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ASIE – CORONAVIRUS: A l’heure de l’immunité collective, les anciens malades jouent un rôle clef

Journaliste : Sam Rainsy
La source : Gavroche
Date de publication : 14/05/2021
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Le leader de l’opposition Cambodgienne en exil, Sam Rainsy, suit de très près l’évolution de la situation mondiale de la pandémie. Il revient dans cette chronique sur la question de l’immunité collective, décisive pour la réouverture des frontières et la reprise de la liberté de circulation.

 

Une chronique de Sam Rainsy

 

Depuis le début de la pandémie il y a plus d’un an, j’ai proposé à plusieurs reprises, notamment dans les colonnes de Gavroche, la création d’un passeport immunitaire pour permettre aux personnes naturellement immunisées de la Covid-19 après contraction de la maladie, de reprendre leurs activités habituelles en toute sécurité pour elles-mêmes et pour l’ensemble de la société.

 

Vraiment et durablement guéris

 

Depuis plus d’un an, les données scientifiques donnent de plus en plus d’assurance que les anciens malades de la Covid-19 sont vraiment et durablement guéris. Les cas de rechute sont extrêmement rares et demandent à être vérifiés. Cela signifie que ces anciens malades sont immunisés, ne portent plus le virus sur eux et, par conséquent, ne sont pas contagieux.

 

C’est un enseignement extrêmement important sur le plan sanitaire, économique et social car le nombre des anciens malades, guéris, immunisés et non contagieux, augmente mathématiquement avec la progression de la pandémie. En effet, le nombre des guérisons – qui sont plus ou moins spontanées dans la grande majorité des cas – suit étroitement celui des contaminations avec un décalage de quelques semaines seulement. Il faut se rappeler qu’environ 98% des personnes infectées par le SARS-CoV-2 se rétablissent de la Covid-19 sans trop de problèmes en l’espace de deux à trois semaines et acquièrent dans la foulée une immunité naturelle contre la maladie.

 

9 millions d’anciens malades en France

 

L’Institut Pasteur estime qu’en France le nombre des anciens malades de la Covid-19 dépasse 9 millions. Ne pas tenir compte de cette donnée et de ses implications pratiques serait une sérieuse lacune. Si l’on compare les 9 millions d’anciens malades avec les 5,8 millions “seulement” de cas de contaminations officiellement recensées en France depuis le début de la pandémie, on s’aperçoit que plus de trois millions de Français en métropole ont été contaminés par le SARS-CoV-2 puis ont guéri de la Covid-19 sans le savoir et/ou sans l’avoir déclaré.

 

A l’époque où j’avais commencé à préconiser le passeport immunitaire pour les anciens malades, personne n’aurait osé espérer la mise au point aussi rapide d’un vaccin contre la Covid-19. Il y a moins de cinq mois, Mauricette a été la première personne en France à recevoir un tel vaccin le 27 décembre 2020. La lutte contre la pandémie a pris depuis une nouvelle tournure qui s’avère décisive avec le lancement de campagnes massives de vaccination.

 

Un passeport immunitaire pertinent

 

Quoi qu’il en soit, le concept du passeport immunitaire n’en demeure pas moins pertinent et d’actualité puisqu’il s’agit toujours d’une reconnaissance d’immunité, avec toutes ses implications pratiques.

 

L’immunité peut être soit naturelle, c’est-à-dire acquise spontanément après contraction de la maladie, soit induite par une vaccination dont le but est d’engendrer cette immunité en évitant les inconvénients et les dangers de la maladie.

 

Toujours est-il que les personnes immunisées d’une manière ou d’une autre ne présentent pas les mêmes risques que les personnes qui ne le sont pas. Se pose alors un problème aussi bien sanitaire que juridique lié à un confinement général ou une restriction des libertés pour l’ensemble de la population sans distinction du statut immunologique de chacun, c’est-à-dire sans distinction du risque de contagion que chacun présente. D’où le titre de mon précédent article dans Gavroche daté du 9 avril 2021, appelant les autorités à ne pas “mettre tout le monde dans le même panier” de la Covid-19.

 

Une association pour défendre les anciens malades

 

C’est pour obtenir la distinction qui s’impose en fonction du statut immunologique que je viens de créer en France l’Association de Défense des Droits et Libertés des Anciens Malades de la Covid-19. Celle-ci a introduit une requête auprès du Conseil d’État pour demander une suspension ou modification des mesures de confinement qui touchent aveuglément l’ensemble de la population sans discernement de statut immunologique.

 

Nous avons obtenu une première victoire puisque dans son ordonnance du 6 mai le Conseil d’Etat reconnaît que, d’après les données scientifiques disponibles, “les personnes ayant souffert de la Covid-19 puis s’étant rétablies sont susceptibles, pendant une période quasi certaine de trois mois au moins, et vraisemblablement de six mois, de ne plus être porteuses du virus”, donc de ne présenter qu’un très faible risque de contagiosité sur cette période, voire – en toute logique – aucun, puisque vous ne pouvez pas passer à d’autres le virus que vous n’avez pas vous-même.

 

Si le Conseil d’État n’a pas ordonné une modification des règlements en vigueur c’est surtout pour des raisons administratives liées aux capacités de la police de vérifier sur le terrain, c’est-à-dire en tout point du territoire national, l’état immunologique des personnes qui sortiraient de chez elles pendant les heures de couvre-feu.

 

Du “passeport vaccinal” au “pass sanitaire”

 

Après le démarrage en trombe des campagnes de vaccinations, la pression monte du public et des milieux économiques pour l’établissement d’un “passeport vaccinal” certifiant que le porteur bénéficie d’une immunité, synonyme de non-contagiosité, obtenue par vaccination. Un tel document, surtout sous une forme électronique standardisée, permettrait la reprise des voyages et du tourisme international tout en assurant la sécurité sanitaire de toutes les parties prenantes.

 

Mais pour l’objectif de réouverture de la société que l’on poursuit, l’appellation “passeport vaccinal” est un peu étriquée parce qu’elle se réfère uniquement à l’immunité obtenue par vaccination. C’est oublier l’immunité des personnes qui l’ont acquise par contraction de la maladie. Le vocable “passeport vaccinal” est d’autant plus impropre que, pendant longtemps et même encore jusqu’à ce jour, le nombre de personnes vaccinées en France avec deux injections (8,8 millions au 11 mai) est inférieur au nombre des anciens malades naturellement immunisés (plus de 9 millions). Il peut y avoir un chevauchement entre les deux populations de vaccinés et d’anciens malades mais cela ne change rien au fond du raisonnement.

 

C’est ainsi que les autorités françaises se sont finalement accordées avec les autorités européennes – qui elles-mêmes s’étaient inspirées de l’expérience israélienne et danoise – pour se préparer à lancer le “passe sanitaire” à l’image du “certificat vert” européen.

 

Voir “Du passeport vaccinal au certificat vert européen, comment la France a adopté le passe sanitaire”, Le Monde, 28 avril 2021.

 

En tout cas, le “passe sanitaire” français qui devrait voir le jour dans le courant du mois de juin, recouvre un concept et une population plus larges qu’un “passeport vaccinal” puisqu’il sera attribué non seulement aux personnes vaccinées mais aussi aux anciens malades immunisés. Pour ces derniers, il suffit, pour obtenir le “passe sanitaire”, de présenter un test rhino-pharyngé PCR positif datant de plus de 15 jours. Si, depuis ce test virologique montrant alors une infection, la personne ne présente plus de symptômes – si elle en a jamais eus – elle est considérée comme guérie. On n’a pas besoin de lui faire subir d’autre test, qu’il soit virologique ou sérologique (recherche d’anticorps dans le sang).

 

La procédure pour identifier un ancien malade est finalement et heureusement très simple, plus légère que ce que j’avais pensé au début, car les dernières connaissances scientifiques permettent de mieux connaître les schémas de guérison avec l’apparition d’une immunité naturelle qui, en impliquant aussi des lymphocytes T à mémoire ou “cellules tueuses”, va bien au-delà des anticorps.

 

Face aux mutations du virus, ces lymphocytes T représentent une arme de défense précieuse dans l’immunité naturelle. Alors que les anticorps ne reconnaissent que les protéines à la surface du virus, certains de ces lymphocytes T sont capables de reconnaître des protéines à l’intérieur du virus, qui sont beaucoup moins susceptibles de muter.

Immunité naturelle contre immunité engendrée par la vaccination

 

Il y aura un débat pour savoir laquelle des deux formes d’immunité – celle résultant naturellement de la maladie ou celle engendrée par la vaccination – est plus efficace, plus rassurante et plus durable que l’autre. Le bon sens me fait pencher vers l’immunité naturelle. Comme la fabrication et l’administration d’un vaccin ne sont qu’une ingénierie pour créer une réplique de l’immunité naturelle, on ne peut pas s’attendre à ce que la copie surpasse l’original au niveau du résultat final.

 

Plusieurs anciens malades de mon Association ont présenté au Conseil d’État les résultats de leurs analyses médicales successives montrant toutes, quelques mois après contraction de la maladie attestée par un test PCR positif, une guérison attestée par la disparition de toute trace du virus dans les voies respiratoires supérieures (test PCR négatif) et l’apparition d’anticorps IgM et IgG (test sérologique positif).

 

Si l’épidémie semble maintenant contenue et commence à reculer en Europe, ce n’est pas seulement grâce aux effets des campagnes de vaccination mais c’est aussi grâce aux anciens malades immunisés dont la masse compacte et croissante forme un rempart naturel contre la propagation du coronavirus.

 

La reconnaissance d’un statut immunologique spécifique pour les anciens malades de la Covid-19 aura aussi des conséquences significatives dans les pays pauvres très peuplés qui ont du mal à se procurer les quantités de vaccins nécessaires pour protéger leurs populations. Garder et classer les résultats des premiers tests rhino-pharyngés de détection virologique permettra, quelques semaines plus tard, d’identifier les anciens malades qui sont guéris et immunisés souvent sans même s’en rendre compte et qui ont le moins besoin d’être vaccinés. On pourra alors réserver en priorité les précieux vaccins pour d’autres personnes plus vulnérables parce qu’elles n’ont pas encore rencontré le virus.

 

Sam Rainsy

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