Dans son livre pionnier Quand le Sud réinvente le monde. Essai sur la puissance de la faiblesse (2018), le professeur Bertrand Badie formule entre autres le constat d’actualité suivant : “Le besoin de réinventer la diplomatie en recourant à l’action sociale et aux solutions qu’elle inspire devient l’axe majeur, et pourtant hautement désavantagé, de notre espace mondial contemporain”. Ce constat va devenir tangible tant au niveau régional que mondial à travers les instruments de la diplomatie multilatérale.
Notre ami chroniqueur Ioan Voicu avait remarqué cette évolution significative pour les lecteurs de Gavroche dans un précédent article disponible ici.
Il revient sur ce sujet
Nouveaux développements
Ce qui se passe sur le sujet de la coopération Sud-Sud mérite un examen plus approfondi. Le 14 juin 2023, le Secrétariat de l’ONU a officiellement diffusé un document intitulé Résumé des travaux de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP), 2022-2023. Le document contient 20 pages, dont trois paragraphes sur la coopération Sud-Sud. Les lecteurs apprendront qu’en 2022, la coopération Sud-Sud est restée une modalité clé par laquelle les États membres pourraient faire progresser le développement durable et résoudre les problèmes transfrontaliers tels que la réponse au COVID-19 pandémie, changement climatique et conflits géopolitiques. Le secrétariat de la CESAP a facilité la coordination et la coopération entre les États membres en fournissant des plateformes d’engagement de haut niveau et en intégrant les bonnes pratiques.
Il est fait mention dans ce contexte du quatrième Forum des directeurs généraux pour l’Asie-Pacifique en 2022, sous le thème « Cartographier le soutien multilatéral via la coopération Sud-Sud et triangulaire en Asie et dans le Pacifique : se remettre sur la bonne voie pour réaliser le Programme 2030 ». Lors de cette réunion, les besoins régionaux en matière de coopération Sud-Sud ont été examinés et des idées ont été échangées sur l’amélioration de l’accès à l’appui et aux ressources disponibles en matière de coopération Sud-Sud et triangulaire, y compris l’assistance aux prestataires d’assistance technique nouveaux et émergents.
Enfin, les lecteurs sont informés de la onzième édition de l’Exposition mondiale sur le développement Sud-Sud, un événement mettant en lumière les innovations du Sud pour relever les défis transversaux. Cet événement a été co-organisé par le Gouvernement thaïlandais, la CESAP et le Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud et s’est tenue du 12 au 14 septembre 2022. Elle a réuni plus de 4 000 participants dans le monde, dont plus de 30 entités des Nations Unies, 150 gouvernements, des organisations internationales, la société civile, le secteur privé et universitaire.
Si ce résumé est utile en lui-même, il est loin de mettre en évidence la spécificité du thème de la coopération Sud-Sud dans un espace de 62 membres de la CESAP avec une population totale estimée à 4,1 milliards d’habitants. Il est vrai que le sujet ne couvre qu’en termes généraux la collaboration et l’échange de ressources, de connaissances et de technologies entre les pays de ce qu’on appelle les pays du Sud. Il est également vrai que la coopération Sud-Sud ne reçoit pas une couverture suffisante dans les grands médias qui sont principalement basés dans les pays occidentaux, et leur couverture reflète principalement les perspectives et les intérêts des pays développés.
Aspects institutionnels
Sur le plan institutionnel, il faut rappeler que l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) a adopté par consensus le 14 décembre 2022 une résolution intitulée Coopération Sud-Sud. Cette résolution réaffirme entre autres que la coopération Sud-Sud est un élément important de la coopération internationale pour le développement et ne remplace pas mais complète la coopération Nord-Sud, et salue les contributions de toutes les parties prenantes des relations Sud-Sud et coopération triangulaire, basée sur l’unité, la solidarité et coopération multilatérale renouvelée pour soutenir les pays en développement dans la riposte à la pandémie de COVID-19 et la reprise.
Enfin, outre l’examen de ce point lors de sa 78e session, l’AGNU attend avec impatience le troisième Sommet du Sud, qui se tiendra à Kampala (Ouganda) du 10 au 12 décembre 2023.
Cet événement diplomatique multilatéral à Kampala devrait souligner la nécessité que le libre-échange international et les flux de capitaux sans entrave entre les pays conduisent à une contraction de la fracture Nord-Sud, car des échanges et des flux de capitaux plus équitables donneraient la possibilité aux pays en développement de se développer davantage sur le plan économique.
Il est également évident que certains pays du Sud connaissent un développement plus rapide que d’autres et, par conséquent, sont en mesure de fournir des niveaux plus élevés d’aide Sud-Sud.
Conclusion
Il est bien connu que l’ONU a également établi son rôle dans la réduction de la fracture entre le Nord et le Sud à travers les objectifs du Millénaire pour le développement, qui devaient être atteints en 2015. Ces objectifs visaient à éradiquer l’extrême pauvreté et la faim, à atteindre l’éducation universelle mondiale et les soins de santé, la promotion de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, la réduction de la mortalité Sinfantile, l’amélioration de la santé maternelle, la lutte contre le VIH/Sida, le paludisme et d’autres maladies, la garantie d’un environnement durable et le développement d’un partenariat mondial pour le développement.
La substance de ces objectifs a été réactualisée en 2015 par 17 objectifs de développement durable (ODD). Les ODD sont destinés à être atteints d’ici 2030, dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution des Nations Unies intitulée “L’Agenda 2030”.
De nouveaux efforts diplomatiques pour renforcer la coopération Sud-Sud doivent être concentrés sur une action galvanisante pour donner une véritable tangibilité aux ODD dans les années à venir.
Ioan Voicu