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ASIE – CULTURE : Faut-il revisiter les valeurs universelles et asiatiques ?

Date de publication : 23/12/2024
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Une chronique géopolitique de Ioan Voicu, ancien Ambassadeur de Roumanie en Thaïlande

 

La citation du jour: “La véritable sagesse est de reconnaître les valeurs universelles tout en respectant la diversité des cultures.“— Confucius (attribué, interprétation contemporaine)

 

Observations préliminaires

 

Les fêtes de fin d’année offrent une occasion propice de méditer sur le concept de valeurs, entendues simplement comme quelque chose de fondamentalement précieux ou désirable.

 

La Déclaration du Millénaire des Nations Unies adoptée par consensus le 8 septembre 2000 comporte une section consacrée aux valeurs et aux principes, dont le paragraphe 6 est le suivant : « Nous considérons que certaines valeurs fondamentales sont essentielles aux relations internationales au XXIe siècle. Il s’agit notamment de :

 

• La liberté. Les hommes et les femmes ont le droit de vivre leur vie et d’élever leurs enfants dans la dignité, à l’abri de la faim et de la peur de la violence, de l’oppression ou de l’injustice. Une gouvernance démocratique et participative fondée sur la volonté du peuple est la meilleure façon de garantir ces droits.

 

• L’égalité. Aucun individu ni aucune nation ne doit se voir refuser la possibilité de bénéficier du développement. L’égalité des droits et des chances des femmes et des hommes doit être garantie.

 

• La solidarité. Les défis mondiaux doivent être gérés de manière à répartir les coûts et les charges de manière équitable, conformément aux principes fondamentaux d’équité et de justice sociale. Ceux qui souffrent ou qui bénéficient le moins méritent l’aide de ceux qui en bénéficient le plus.

 

• Tolérance. Les êtres humains doivent se respecter les uns les autres, dans toute leur diversité de croyances, de cultures et de langues. Les différences au sein des sociétés et entre elles ne doivent être ni craintes ni réprimées, mais chéries comme un bien précieux de l’humanité. Une culture de paix et de dialogue entre toutes les civilisations doit être activement promue.

 

• Respect de la nature. Il faut faire preuve de prudence dans la gestion de toutes les espèces vivantes et des ressources naturelles, conformément aux préceptes du développement durable. C’est seulement de cette manière que les richesses incommensurables que nous offre la nature pourront être préservées et transmises à nos descendants. Les modèles actuels de production et de consommation non durables doivent être modifiés dans l’intérêt de notre bien-être futur et de celui de nos descendants.

 

• Responsabilité partagée. La responsabilité de la gestion du développement économique et social mondial, ainsi que des menaces à la paix et à la sécurité internationales, doit être partagée entre les nations du monde et exercée de manière multilatérale. En tant qu’organisation la plus universelle et la plus représentative du monde, l’ONU doit jouer un rôle central.

 

Ces lignes introductives aideront les lecteurs à situer dans un contexte adéquat un livre très récent : Gabriel Facal · Elsa Lafaye de Micheaux · Astrid Norén-Nilsson (Éditeurs), The Palgrave Handbook of Political Norms in Southeast Asia, publié en 2024 par Palgrave Macmillan à Singapour. Il s’agit d’un volume à couverture rigide de 659 pages couvrant 34 chapitres et un index détaillé.

 

Les lecteurs sont informés des profils des rédacteurs comme suit : Gabriel Facal occupe le poste de directeur adjoint de l’Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine (IRASEC) à Bangkok, en Thaïlande ; Elsa Lafaye de Micheaux est professeur d’économie politique à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) à Paris, en France ; Astrid Norén-Nilsson est maître de conférences spécialisée dans l’étude de l’Asie du Sud-Est contemporaine au Centre d’études de l’Asie de l’Est et du Sud-Est de l’Université de Lund, en Suède.

 

La préface de cette recherche collective précise que ce livre rassemble près de trois douzaines d’universitaires, de journalistes et d’autres experts de premier plan qui examinent les normes politiques dans les pays de la région sous différents angles, y compris le droit international et national, les normes, coutumes et pratiques informelles. (p.iv)

 

L’espace limité de cette chronique ne permet pas une analyse et une présentation détaillées de cette recherche complète, riche et bien documentée. Pour cette raison, les pages suivantes se concentreront uniquement de manière sélective sur des considérations pertinentes concernant les valeurs, en mettant l’accent sur les valeurs asiatiques.

 

Un labyrinthe complexe

 

Les philosophes, les politologues et les juristes ne sont pas encore parvenus à un consensus pour différencier clairement les valeurs, les principes, les normes et les règles. Le volume sous revue ne fait pas exception à cet égard et nous commençons notre exercice par la question de savoir ce que l’on entend par valeurs en général et par valeurs universelles et asiatiques en particulier.

 

On nous informe dès le début que « les normes sont étudiées depuis la naissance de l’institutionnalisme économique au début des années 1900. La norme prend une signification encore plus grande en sociologie et en anthropologie, où le concept renvoie à des règles récurrentes, des règles contraignantes ou des valeurs et des principes. Les normes contrôlent de manière sélective le développement des aptitudes et des préférences des membres de la société…. En science politique, les normes sont en outre interprétées comme un ensemble de traités internationaux et de règles nationales. »

 

Il est tout naturel d’apprendre qu’il existe des principes affirmés : le respect de la souveraineté nationale, de l’intégrité territoriale et de la non-ingérence dans les affaires intérieures ; la nécessité de lier les droits civils et politiques aux droits économiques, sociaux et culturels et l’accent mis sur la croissance et le développement économiques plutôt que sur les droits et libertés fondamentaux. On a beaucoup parlé de la mise à distance des principes de liberté individuelle (alors que les « valeurs asiatiques » mettent l’accent sur la nation, la société, la famille) et de l’affirmation du relativisme culturel.

 

On rappelle que portée par l’ASEAN elle-même, autrement dit par le consensus de ces États d’Asie du Sud-Est, la Déclaration ASEAN de Bangkok sur les droits de l’homme a ouvert la voie à des engagements futurs en faveur d’une prise en compte des droits de l’homme à l’échelle régionale. Dès 1995, un groupe de travail a été constitué pour établir des mécanismes régionaux en matière de droits de l’homme au sein de l’ASEAN. Ce processus a été renforcé par l’élaboration de plans d’action successifs, notamment l’ASEAN Vision 2020 adoptée à Hanoï, au Vietnam, en 1997 (seulement deux ans après l’adhésion du Vietnam à l’ASEAN), et le Plan de Vientiane, au Laos, en 2004. Ces initiatives ont jeté les bases de la préparation de la Communauté de l’ASEAN, officiellement lancée en 2015.

 

Dans une section intitulée « Maintenir les valeurs paradigmatiques asiatiques », on affirme que le discours sur les valeurs asiatiques soutient l’existence, voire la prééminence, de valeurs culturelles communes en Asie (théoriquement partagées par l’Asie de l’Est, et même au-delà : Asie du Sud-Est, Inde, etc.). La Déclaration de Bangkok reconnaît l’universalité des droits de l’homme tout en soulignant simultanément la diversité contextuelle (religieuse, historique et culturelle).

 

La reconnaissance des droits de l’homme par l’ASEAN est nuancée par des dispositions telles que « conformément au droit national », que les gouvernements peuvent utiliser pour justifier leur non-respect des normes internationales. Un autre point de discorde est que la Déclaration de Bangkok s’écarte de la terminologie du droit international et se réfère à l’équilibre entre les droits et les devoirs. On en conclut que « les valeurs asiatiques sont une présence sous-jacente constante et continuent d’informer, dans une certaine mesure, les positions adoptées par l’ASEAN et ses pays membres en matière de droits de l’homme » (p. 48).

 

Les auteurs du livre sous revue n’oublient pas de mentionner la montée en puissance de la République populaire de Chine qui facilite le retour des valeurs asiatiques.

 

Elles sont de plus en plus souvent évoquées dans les rencontres politiques ou diplomatiques panasiatiques, comme en témoigne une réunion des pays asiatiques en mai 2019 qui a ravivé la rhétorique des valeurs asiatiques : ces valeurs sont citées, sans aucune introduction ni explication, comme si, bien que n’ayant pas été évoquées depuis une vingtaine d’années, elles n’avaient cessé d’imprégner et de dynamiser, sinon l’espace public régional, du moins l’âme intellectuelle asiatique : « Les valeurs asiatiques privilégient une approche consensuelle et le communautarisme sur l’individualisme, et donnent la priorité à l’ordre et à l’harmonie sociale ainsi qu’au respect des aînés, à la discipline et à un État paternaliste et au rôle primordial du gouvernement dans le développement économique. Les valeurs asiatiques sont les ingrédients essentiels pour apprendre à travailler ensemble dans la confiance et, par conséquent, pour promouvoir la mondialisation. » (p. 49)

 

Dans un contexte similaire, on rappelle que le discours sur les valeurs asiatiques a fourni une arme idéologique importante contre les critiques internationales sur le bilan du Vietnam en matière de droits de l’homme.

 

Un exemple intéressant est évoqué. La position diplomatique de Singapour suscite des interrogations (ou « peut-elle surprendre les analystes » pour ne pas répéter « suscite des interrogations » ?). Elle semble souvent pro-américaine et favorable aux normes démocratiques libérales occidentales ; on la soupçonne parfois d’être pro-chinoise et nostalgique des « valeurs asiatiques » ; en même temps, en raison de la vulnérabilité qui caractérise tous les micro-États, on pourrait s’attendre à ce qu’elle soit neutre. Les activités du gouvernement montrent des liens complexes et intriqués avec la Chine, en particulier dans le domaine de la sécurité. (p. 203) À cet égard, l’économiste indien Amartya Sen, lauréat du prix Nobel, a soutenu que l’aspect culturel spécifique était largement hors de propos, car « les soi-disant valeurs asiatiques… ne sont pas particulièrement asiatiques dans un sens significatif. » (p. 278)

 

Conclusion

 

Le livre lui-même formule une conclusion importante. Le discours sur les valeurs asiatiques peut être résumé comme une série de dichotomies : le particularisme contre l’universalisme, la nation-famille contre l’individualisme, les droits sociaux et économiques sur les droits politiques et la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays plutôt que l’application des normes internationales. On prétend que cela démontre que les droits de l’homme ne sont pas universels et ne peuvent pas être mondialisés et que « les autres nations ne devraient pas interférer dans les affaires intérieures d’un État, y compris ses droits de l’homme ».

 

Nous nous joignons au professeur émérite Garry Rodan, de l’université Murdoch, en Australie, qui a écrit sur ce livre dans des termes très positifs, affirmant qu’il contient « un argument sophistiqué et convaincant sur la façon de concevoir et d’expliquer les normes et la dynamique politiques. Des idées issues de diverses sciences sociales exposent des relations de pouvoir complexes impliquant des intérêts concurrents promouvant des normes au sein, à travers et en articulation avec l’Asie du Sud-Est. Les conflits et les contradictions sont ainsi sortis de l’ombre et mis en lumière, posant un formidable défi théorique aux orthodoxies influentes. Un recueil exceptionnel. »

 

Selon la professeure Caroline Hughes, de l’université de Notre Dame, aux États-Unis, « le manuel sera d’une valeur inestimable tant pour les observateurs de longue date de la région que pour les nouveaux venus qui cherchent à comprendre à la fois la diversité et la complexité de la politique de l’Asie du Sud-Est, ainsi que sa spécificité régionale. »

 

Les étudiants de nombreuses universités pourraient être inspirés à rédiger des essais critiques sur ce manuel, en enrichissant et nuançant leurs analyses à l’aide du Pacte pour l’avenir. Adopté par consensus le 22 septembre 2024 par les 193 États membres des Nations Unies, ce document diplomatique offre un cadre stimulant pour une réflexion approfondie sur les valeurs universelles et régionales.

 

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