Par Ioan Voicu

La doctrine des relations internationales reconnaît aujourd’hui plus fréquemment ce qu’on appelle l’essor de la diplomatie interrégionale et accorde plus d’attention à une particularité de la régionalisation du monde qui réside dans une densification des coopérations interrégionales.

L’un des exemples les plus récents est celui de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et de l’Union européenne (UE), qui ont convoqué leur 24e réunion ministérielle le 2 février 2024 à Bruxelles, en Belgique.

Parmi les 37 paragraphes de la Déclaration commune de cette rencontre diplomatique nous retiendrons quelques éléments fondamentaux qui méritent d’être portés à la connaissance des lecteurs de Gavroche tout en respectant la terminologie de cet instrument interrégional.

Des engagements fondamentaux

Tout d’abord, les Ministres des Affaires étrangères de l’ASEAN et de l’UE ont réaffirmé les valeurs partagées et les intérêts communs qui sous-tendent quarante-sept années de relations de dialogue ASEAN-UE et ont noté avec satisfaction la nature globale et multiforme de leur partenariat dynamique.

Les Ministres ont réaffirmé le partenariat stratégique ASEAN-UE et leur intérêt commun à maintenir la paix, la stabilité et la prospérité de leurs régions, à faire respecter le droit international et l’ordre international fondé sur des règles, sur la base du respect du droit international et à maintenir la paix, la sécurité et la stabilité.

Les participants à la réunion de Bruxelles ont réitéré leur engagement commun à soutenir la centralité de l’ASEAN et les mécanismes dirigés par l’ASEAN, et ont reconnu que l’Indo-Pacifique représente une zone dynamique avec de nombreuses opportunités de croissance et des pistes pour une coopération potentielle plus poussée, guidée par leur partenariat stratégique qui ne peut qu’être pleinement libérée en préservant la paix, la sécurité, la stabilité et la prospérité ainsi qu’en respectant et en faisant respecter le droit international.

L’UE a exprimé sa gratitude pour la présidence indonésienne de l’ASEAN en 2023 et son soutien à la présidence de l’ASEAN de la RDP Lao en 2024 ainsi qu’aux priorités de sa présidence sous le thème « ASEAN : renforcer la connectivité et la résilience ». L’UE a exprimé sa gratitude aux Philippines pour leur travail en tant que coordinateur national pour les relations de dialogue ASEAN-UE, et espère renforcer et élargir encore le partenariat ASEAN-UE avec le Brunéi Darussalam en tant que nouveau coordinateur national de 2024 à 2027.

L’UE était le troisième investisseur étranger et le troisième partenaire commercial de l’ASEAN en 2022 et il existe un engagement commun clair à tirer parti de cette dynamique positive pour intensifier davantage les relations commerciales et d’investissement entre l’ASEAN et l’UE.

Les deux parties intensifieront leur engagement sur les questions commerciales et économiques et exploreront d’autres voies à court et moyen termes pour promouvoir la coopération dans des domaines d’intérêt mutuel tels que l’économie numérique, les technologies et services verts, la production et la consommation durables de matières premières et la chaîne d’approvisionnement, tout en réaffirmant un futur accord de libre-échange ASEAN-UE comme objectif commun à long terme.

Les Ministres attendaient avec impatience le succès de la 13e Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce, prévue du 26 au 29 février 2024, et ont soutenu la nécessité de poursuivre une réforme de l’OMC qui soit dirigée par les membres, ouverte, transparente, inclusive et qui doit tenir compte des intérêts de tous ses membres, y compris les enjeux de développement.

Les Ministres ont reconnu le partenariat solide de longue date entre l’ASEAN et l’UE dans leurs efforts concertés pour conserver et utiliser durablement leur patrimoine naturel et leurs écosystèmes naturels, en particulier la nécessité de répondre simultanément aux crises interdépendantes de la perte de biodiversité et du changement climatique.

Un domaine spécifique de coopération a été évoqué à juste titre. Les ministres ont évoqué la convocation de la troisième réunion du Groupe de travail conjoint sur l’huile de palme et un webinaire technique entre l’Union européenne et les États membres concernés de l’ASEAN, et ont pris note de la participation volontaire des États membres à la réunion, afin de continuer à promouvoir la compréhension mutuelle sur la production durable d’huiles végétales et relever les défis de ce secteur de manière globale, transparente et non discriminatoire.

Les Ministres ont également salué le lancement des négociations sur l’accord-cadre sur l’économie numérique de l’ASEAN et se réjouissent d’explorer une coopération renforcée dans ce domaine.

Un autre domaine intéressant et prometteur mentionné par les Ministres est la mise en œuvre de l’accord global de transport aérien ASEAN-UE, premier accord aérien régional à région au monde, qui rétablira la reprise du secteur de l’aviation après la pandémie de COVID-19 et renforcera la connectivité aérienne entre l’Europe et l’ Asie du Sud-Est et au-delà et apporter des avantages tangibles à la coopération dans le domaine de l’aviation.

Un groupe d’autres domaines importants a été identifié, tels que : la coopération maritime, le changement climatique et la croissance verte, la gestion des catastrophes, la conservation de la biodiversité, les villes intelligentes, la numérisation, y compris la réduction de la fracture numérique, la lutte contre la criminalité transnationale et le terrorisme, le développement durable, le développement rural et la pauvreté, le développement du capital humain, l’éducation et la formation professionnelle, la culture, l’autonomisation des personnes handicapées, réduisant l’écart de développement, ainsi qu’en autonomisant les micro, petites et moyennes entreprises.

L’ASEAN a salué le partenariat renforcé avec l’UE ainsi que le soutien et le partage des meilleures pratiques et expériences de l’UE qui peuvent aider les efforts de l’ASEAN visant à réduire l’écart de développement, entre les États membres de l’ASEAN ainsi qu’entre l’ASEAN et le reste du monde.

Conclusion

Le document dont nous avons reproduit ci-dessus quelques idées fondamentales est le résultat diplomatique de consultations sérieuses entre deux organisations les plus représentatives du régionalisme. La population actuelle de l’Asie du Sud-Est s’élève à 690 445 467 habitants en février 2024, selon les dernières estimations des Nations Unies, tandis que la population totale de l’Union européenne dépasse légèrement 448 millions de personnes.

L’essor des organisations régionales est un révélateur des transformations internationales. Les liens entre États ne cessent de s’intensifier, obligeant à une coopération renforcée en vue de réguler la mondialisation.

Dans ce contexte, il est utile de garder à l’esprit le dernier paragraphe du document examiné. Son contenu est d’une grande actualité. Les Ministres de l’ASEAN et de l’Union européenne, conformément aux principes de la Charte des Nations Unies, ont réaffirmé leur engagement à continuer d’encourager le dialogue et la compréhension et à promouvoir l’esprit de coexistence pacifique pour parvenir à la paix et à l’harmonie dans un climat de paix et d’harmonie d’une communauté mondiale diversifiée. Ils s’engagent à adopter les valeurs de tolérance et de modération, ainsi que le plein respect de la diversité culturelle, religieuse et linguistique.

Guidées par de tels engagements humanistes, l’ASEAN et l’UE pourraient offrir un modèle précieux pour le développement du régionalisme au niveau mondial.

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