Une nouvelle chronique sur les mythes d’Asie du Sud-est tirée des archives de notre mensuel Gavroche.
Depuis quelques années, une lecture nouvelle de la mythologie, perçue comme mémoire de la vie fœtale, permet d’expliciter les mythes. Lotus, liane, pont de rotin, lien, bambou, pilon, pilon qui touche le ciel, pilier de feu, arc, grain de riz gros comme une courge, serpent et autre naga, qui abondent dans les mythes d’Asie du Sud-Est, représentent ainsi inconsciemment la mémoire fœtale du cordon ombilical.
Aussi quand nous lisons « Les populations thaïes de la Chine méridionale connaissent un mythe du Ciel retenu par un lien qu’un héros coupe pour permettre au Ciel de s’élever »« Pourquoi les ours ont la queue courte » (1), il ne s’agit rien d’autre que de la disparition à la naissance du cordon, ce « lien coupé » par « un héros », l’enfant nouveau-né, que de sa mémoire de la naissance.
Le Nithaan chaawbaan khlong thaï est un recueil de contes en six volumes, en langue thaïe. Le linguiste Maurice Coyaud, spécialiste de l’Asie du Sud-Est, a traduit en français certains de ces contes. L’un d’eux s’intitule, Pourquoi les ours ont la queue courte. « Jadis, les ours vivaient dans les forêts en tant que seigneur des quadrupèdes. L’ours jouissait alors d’une fort longue queue, qui traînait élégamment derrière lui, ondulant majestueusement. Mais l’oiseau kok était, lui, le chef de tous les animaux. Il pouvait voler sans fatigue, très loin. Une rivalité existait entre le chef des ours et kok. Il décidèrent de faire une compétition. Celui qui chanterait le plus fort serait le vainqueur… Vient le tour de l’oiseau kok.
Il dit au chef ours :
– Attention ! Attache bien ta belle queue au tronc de cet arbre !
L’ours s’en moque, ricane et ne croit pas kok. Le kok bat des ailes. Cela produit un tourbillon, une fantastique bourrasque infernale. Les arbres ploient, s’inclinent. L’ours ébahit essaye de s’accrocher aux branches.
Le kok dit :
Je ne fais rien que battre des ailes, et te voilà mort de peur. Attend un peu que je chante !
L’ours, alors, enfin prudent, attache sa queue avec des cordes à une branche afin de ne pas tomber de l’arbre. Kok se met à chanter. On croirait le tonnerre tonnant. L’ours chef est épouvanté par l’écho qui résonne comme la foudre. Il tombe de l’arbre, et c’est alors que sa queue se casse.
Voilà pourquoi de nos jours, les ours n’ont plus qu’un moignon de queue. L’ensemble des animaux, unanimes, décident que le kok est vraiment le seigneurs des forêts, ils le félicitent. C’est bien à cause de sa voix du tonnerre ! » (2)
Nous comprenons désormais qu’après la naissance, ce « tourbillon », cette « lien fantastique bourrasque infernale », l’enfant « ours tombé de l’arbre », il est éjecté du monde placentaire ; « alors que sa queue se casse », son cordon est coupé.
L’oiseau kok figure sans doute l’enfant qui crie à la naissance. Au cordon « queue de l’ours » succède à la naissance, la respiration « chant de l’oiseau kok ».
Le mythe retrace avec fidélité et poésie la vie foetale, ici la naissance de l’enfant.
François Dor
Juridique de formation, François Dor a consacré plus de vingt année à la rédaction d’un livre sur cette découverte fondamentale des mythologies, mémoires de la vie fœtale.
(1) M. Kaltenmark, La Naissance du Monde en Chine, édition du Seuil, 1959, page 462. Maxime Kaltenmark est un sinologue français du 20ème siècle.
(2) Selon M. Coyaud, Aux origines du monde, Contes et légendes de Thaïlande, Flies France, 2009, pages 83 et 84
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