Ce n’est pas nous qui le disons, mais le Prince Hassan de Jordanie, rencontré récemment à Genève. A méditer, après les nouveaux attentats de Djakarta. J’étais, ce samedi matin, avec le prince Hassan de Jordanie, frère cadet du défunt Roi Hussein et oncle de l’actuel souverain Abdallah II. L’entretien, avec un collègue du quotidien français La Croix, se déroulait dans une sompteuse villa de Bellerive, le « Beverly hills » du Lac Léman. Et nous avons notamment parlé de l’Indonésie.
Pourquoi l’Indonésie ? Evidemment en raison des attentats qui, de nouveau, ont secoué pour le pire Djakarta en fin de semaine dernière. Des attentats attribués, selon les premiers éléments de l’enquête, à la nébuleuse « Jamaa Islamiya » sur laquelle les policiers concentrent leurs efforts. L’école islamique Al-Mukmin de Ngruki, dans le centre de Java, est dans leur collimateur. L’un des kamikazes y aurait étudié.
La connection, une fois encore, semble en passe d’être établie entre l’islam radical et cette campagne de terreur contre la « vitrine » occidentalisée et ouverte sur le monde qu’est la capitale indonésienne. Je dis bien « semble », car les bons connaisseurs de l’archipel et de ses basses œuvres savent combien est possible la manipulation de tel ou tel groupe par des forces politiques frustrées de l’éclatante victoire du chef de l’Etat sortant, Susilo Bambang Yudhoyono (plus connu par ses initiales SBY), aux présidentielles du 8 juillet.
Mais revenons au Prince Hassan de Jordanie. Que dit ce leader arabe, descendant du prophète Mahomet et passionné de dialogue entre les religions. «Ces attentats prouvent, si le lien est établi, que la terreur est toujours à l’œuvre. Que l’idée de porter la bataille dans les capitales anime toujours une certaine internationale islamiste. Ces gens ont des cellules dormantes qu’ils activent au nom d’un soi-disant « Jihad ».
Que faire alors ? « Circonscrire leur activité poursuit-il. En s’engageant à fond dans la bataille pour les cœurs et les esprits. En s’appuyant sur des exemples tels que celui de l’Indonésie, premier pays musulman du monde qui vient juste de connaître une élection présidentielle couronnée de succès ».
Mais qui dit exemplarité dit défi: « Il y a pour nous, Arabes, un modèle sud-est asiatique. Une sorte de troisième voie entre l’Occident et le monde islamique qui, après avoir irrigué des siècles de son savoir, est aujourd’hui piégé par le lien entre Etat, nationalisme et religion. Nos sociétés arabes, assommées par la mauvaise gouvernance et par les inégalités, sont lobotomisées. Il faut une renaissance intellectuelle. Repartir sur la « route des idées ».
Il y a matière à réfléchir dans les propos du Prince Hassan. Car ce qu’il écrit sur l’Indonésie vaut, dans une certaine mesure, pour la Malaisie. On pense aussi à Singapour, où la cohabitation entre les différentes communautés religieuses n’a pas, pour l’heure, dérapé dans le sang. On pense enfin aux abcès de fixation que sont l’extrême sud de la Thailande et Minanao et les îles de l’archipel de Sulu, aux Philippines. N’est ce pas, derrière la violence brute, cette absence de modèle qui se fait sentir ? Et si oui, comment la combler ? Comment faire que la « route des idées » l’emporte sur celle de la peur et des bombes? De la réponse à cette interrogation dépendra largement le succès du second mandat de SBY à la tête des 200 millions de musulmans Indonésiens.