La commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat a adopté le 27 janvier un rapport présenté par MM. Cédric Perrin (LR-Territoire de Belfort) et Rachid Temal (SER-Val d’Oise) sur l’Indopacifique. Ce rapport, intitulé La stratégie française pour l’indopacifique : des ambitions à la réalité formule 6 propositions pour revoir notre stratégie indopacifique en tenant compte de la réalité et en dépassant les incantations. Il s’agit notamment de :
. Opérer une révolution copernicienne sur la représentation que nous avons du monde, en prenant conscience de la position excentrée de l’Europe par rapport à l’indopacifique ;
. Tirer les conséquences de la nouvelle politique de puissance chinoise ;
. Distinguer 4 zones opérationnelles dans cette région immense, et désigner un secrétaire d’Etat dédié pour chacune de ces zones ;
. Doter nos forces armées des moyens indispensables pour qu’elles puissent exercer leurs missions, assurer l’exercice de notre souveraineté et protéger les Français et notre territoire.
Pour le Président Christian Cambon, « il faut absolument que la LPM soit à la hauteur des ambitions affichées par la France dans cette région stratégique. Les enjeux y sont énormes, et les tensions ne cessent d’y croître. Ce rapport propose de regarder la réalité en face, avec pragmatisme».
Outre MM. Cédric Perrin et Rachid Temal, rapporteurs, le groupe de travail de la commission sur l’indopacifique était composé de MM. Hugues Saury (LR-Loiret), Jacques Le Nay (UC-Morbihan), André Gattolin (RDPI-Hauts-de-Seine) et Joël Guerriau (LIRT-Loire-Atlantique)
La situation internationale actuelle tend à redéfinir les stratégies des grands acteurs mondiaux sur les plans stratégiques et économiques. Le “concept” d'”indo-pacifique” en est l’un des supports. Force est de constater que son énoncé évacue explicitement le terme “Asie” (même si la zone géographique l’inclue). L’indo-pacifique serait une Asie revisitée mais qui met en avant le pacifique (on parlait auparavant d'”Asie-Pacifique, mais on évacue Asie) auquel il est ajouté indo (est-ce l’océan indien ou l’Inde ?). La vision américaine qui semble prévaloir vise à contre-balancer la Chine par l’Inde et à construire un espace américain dont le QUAD est l’expression. L’indo-pacifique, dans cette vision, se présente comme un contre-narratif à la “belt-road” et apparait comme un instrument de “containment”.
La France, extérieure aux dispositifs existants (QUAD ET AUKUS), forte des ses territoires dans l’océan indien et pacifique et donc puissance résidente, cherche à faire entendre une vision différente. La réflexion, initialement faite dans le cadre du ministère de la défense, cherche à élaborer une stratégie distincte de Washington en insistant sur les coopérations (multilatérales et bilatérales), la défense des principes du droit international, notamment de la mer. Cette approche, dissidente d’avec la vision américaine, lui vaut le reproche d’être “ambigüe” (et d’épargner la Chine). Par ailleurs les moyens dont elle dispose sont limités : des missions ponctuelles du “Charles de Gaulle” du sous-marin “La Perle” et des capacités de projection peu importantes (même si des coopérations avec le QUAD existent). La France tente bien d’utiliser l’Union européenne comme multiplicateur d’influence dans la zone, mais celle ci est de nature essentiellement économique avec des rivalités internes de pays ayant de fortes relations avec la zone comme l’Allemagne et l’Italie.
Par ailleurs le Royaume-Uni, depuis le BREXIT, a renforcé ses positions dans la zone considérée comme espace traditionnel d’influence ( économique, diplomatique) en disposant, par ailleurs, d’un dispositif institutionnel d’appui, l’AUKUS.
L’ASEAN, étant donnée sa position géographique, revêt une place centrale et l’Indonésie est en train d’acquérir une position de centralité. Cette approche est renforcée par la position sud-coréenne qui définit l’espace Indo-pacifique comme espace de “connectivité” et “inclusif” allant de l’Afrique à l’Amérique Latine. L’ASEAN devient, dans cette vision, centrale, ou plutôt centraliste, une approche revisitée de sa traditionnelle position “neutraliste”, extérieure à toute conflictualité dont serait porteuse la vision américaine), et dont il faut rappeler qu’elle est au cœur des conflits maritimes de la zone. Mais pas uniquement, certains autres risquent de réapparaitre, plus au nord, entre le Japon et la Chine, le Japon et la Russie. Une situation particulièrement mouvante mais stratégique …
Si la position française à l’ambition de proposer une orientation propre, ses moyens sont limités et surtout depuis l’engagement européen et français aligné sur les positions américaines dans de conflit qui oppose la Russie et l’Ukraine.
Étant donné la situation intérieure, notamment budgétaire, de la France, ce “rapport” ne peut pas être pris au sérieux.
Un rapport à qui ? Les représentants de la nation font des “rapports” ? Parce que le peuple doit faire des rapports ?