Alors que les troupes de Vladimir Poutine ont attaqué l’Ukraine, que pense la Chine de cette violation de la souveraineté d’un État avec lequel elle entretient des relations diplomatiques depuis 1992 ? Le point de vue de Philippe Le Corre, Chercheur à Harvard Kennedy School. Dans sa version originale, cette tribune a été publiée dans le quotidien Ouest France dont nous vous recommandons la lecture.
Par Philippe Le Corre
Le 4 février dernier, alors que s’ouvraient les JO d’hiver à Pékin, la Chine et la Russie publiaient un communiqué commun particulièrement éloquent, appelant à une alliance presque sans limite entre les deux régimes. La défiance envers l’Occident, contre l’Otan et la démocratie était tout aussi claire. Beaucoup ont marqué cette date d’une croix, peut-être comme le début d’une « nouvelle guerre froide ». Un mois plus tard, alors que les troupes de Vladimir Poutine ont attaqué l’Ukraine, que pense la Chine de Xi Jinping de cette violation caractérisée de la souveraineté d’un État avec lequel elle entretient des relations diplomatiques depuis 1992 et dont elle est le premier partenaire commercial ?
En 2022, le jeu géopolitique mondial a changé
Rappelons que la Chine – en théorie opposée à toute immixtion dans les affaires intérieures d’un autre État n’avait soutenu la Russie ni pendant la guerre en Géorgie en 2008, ni en 2014 dans l’annexion de la Crimée. Mais en 2022, le jeu géopolitique mondial a changé. Les relations entre l’Occident et les deux puissances autoritaires (qualifiées depuis longtemps de « révisionnistes » à Washington) se sont grandement dégradées alors même que la puissance chinoise s’est renforcée. Arrivé à la Maison Blanche en 2021, Joe Biden n’a pas ménagé ses efforts pour rétablir le dialogue, mais sans grand succès comme on le voit dans le cas ukrainien.
Par la voix de son ministère des affaires étrangères, la Chine a dès janvier « appelé toutes les parties au dialogue » tout en estimant les préoccupations de la Russie « légitimes en matière de sécurité ». Une façon d’apporter son soutien à un Poutine qui, en échange, lui a donné quitus sur sa politique étrangère, et le soutiendra en cas de guerre avec Taïwan. L’île rebelle, justement, fait l’objet de toutes les spéculations.
Aux yeux de la Chine, Taiwan constitue une partie inaliénable de son territoire – elle n’est d’ailleurs reconnue diplomatiquement que par une poignée d’États.
Elle s’autorise toutes les actions (y compris militaires donc) pour la récupérer le moment venu, et nul doute que la réponse occidentale au drame ukrainien est observée de très près par Pékin. Ce dernier prendrait-il le risque de verser du sang chinois, plus de trente ans après le massacre de la place Tiananmen ? Risquerait-il de se retrouver à l’état de paria quand son économie dépend en grande partie de ses interactions commerciales avec le monde occidental ?
Pékin à la rescousse de Moscou ?
Dans le contexte ukrainien la Chine ménage aussi son image, car ses intérêts pourraient être ternis par les sanctions économiques imposées contre la Russie, son proche allié. Certes, il ne paraît pas inconcevable que Pékin vienne à la rescousse de Moscou mais qui peut penser que la Chine se satisfasse du chaos économique qui touchera ses exportations, ses ressortissants et ses infrastructures dont a fait le fer de lance à travers ses « nouvelles routes de la soie » ?
On peut supposer que la direction chinoise, qui nourrit une adversité viscérale vis-à-vis des États-Unis notamment, fera tout pour sortir gagnante de cette nouvelle crise pour mieux montrer sa supériorité idéologique sur les démocraties occidentales. Pour autant, la seule boussole qui lui importe est celle de la politique intérieure et Xi Jinping pourra tenter de modérer son soutien à Vladimir Poutine afin de se parer des habits d’un grand chef d’État. Pour l’heure, son appel à l’apaisement ne trompe personne. Il n’est que la continuité de l’inquiétant communiqué sino-russe du 4 février, juste avant l’ouverture des tristes « festivités » olympiques de Pékin.
“Les préoccupations légitimes de la Russie en matière de sécurité”; Tout est parfaitement clair.
La 2e guerre froide commence beaucoup plus tôt, lorsque le conseiller Zbignew Bresziznki écrit en 1997 que pour assurer l’hégémonie de leur culture et de leurs valeurs, les Etats-Unis doivent dominer l’Ukraine, qui se trouve au centre de ce que l’auteur appelle “l’ile-monde”, avec un calendrier à la clé : avant le printemps 2015. D’où le coup de force de Maidan en 2014 et une tentative de débarquement en Crimée; cette fois, la Russie ayant “anticipe” et mis son artillerie suffisamment en valeur, les militants de l’économie de marché ont facilement retrouvé leur flegme. Mais suivant la règle selon laquelle “il n’est pas nécessaire de réussir pour persévérer”, l’occident persiste à annexer l’Ukraine, qui est, tout de même, un pays oriental, malgré les “recommandations” de la Russie; celle-ci a du se résigner à cette opération de police. Pire qu’une humiliation, Sire, une défaite, dont les conséquences seront aussi lourdes que celles d’une vraie guerre bien chaude.
C’est le président Truman qui a laissé s’installer la Chine communiste parce que la Chine nationaliste était corrompue et qu’il ne voulait pas la guerre ; depuis ce temps, la Chine communiste n’a commis aucune faute et les Etats-Unis les ont commises toutes. C’est pourquoi la Chine communiste est riche et puissante et l’OTAN pauvre et faible.
[…] Que pense la Chine de cette violation de la souveraineté de l’Ukraine avec lequel elle entretient des relations diplomatiques depuis 1992 — À lire sur http://www.gavroche-thailande.com/asie-geopolitique-guerre-en-ukraine-le-jeu-clair-obscur-de-pekin/ […]