Rien de tel que de demander à un girondin d’adoption de se pencher sur le cas de la relation passionnée entre les vins de Bordeaux et l’Asie. Yves Carmona, ancien ambassadeur au Laos, est un expert de l’Asie. Il vit aujourd’hui à Bordeaux et garde sur l’extrème Orient un œil passionné. Après Vinexpo 2019 qui s’est déroulé à Bordeaux du 13 au 20 mai 2019, il nous livre son analyse.
Par Yves Carmona
Deux ans après sa précédente édition, anoblie par le cadre splendide du palais de la Bourse au milieu d’une ville qui a cessé d’apparaître comme la « belle endormie », Vinexpo Bordeaux résiste bien, mais est en danger d’érosion : 1600 exposants issus de 29 pays, contre 2300 en 2017.
Parmi eux, les visiteurs asiatiques sont les plus nombreux : en ordre décroissant Chinois y compris Hong Kong, Vietnamiens et Japonais.
Certains négociants propriétaires en profitent pour inviter leurs clients asiatiques fortunés dans leurs châteaux ; le marché du vin s’accompagne ainsi d’une promotion – dégustation, que d’autres localisations ne sauraient offrir.
Mais les turbulences sur les marchés de consommation ainsi que les aléas climatiques (thème central de cette édition de Vinexpo) ont déstabilisé le négoce.
Convulsions chinoises
Ainsi, en Chine, le cours du tonneau est passé en à peine un an de 600 € le tonneau à 1100 pour revenir à 800.
Or la production peine à s’adapter à cette réalité, quand le coût de revient en Médoc est structurellement supérieur à celui de l’Entre deux mers et les vins du Languedoc, jadis dédaignés par les connaisseurs, enregistrent une forte progression avec des vins de milieu de gamme et de prix modérés, calibrés pour les nouveaux consommateurs d’Asie-Pacifique encore intimidés par les vins plus complexes des grands crus bordelais.
C’est l’éducation du consommateur qui est en cause.
Dans des pays comme le Japon et la Chine, surtout d’outre-mer, les consommateurs de vin sont souvent parmi les meilleurs connaisseurs.
Mais les nouveaux clients, en Australie, Indonésie, Malaisie, Thaïlande ont encore beaucoup à apprendre pour apprécier la complexité des Bordeaux alors que les vins du Sud (Chili, Argentine) se laissent appréhender facilement et disposent en Chine d’un avantage tarifaire sur les produits européens.
Les vestiges des colonies
Qu’en est-il des pays qui ont fait partie de l’Empire colonial français ? On y trouve certes quelques vraies caves, conformes à la tradition, et des amateurs, mais seul le Viêtnam, de par sa taille, rivalise avec les marchés déjà cités ; le Cambodge et le Laos restent des marchés de niche, de même que les Philippines où le vin reste réservé aux classes les plus fortunées.
Une mention spéciale pour l’Inde. La croissance rapide d’une bourgeoisie ne reculant pas devant l’ostentation ouvre des perspectives, mais la tarification douanière reste meurtrière, aggravée par un négoce local qui s’accommode de prix élevés réservant la consommation de vin aux plus fortunés. Le « retour des Indes », qui fit la gloire des vins Cos d’Estournel dont le château, en Médoc, est orné de fresques indianisantes, n’est pas près de supplanter dans le marketing les vins meilleur marché du « Nouveau Monde ».
Enfin, des facteurs de rebond existent : la demande croissante de rosés et de pétillants, à laquelle les producteurs sont déjà prêts à répondre ; et le dynamisme du milieu professionnel bordelais, dont témoignait le succès du symposium « act for change » à Vinexpo Bordeaux (650 participants) qui sera reconduit pour la prochaine édition en 2021.
Bibliographie
Changement climatique et vin ici et ici
Quelques encyclopédies de la vigne et du vin ici
Encyclopédies axées sur la présentation des terroirs viticoles ici, ici et ici
Des livres pour connaître les vignobles bordelais ici, ici, ici et ici