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ASIE DU SUD-EST – GÉOPOLITIQUE: A l’épreuve du Covid-19, l’ASEAN cherche toujours sa voie

Journaliste : Yves Carmona
La source : Gavroche
Date de publication : 15/10/2020
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Le moment géopolitique de l’épidémie de Covid-19 affecte toutes les régions du monde, et peut bouleverser bien des rapports de force entre puissances. Rien de tel, pour analyser cette donne en Asie du sud-est, qu’un ancien diplomate chevronné, fin connaisseur de la réalité asiatique. Ancien Ambassadeur de France au Laos et au Népal, Yves Carmona est l’un des chroniqueurs de Gavroche sur ces questions. Son «autopsie» de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est mérite une lecture attentive.

 

Une analyse de Yves Carmona, ancien Ambassadeur de France au Laos et au Népal

 

Comme le sait le lecteur, l’ASEAN a été créée en 1967 à l’initiative des États-Unis pour contenir les pays dits communistes, l’URSS et la Chine. On connaît la suite de l’histoire…

 

Dans les années 90, le communisme ayant triomphé dans l’ex-Indochine, l’ASEAN s’est trouvé une nouvelle raison d’être : exister face aux grandes puissances.

 

Dans un contexte de libéralisation économique et pour préserver l’indépendance d’États qui s’étaient émancipés de la tutelle coloniale de la France ou de la Grande-Bretagne – Vietnam, Laos, Birmanie et Cambodge, – l’ASEAN absorbe les anciens ennemis d’hier.

 

Mais a-t-elle su créer un espace intégré facilitant le commerce entre ses membres ? A-t-elle, au-delà du commerce, permis la promotion de valeurs communes entre ses 10 membres et prônées par sa Charte ? Entre ses 10 gouvernements et les peuples qui la constituent ?

 

Au-delà même de l’Asie du Sud-Est, l’Asie dans son ensemble a-t-elle trouvé une unité dans les différents formats qui cherchent à en faire la preuve au reste du monde ?

 

Rien ne va de soi

 

La récente crise du COVID-19, les disparitions qui émaillent tristement la vie politique de ses membres jusqu’à ces derniers jours ont montré que rien n’allait de soi en la matière.

 

Quelques anecdotes vécues par l’auteur de ces lignes et remises en lumière par des événements récents montrent qu’il n’est pas plus facile à l’Asie qu’à l’Europe de faire preuve de cohérence.

 

Ainsi pouvait-on voir la Thaïlande et le Cambodge se faire la guerre, en plein sommet de l’ASEAN à Singapour, en 2008, autour du temple bouddhiste de Preah Vihar. A quoi l’ASEAN a-t-elle servi ? Les optimistes diront qu’au moins les belligérants étaient assis à la même table.

 

En 2020, nombreux sont les pays où l’on a prétendu – avec la complicité intellectuelle de savants Occidentaux – avoir vaincu le virus en expulsant des malades par milliers par-delà les frontières. Ainsi de travailleurs laotiens en Thaïlande, népalais en Inde et sans doute d’autres. L’essentiel est que ça ne se voie pas.

 

Faut-il s’étonner que les partisans de la manière forte tels que le régime vietnamien ou le Président philippin, sans oublier les militaires qui continuent de faire la loi en Birmanie, aient préféré faire bonne figure face aux touristes, aux investisseurs et aux compagnies aériennes dont ils ont fait dépendre leurs économies plutôt que de traiter leurs étrangers conformément aux droits humains ?

 

Mus par la facilité

 

Certes, mus par la facilité, l’Union européenne et les chancelleries bilatérales à sa suite ont voulu voir en l’organisation un partenaire de l’Union, elle-même ébranlée ces dernières années par le Brexit et le COVID.

 

La réalité, c’est qu’il est bien difficile de faire travailler ensemble sur quelque sujet un peu délicat des pays aussi dissemblables que l’Indonésie et le Brunei, avec un secrétariat squelettique à Jakarta et surtout une règle d’unanimité paralysante.

 

Le petit mais solide Singapour n’a cessé de clamer que la solidarité entre pays d’Asie du Sud-Est était indispensable pour contrebalancer l’influence des grandes puissances de la région.

 

Ce n’était déjà pas facile dans les 20 premières années de ce millénaire mais la prospérité économique a permis à chaque pays de tirer son épingle du jeu. La pauvreté a reculé, la classe moyenne est devenue plus nombreuse, les riches encore plus riches.

 

On a vu ainsi la JICA japonaise déverser des sommes considérables, à la fois pour faire oublier la « sphère de co-prospérité » naufragée avec l’archipel en 1945, mais aussi pour faciliter le travail de ses entreprises, de plus en plus investies en Asie du Sud-Est à mesure que la défiance s’accentuait à l’égard de la Chine (« China plus one »).

 

Entre le Japon et la Chine…

 

Mais le Japon n’a pu empêcher la Chine de Xi Jin Ping d’avancer tranquillement son projet de « nouvelles routes de la soie » dans les pays qui ont avec elle une frontière en commun. C’est le cas de tous les pays d’Asie du Sud-Est. La « diplomatie du masque » en est l’illustration la plus récente. Les chiffres le disent : la Chine est maintenant le premier partenaire commercial (530 Mds $ en 2018) et le premier investisseur en Asie du Sud-Est.

 

Les États-Unis de M. Trump ne veulent plus jouer leur rôle traditionnel de protecteur armé de l’Asie équilibrant la volonté de puissance soviétique puis chinoise. Après une Présidence Obama qui proclamait sa volonté de « pivoter» vers le Pacifique, sans en avoir tous les moyens car il aurait fallu se dégager du bourbier moyen-oriental, le Président actuel souhaite se replier sur le Middle West où se trouvent la majorité de ses électeurs…

 

Alors, les pays asiatiques et en particulier ceux d’Asie du Sud-Est vont-ils trouver un modèle économique qui fasse de leur développement plutôt que d’une dépendance croissante de la Chine l’objectif de leur sortie de crise ?

 

Des points forts indéniables

 

Ils ont pour cela des points forts indéniables : une position géographique centrale, une agriculture encore capable de produire sans chimie, une forêt qui reste un poumon pour toute la planète et surtout une population jeune, de mieux en mieux éduquée, qui sait innover mais aussi s’adapter aux difficultés.

 

Leurs difficultés sont également identifiées : une pollution croissante, un développement industriel, touristique et aéronautique souvent débridé, des autorité publiques corrompues.

 

L’Union européenne saura-t-elle accompagner ce nouveau développement plutôt que de crier haro sur les deux Grands ?

 

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