Nous citons régulièrement des analyses du site Asia Sentinel, que nous vous recommandons chaudement. La dernière en date, consacrée à la Chine, est signée de Philip Bowring, un spécialiste de la région. Nous en publions des extraits en Français.
Par Philip Bowring
Peu avant l’accolade entre les dirigeants chinois Xi Jinping et russe Vladimir Poutine à Moscou le 20 mars, le ministère chinois des ressources naturelles a exigé qu’à l’avenir, les cartes chinoises des principales localités de l’Extrême-Orient russe, notamment Vladivostok, Khabarovsk et Sakhaline, utilisent des noms chinois, et non des noms russifiés. Ainsi, Vladivostok s’appellera Heishenwai et non Fuladivostake (en utilisant la romanisation du nom précédent de la ville).
En soi, le changement n’est pas remarquable. Il est courant que les pays étrangers utilisent des noms différents de ceux utilisés par la nation elle-même. Par exemple, le nom officiel du Monténégro est Crna Gora. Mais c’est le moment qui compte. L’ordre du ministère a immédiatement rappelé de manière poignante, non seulement aux Russes mais aussi aux participants chinois aux médias sociaux à tendance nationaliste, qu’une grande partie du territoire concerné par le changement de nom faisait autrefois partie de l’empire mandchou. Il a été aliéné par l’un des “traités inégaux” du XIXe siècle, les traités d’Aigun et de Pékin. Vladivostok a été particulièrement remarqué car son acquisition par la Russie a été confirmée par le même traité de 1860 par lequel une grande partie de Hong Kong a été cédée aux Britanniques – mais restituée en 1997.
Selon le célèbre historien britannique Arnold Toynbee, “les nations ont généralement éprouvé des difficultés psychologiques à renoncer à leurs titres sur des territoires perdus, même lorsque la population de ces territoires est étrangère et hostile”. Cette citation s’applique certainement à l’invasion de l’Ukraine par Poutine et à l’attitude des anciens membres des empires tsariste et soviétique de la Russie. Elle rappelle également les efforts désespérés de Moscou pour s’accrocher à certaines parties de son État, les républiques peuplées de minorités ethniques (et principalement musulmanes) telles que la Tchétchénie, où Poutine a lancé sa première guerre, la deuxième guerre de Tchétchénie.
Qu’en est-il des territoires de l’Extrême-Orient russe, dont le Fuladivostake, qui appartenaient autrefois à l’empire mandchou qui a englouti la puissante Chine au XVIIe siècle ? Les terres mandchoues et les conquêtes de la dynastie à l’ouest ont considérablement élargi les frontières de la Chine d’aujourd’hui, malgré les pertes subies par la Russie au XIXe siècle. Cette situation s’associe de manière intrigante à une autre question mise en lumière qui, séparée par des mois et sans contexte, aurait pu être considérée comme se produisant indépendamment l’une de l’autre. Mais le contexte était tel que plus le rejet semi-officiel par Moscou et Pékin d’une synchronisation délibérée était fort, plus il semblait probable que la Chine soulignait son influence sur la Russie même avec laquelle elle était censée s’engager plus étroitement.
Il suffit que Pékin laisse entendre qu’elle revendique toujours la restauration de cette région et de régions bien plus vastes, y compris des parties de l’actuel Kazakhstan, pour que les Russes se sentent sur la défensive…
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Et ce site :
https://asialyst.com/fr/2023/03/24/chine-xi-jinping-moscou-affaires-avant-tout-pas-rupture-occident/