La formule en vogue est celle d’un futur ordre mondial contrôlé par deux éléphants: les États-Unis et la Chine. En géopolitique, ce duo a un surnom: le G2. Impossible d’y échapper pour l’Europe et pour les pays émergents d’Asie du sud-est ? Non répond l’ancien ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine. Invité des « Atlantic Dialogues » de Marrakech (Maroc) les 13 et 14 décembre, ce dernier a nuancé l’étreinte diplomatique, militaire et financière de Washington et de Pékin.
L’Asie du sud-est est-elle naturellement dans l’orbite chinoise ? Cela signifie t-il que Pékin contrôle aujourd’hui la destinée du bloc asiatique ? La domination de Pékin et de Washington sur les affaires et les ressources mondiales est elle inéluctable ? A ces questions, l’ancien ministre des affaires étrangères français Hubert Védrine a apporté des réponses nuancées lors de la huitième session des «Atlantic Dialogues» de Marrakech.
En voici la version Verbatim:
Sur l’existence d’un ordre «post-américain»:
«On y est pas encore. Les États-Unis gardent une puissance colossale, à la fois financière et militaire. Il contrôlent l’économie mondiale par une politique de sanctions inacceptables, mais efficaces. L’avènement d’un ordre nouveau, le fameux G2, est une vue de l’esprit. La Chine et les États-Unis domineront, mais ils ne pourront pas obtenir une hégémonie sur le système».
Sur les relations Chine – États-Unis
«Le système G2 entre les États-Unis et la Chine n’est pas un ordre. Les deux pays ne sont pas désireux de parvenir à un compromis sur le plan stratégique. Ils vont connaitre des armistices commerciaux. Mais ils ne vont pas se partager le monde».
Sur le monde actuel:
«Nous sommes installés dans un monde semi chaotique, instable et imprévisible. L’avenir sera marqué par des disputes entre gouvernances différentes pendant assez longtemps. D’un coté une gouvernance régionale et des accords régionaux, comme c’est le cas au niveau de l’UE. De l’autre coté des stratégies respectives pour chaque pays émergent»
Sur les États nations et leur affaiblissement:
«Il y a un désordre mondial qui touche en priorité le système étatique. On regrettera les États nations face à ce nouveau triptyque de pouvoir qui rassemble les entreprises géantes, les organisations issues de la société civile et les mafias. Comment agir dans ce désordre global ? Il n’y a malheureusement pas de solution pour supplanter toutes les autres»