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ASIE – DIPLOMATIE : L’ONU sert encore à quelque chose, la preuve !

Date de publication : 22/02/2023
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Nations Unies

 

Notre collaborateur Ioan Voicu, ancien Ambassadeur de Roumanie en Thaïlande, demeure un fervent défenseur de la diplomatie multilatérale. Il explique pourquoi, un an après le début de la guerre en Ukraine.

 

L’ONU et la coopération Sud-Sud

Par Ioan Voicu

 

Le thème de la coopération Sud-Sud ne figure pas sur la liste favorite des médias grand public. Il est également assez marginalisé dans la recherche académique. Cette situation est difficile à justifier, compte tenu du fait que la coopération Sud-Sud (SSC) est un terme historiquement utilisé par les décideurs politiques et les universitaires pour décrire l’échange de ressources, de technologies et de connaissances entre les pays en développement, collectivement connus sous le nom de Global South. Même le journal en ligne spécialisé Global South Development Magazine n’informe pas régulièrement ses lecteurs des événements diplomatiques liés à la coopération Sud-Sud lorsqu’ils sont parrainés par les Nations Unies.

 

Heureusement, en 2023, un article bien documenté de l’ambassadeur Kishan S. Rana (Inde) suggère de manière prometteuse une nouvelle modalité d’approche de la problématique du Global South. L’article s’intitule Why Reforms Are Needed in Bilateral Diplomacy : A Global South Perspective et a été publié dans un livre collectif (The Palgrave Handbook of Diplomatic Reform and Innovation) au début de cette année par la maison d’édition Palgrave Macmillan.

 

Kishan S. Rana affirme : « Les pays du Sud, dont la majorité sont des États en développement qui ont obtenu leur indépendance après la Seconde Guerre mondiale, sont confrontés à des défis dans la gestion des affaires internationales, en particulier dans la mobilisation des relations extérieures dans la poursuite du développement économique et social national. Ils sont handicapés par une relative rareté des ressources, au milieu d’un excès de tâches prioritaires. Pour élever le niveau de vie de leur peuple, ils doivent utiliser le système international pour assurer les conditions fondamentales de paix et de sécurité, et aussi pour faire avancer leurs intérêts économiques et sociaux de façon dynamique. En pratique, c’est ce dernier ensemble de tâches qui est au cœur de leur défi existentiel. Pour eux, une diplomatie efficace signifie utiliser les relations extérieures pour un maximum d’avantages, en donnant la priorité à la fois aux voisins et aux États qui sont leurs principaux partenaires, sans ignorer les États qui sont « au-delà de l’horizon ». Leur objectif constant : comment profiter au pays d’origine, stimuler sa croissance économique et aider les entreprises nationales, en particulier les petites et moyennes entreprises qui ne sont pas en mesure d’aborder les marchés étrangers, que ce soit pour les exportations, pour attirer les IDE (investissement direct étranger), la technologie , et pour toutes sortes de partenariats, y compris la formation et la qualification de leur personnel ».

 

Inspirés par les conclusions sur ce thème de l’ambassadeur Kishan S.Rana, nous analyserons en détail dans cet article la résolution A/RES/77/185 soumise par le Pakistan au nom du Groupe des 77 et de la Chine et adoptée sans vote par l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) le 14 décembre 2022.

 

Il convient de rappeler que le Groupe des 77 et la Chine est en réalité composé de 135 pays, dont les 11 membres de l’ASEAN. Le groupe a été fondé le 15 juin 1964 par 77 pays non alignés participant à la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement à Genève et il a progressivement atteint la composition actuelle, étant la plus grande coalition d’États du système des Nations Unies.

 

Cadre conceptuel

 

Le premier document diplomatique collectif mentionné dans le long préambule de la résolution A/RES/77/185 à l’examen est le document final de Buenos Aires 2019 de la deuxième Conférence de haut niveau des Nations Unies sur la coopération Sud-Sud qui s’inspire de la résolution 70/1 du 25 septembre 2015, intitulée « Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030 », dans laquelle l’AGNU a adopté un ensemble complet, ambitieux et centré sur les personnes, d’objectifs et de cibles de développement durable universels et transformateurs.

 

La mise en œuvre intégrale de cet Agenda d’ici 2030 est considérée comme le plus grand défi mondial et une exigence indispensable pour le développement durable dans ses trois dimensions – économique, sociale et environnementale, de manière équilibrée et intégrée.

 

L’Assemblée générale des Nations Unies a réaffirmé le Programme d’action d’Addis-Abeba de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement, qui aide à contextualiser ses objectifs de moyens de mise en œuvre avec des politiques et des actions concrètes et réaffirme  l’engagement politique à relever le défi du financement et à créer un environnement propice à tous niveaux de développement durable dans un esprit de partenariat et de solidarité mondiale.

 

Dans le même temps, l’AGNU a reconnu que le changement climatique, la pandémie de COVID-19 et les conflits en cours et leurs impacts négatifs respectifs créent des défis supplémentaires liés à l’éradication de la pauvreté, à la sécurité alimentaire, à la sécurité énergétique et au coût de la vie, et que dans leur  développement les pays sont touchés de manière disproportionnée par ces défis.

 

Comment la coopération Sud-Sud est-elle définie par l’AGNU ?

 

Il s’agit d’un élément important de la coopération internationale pour le développement, qui ne remplace pas mais complète plutôt la coopération Nord-Sud. L’AGNU a salué les contributions de toutes les parties prenantes de la coopération Sud-Sud et triangulaire, fondées sur l’unité, la solidarité et une coopération multilatérale renouvelée pour soutenir les pays en développement dans la riposte et le relèvement face à la pandémie de COVID-19.

 

Dans la dernière partie du préambule, l’AGNU a plaidé pour la promotion du dialogue entre les structures d’intégration économique en vue de renforcer les échanges mutuels et d’échanger les meilleures pratiques et expériences, en vue de la réalisation des objectifs de développement durable. Dans le même contexte, l’AGNU a réitéré l’engagement que personne ne sera laissé pour compte, réaffirmant la reconnaissance que la dignité de la personne humaine est fondamentale, et le souhait de voir les objectifs et les cibles atteints pour toutes les nations et tous les peuples et pour tous les segments de la société.

 

Appels à l’action

 

Dans le dispositif de la résolution à l’examen contenant 16 paragraphes, l’AGNU encourage la poursuite et l’avancement de la coopération Sud-Sud et triangulaire sur les efforts de réponse au COVID-19 et de rétablissement après les effets socio-économiques de la pandémie et d’autres crises multiples dans la poursuite de la Programme de développement durable à l’horizon 2030 et appelle à un soutien continu des entités compétentes du système de développement des Nations Unies à cet égard, en particulier dans des domaines tels que l’accès équitable et non discriminatoire à des soins et services de santé sûrs, de qualité, efficaces et abordables, ainsi qu’à des fournitures et équipements médicaux, y compris le diagnostic, la thérapeutique, la médecine et les vaccins, ainsi que la numérisation, l’environnement, le changement climatique, la protection sociale et l’éradication de la pauvreté.

 

De manière relativement passive, l’AGNU prend note des diverses expériences et approches de développement impulsées localement pour atteindre les objectifs de développement durable, et réitère l’importance de l’apprentissage et du partage des bonnes pratiques, notamment par le biais de la coopération Sud-Sud, Nord-Sud et triangulaire à travers plates-formes telles que South-South Galaxy, l’Exposition mondiale sur le développement Sud-Sud, les forums régionaux sur le développement durable et d’autres plates-formes de partage des connaissances soutenues par les différentes entités du système des Nations Unies. À cet égard, l’AGNU se félicite de l’organisation de la onzième Exposition mondiale sur le développement Sud-Sud à Bangkok du 12 au 14 septembre 2022, sous le thème « Faire progresser la coopération Sud-Sud et triangulaire pour une reprise durable de la COVID-19 : vers une stratégie intelligente et résiliente de l’ avenir”.

 

D’un point de vue institutionnel, l’AGNU attend avec intérêt le troisième Sommet du Sud, qui se tiendra à Kampala du 10 au 12 décembre 2023, ainsi que la réunion ministérielle sur la coopération Sud-Sud, qui se tiendra à Doha en mars 2023,  en marge de la deuxième partie de la cinquième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés.

 

Les aspects financiers ne pouvaient être ignorés et l’Assemblée générale des Nations Unies prend note des recommandations du Secrétaire général, y compris sur  l’augmentation des contributions au fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud et à d’autres mécanismes de financement pertinents pour permettre au système de développement des Nations Unies de faire avancer les pays du Sud  avec des initiatives de coopération Sud et triangulaire portées par les pays en développement, avec des ressources suffisantes.

 

Dans le même temps, l’AGNU encourage les entités des Nations Unies à aider les pays en développement à intégrer les perspectives de coopération pour le développement, y compris, en particulier, les perspectives de coopération Sud-Sud et triangulaire, dans la préparation et la présentation des rapports d’examen nationaux volontaires sur le développement durable.

 

De manière plutôt descriptive, l’AGNU note que, dans le contexte des réformes plus larges du système de développement des Nations Unies, la stratégie à l’échelle du système des Nations Unies sur la coopération Sud-Sud et triangulaire a le potentiel de renforcer le rôle et l’impact de la coopération Sud-Sud et la coopération triangulaire en galvanisant l’expertise des organisations des Nations Unies pour soutenir la coopération Sud-Sud et triangulaire, et à cet égard appelle le système de développement des Nations Unies, y compris les entités des Nations Unies, à continuer d’intégrer la coopération Sud-Sud et triangulaire dans la coopération des Nations Unies pour le développement durable, au niveau des pays, le cas échéant, comme moyen d’accélérer la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

 

Sur une note positive, l’AGNU salue les efforts des différentes entités du système des Nations Unies et des commissions régionales pour promouvoir la coopération Sud-Sud et triangulaire, prend note avec satisfaction du travail accompli par le Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud, par le biais de mécanismes inclusifs, en particulier les initiatives de coopération Sud-Sud mises en place par les pays en développement, et  invite à travailler en collaboration avec les organisations du système des Nations Unies et les commissions régionales pour intégrer la coopération Sud-Sud et triangulaire.

 

Quant à l’avenir, l’Assemblée générale des Nations Unies se félicite de l’élaboration d’un cadre conceptuel initial pour la mesure de la coopération Sud-Sud, qui marque une avancée dans sa mesure, ainsi que du rôle de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement dans l’entreprise des travaux sur ce cadre, y compris sur le renforcement des capacités, par les pays du Sud et s’appuyant sur des mécanismes dirigés par les pays, et reconnaît l’importance d’explorer les options possibles pour mesurer la coopération triangulaire.

 

Que faut-il faire d’autre ?

 

À cet égard, l’Assemblée générale des Nations Unies reconnaît la nécessité d’intensifier et de renforcer la coopération Sud-Sud et triangulaire, notamment pour l’utilisation, le renforcement des capacités et le transfert des technologies numériques, à des conditions mutuellement convenues, afin de combler la fracture numérique. Davantage de contributions sont attendues dans la promotion de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles dans le développement durable, ainsi que dans la réalisation de l’objectif primordial d’éradication de la pauvreté sous toutes ses formes et dimensions.

 

Enfin, l’AGNU réaffirme l’engagement au cœur même de l’Agenda 2030 de ne laisser personne de côté et de s’engager à prendre des mesures plus concrètes pour soutenir les personnes en situation de vulnérabilité et les pays les plus vulnérables et atteindre en priorité les plus éloignés.

 

Pour des raisons de procédure, l’AGNU a décidé d’inscrire à l’ordre du jour provisoire de sa 78ème session, qui s’ouvrira en septembre 2023, sous le point intitulé « Activités opérationnelles pour le développement », le sous-point intitulé « Coopération Sud-Sud pour le développement », et a demandé au Secrétaire général des Nations Unies de soumettre à cette session un rapport complet sur l’état de la coopération Sud-Sud.

 

Conclusion

 

Compte tenu des défis cruciaux auxquels est actuellement confrontée la coopération Sud-Sud, le contenu de la résolution A/RES/77/185 semble assez modeste et ses dispositions insuffisamment précises sur le fond. Une explication possible peut être le souci de ses auteurs de soumettre un texte consensuel acceptable par tous les groupes d’États.

 

Cet objectif étant atteint, l’accent doit désormais être mis sur la pleine application de la résolution aux niveaux régional et mondial. On peut espérer que la réunion ministérielle sur la coopération Sud-Sud, qui se tiendra à Doha en mars 2023, en marge de la deuxième partie de la cinquième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés, apportera des éclaircissements supplémentaires sur la question , ainsi que des éléments de fond plus spécifiques permettant de nouveaux progrès visibles dans la promotion de la coopération Sud-Sud.

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