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ASIE – EUROPE: Contre le Covid 19, une stratégie efficace est indispensable

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 03/05/2020
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Sam Rainsy, leader de l’opposition cambodgienne en exil, basé à Paris, suit de très prés le combat mené par les gouvernements asiatiques européens et asiatiques contre le Covid 19. Son avis sur la France est sévère. Le pays, pour lui, suit à tort une stratégie de «la terre brûlée». A lire pour alimenter le débat !

 

Une analyse de Sam Rainsy sur la crise du Covid 19

 

Dans sa première allocution à la nation sur la pandémie du COVID-19 le 16 mars dernier le président Emmanuel Macron a déclaré que la France était”en guerre”. Mais contre l’”ennemi invisible” qu’est le coronavirus il n’a pas précisé les fondements de la stratégie qui s’imposait.

 

Stratégie de la terre brûlée

 

Contre ce virus nous ne pouvons monter aucune défense préventive (pas de vaccin) et nous n’avons aucun moyen pour lancer une quelconque attaque ou contre-attaque (pas de traitement). Il ne nous reste qu’à nous cacher (confinement) pour essayer de nous mettre hors de la portée de l’ennemi. Mais nous avons un service de renseignement, comme dans une vraie guerre, pour détecter la présence et les mouvements de l’ennemi (tests médicaux). Ce renseignement est essentiel pour nous aider à appliquer la seule stratégie qui soit à notre portée: la politique de la terre brûlée pour endiguer, dérouter et anéantir l’ennemi sans combat frontal. Il nous faut éviter tout contact avec l’ennemi sachant que le virus a besoin de parasiter des cellules humaines pour continuer sa marche, se reproduire et survivre dans le temps. Cette stratégie de la terre brûlée pour arrêter le virus se manifeste clairement par le port du masque, les gestes barrières, la distanciation sociale (ou virale), l’isolement des personnes contaminées ou suspectes, et le confinement de toute la population.

 

Importance des tests

 

Dans cette stratégie très particulière contre le coronavirus, les tests permettant le repérage de l’ennemi jouent un rôle essentiel car ils aident à appliquer le confinement au bon endroit, au bon moment et de la bonne manière pour circonscrire et stopper le virus le plus efficacement possible, tout en réduisant au maximum le coût économique et social du confinement.

 

Le directeur général de l’OMS a insisté au début de la pandémie qu’il fallait avant tout”tester, tester, tester” et que, autrement, ce serait comme si nous combattions “un incendie les yeux bandés.”La logique de l’opération consiste en fait à tester pour identifier le virus et à isoler les personnes qui le portent afin d’empêcher la propagation de la maladie. Dans la pratique, le champ du testing doit couvrir en premier lieu les malades symptomatiques et toutes les personnes qui auraient été en contact avec eux. Cette extension du champ du testing tient compte de la facilité et de la rapidité de transmission du virus. Pour cela on fait appel à des opérations de traçage utilisant les technologies modernes de communication et de surveillance. La stratégie complète est en fait”tester, tracer, isoler”.

 

Le temps est un facteur capital dans cette stratégie de repérage du virus (test), de détermination du champ de contamination possible (traçage) et d’isolement des personnes concernées (quarantaine). Il fallait appliquer cette stratégie dès le tout début de la pandémie, c’est-à-dire commencer à tester massivement et immédiatement dès les premiers cas signalés. Un retard de quelques jours peut signifier la mort de milliers de personnes comme le montrent les comparaisons de bilans sanitaires entre les pays qui ont réagi rapidement (Corée du Sud, Taïwan, Allemagne) et ceux qui ont tardé à le faire (France, Royaume Uni, États-Unis). Autre prix à payer d’une réaction tardive: c’est le retard d’hier qui oblige à imposer aujourd’hui un confinement des populations plus large, plus strict et plus long pour éviter une deuxième vague de l’épidémie après le passage d’un premier pic. C’est comme dans un incendie: parce qu’on a laissé le feu s’étendre à ses débuts, on a plus de mal à l’éteindre maintenant.

 

L’avenir reste sombre et incertain car, faute de pouvoir tester toute la population, il faut concentrer le dépistage sur les malades symptomatiques, ce qui laisse de côté les personnes ayant eu un contact avec le virus mais ne présentant pas de symptômes notables. Or ces malades asymptomatiques ou paucisymptomatiques (peu de symptômes) représentent la majorité des cas d’infection et peuvent être très contagieux.

 

Cette difficulté à déterminer le champ de contagion se trouve renforcée ou compliquée par notre ignorance des modes de contagion possibles, notamment par l’air ambiant. Pour arrêter la pandémie il serait utile d’identifier les personnes qui ont été en contact avec le virus sans avoir contracté la maladie contre laquelle elles seraient devenues immunisées.

 

Quels tests utiliser?

 

Le test le plus massivement utilisé jusqu’à maintenant est un test virologique PCR (réaction de polymérisation en chaîne)destiné à détecter la présence du coronavirus au moyen de prélèvements naso-pharyngés.

 

Un autre type de test devra voir son utilisation monter en puissance: il s’agit des tests sérologiques destinés à détecter la présence d’anticorps dans le sang des personnes ayant eu un contact avec le coronavirus et qui sont censées être immunisées contre le COVID-19 grâce à ces anticorps.

 

Ces tests sérologiques sont complémentaires des tests virologiques car ils donnent des renseignements exclusifs permettant de développer d’autres approches pour lutter contre la pandémie du COVID-19:

 

– Déterminer à travers un échantillon représentatif le degré de prévalence du coronavirus dans une population donnée, ce qui permettrait de mieux préparer et moduler le déconfinement comme la France s’apprête à le faire à partir du 11 mai.

 

– Suivre l‘évolution d’une population vers une immunité collective qui sera atteinte lorsque 60 à 70% de cette population aura développé des anticorps pouvant la protéger du COVID-19.

 

– Sur le plan individuel, si le test virologique permet d’identifier les malades pour protéger le reste de la société, le test sérologique permet d’identifier les non-malades et les immunisés pour réorganiser la société et faire redémarrer l’économie. J’ai déjà souligné la différence d’approche entre ces deux types de tests dans mon article”Comment éviter la paralysie de l’économie face à la pandémie du COVID-19″ paru le 27 mars dans The Geopolitics.

 

Exemples concrets d’application du test sérologique

 

Le test sérologique a été appliqué dans trois cas concrets qui pourraient devenir exemplaires:

 

– A un niveau national: le Chili a émis des certificats immunitaires attestant que leurs porteurs peuvent retourner travailler au service de leur pays sans risquer de contaminer leurs concitoyens.

 

– Au niveau d’une grande entreprise: le groupe français VEOLIA a fait tester ses 50.000 employés pour évaluer leur immunité et mieux garantir leur sécurité sanitaire lors de la reprise du travail.

 

– Au niveau d’une compagnie aérienne internationale: la compagnie Emirates fait tester ses passagers pour vérifier leur immunité et leur non-contagiosité juste avant l’embarquement.

 

Le potentiel d’utilisation du test sérologique est immense car il est à l’origine du concept du passeport ou certificat immunitaire qui permettrait de déconfiner sur des bases sûres et rationnelles des régions et villes entières en identifiant les personnes immunisées pouvant reprendre leurs activités antérieures à la crise sans mettre personne en danger, comme l’a suggéré la Maire de Paris Anne Hidalgo.

 

Levée prévisible des réserves émises contre l’usage individuel du test sérologique

 

Ces réserves sont au nombre de deux: elles concernent d’une part, la précision et la fiabilité de ce type de test pour détecter les anticorps à la suite d’une infection par le coronavirus, et d’autre part, l’incertitude sur la durée pendant laquelle ces anticorps peuvent protéger d’une nouvelle infection par le coronavirus.

 

Sur le premier point, comme dans beaucoup d’autres domaines, les progrès avancent à grands pas pour ce qui concerne la sensibilité (pas de “faux négatifs”) et la spécificité (“pas de faux positifs” dans les résultats) des tests sérologiques. Dans un proche avenir — si ce n’est pas déjà le cas — les résultats de ces tests présenteront des marges d’erreur voisines de zéro.

 

Sur le deuxième point, l’OMS a fait une mise en garde selon laquelle l’on n’est pas certain que les anticorps présents à un moment donné pourraient protéger d’une nouvelle infection par le même virus à l’avenir. Cet avertissement de l’OMS a ouvert un débat sur la possibilité pour une même personne de contracter plusieurs fois la même maladie virale en un laps de temps relativement court. Une telle hypothèse sur l’absence d’immunisation conduirait à des conclusions aussi bien irrationnelles (“très difficile à concevoir” selon Marc Gozlan du Monde) que catastrophiques (pandémie sans fin et impossibilité de produire un vaccin). L’OMS a basé son avertissement sur quelques cas observés en Chine et en Corée. Il y a eu peut-être pour ces cas-là un problème de précision et de fiabilité des tests utilisés avant et après la maladie (sensibilité et/ou spécificité insuffisantes). Mais les pays d’Europe qui ont déjà observé des dizaines sinon des centaines de milliers de personnes guéries du COVID-19, commencent aussi à avoir un peu de recul pour étudier l’existence et la durée de l’immunité chez ces anciens malades, et cela à un moment où la précision et la fiabilité des tests se sont beaucoup améliorées.

 

Conclusion

 

Même s’il subsiste encore beaucoup d’incertitudes sur l’évolution de la pandémie du COVID-19 et les coûts que celle-ci engendrera pour l’humanité, on peut continuer à penser qu’en l’absence d’un vaccin, les tests médicaux continueront à occuper une place fondamentale dans la stratégie de la terre brûlée que les états ont mise en place pour contrer le coronavirus.

 

Alors que ce sont surtout les tests virologiques qui ont été utilisés jusqu’à ce jour, il y aura — après quelques éclaircissements attendus — une montée en puissance des tests sérologiques dans un avenir prévisible. Dans cette perspective, il faudra, pour certains pays, tirer les leçons du passé pour éviter de commettre la même erreur d’impréparation pour ces tests sérologiques dont l’importance est cruciale pour sortir définitivement du confinement et relancer l’économie mondiale.

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