iront à l’école la journée et s’entraîneront le soir. Le week-end, ils retrouveront leur famille. Avant de les engager, l’instructeur français a rencontré les parents, les familles, pour leur expliquer le programme et obtenir leur accord. Une famille parfois difficilement accessible, comme celle du petit Wave.
Visage d’ange, regard triste et sourire forcé, Wave est un petit garçon de 11 ans qui habite avec ses grands-parents dans le bidonville de Bonkaï. Son père est décédé et sa mère vit dans des conditions trop insalubres pour garder son enfant avec elle. Chaque soir, le jeune garçon aime jouer au foot avec ses copains. Ils représentent pour lui « une famille », explique-t-il timidement. Lorsque notre jeune interprète lui demande s’il évalue les opportunités que peut lui apporter le programme Acadena, il répond, d’un sourire furtif, « oui », parce qu’il aimerait « devenir comme les joueurs de foot à la télé ». Mais ce qui le rend le plus heureux, confie-t-il, c’est d’« aller rendre visite à sa maman ».
Alicia Gorre
(Photos : slumkick)
