Seconde partie de la chronique de notre nouvelle recrue éditoriale, Jean Charles Diplodas. Réagissez ! Le débat est ouvert !
Assistons-nous à la désoccidentalisation du monde ?
Deuxième volet : XIX°, XX°s. la colonisation, puis l’américanisation.
A la surprise des Occidentaux, l’agression russe de l’Ukraine n’a pas provoqué dans la communauté internationale la condamnation quasi unanime qu’ils attendaient. Elle a, au contraire, révélé un nombre important de pays, sur tous les continents, refusant de les suivre, d’appliquer des sanctions, et d’altérer leurs bonnes relations avec Moscou. C’est le cas, par exemple, de la Thaïlande.
Ces dernières semaines, un pas très important a été franchi dans l’organisation de cette fronde anti-occidentale. Avec l’élargissement, lors du sommet de Johannesburg, du club jusqu’ici très fermé des BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, à 6 nouveaux pays : l’Argentine, l’Égypte, l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, pourtant jusqu’ici des alliés des Américains, plus l’Iran et l’Éthiopie. 35 autres pays, ont manifesté leur intention de rejoindre le groupe, et 22 ont déposé une demande officielle : Algérie, Venezuela, Nigeria, Indonésie… Des pays divers, mais unis dans leur volonté de réformer un ordre mondial, construit et organisé, estiment-ils, au profit des pays riches du “Nord”, et aux dépens de ceux du “Sud”. En clair, dominé par les Occidentaux.
Cette émergence provoque dans les médias européens et américains un questionnement inquiet : assistons-nous à la désoccidentalisation du monde ?
Pour tenter d’apporter un éclairage à cette question, nous avons, dans un premier volet, mis en question le concept d'”occidentalisation” et avons essayé de remonter aux sources de cet indéniable courant de transformations des modes de vie, des rapports humains, et des institutions qui, depuis des siècles, vont, quasi à sens unique, de l’Europe, et plus récemment des États-Unis, vers le reste du monde.
Nous avons constaté que, durant des millénaires, et jusqu’à une période relativement récente, les grands courants historiques avaient porté dans l’autre sens : de l’Orient vers l’Europe. Et qu’ils n’avaient pu commencer à s’inverser, tardivement, à la Renaissance, que grâce à une soudaine domination scientifique et technologique européenne. Début de conquête d’un monde encore inconnu, rendu possible par trois facteurs. La puissance navale. La soif de richesses acquises par prédation. Et une idéologie universaliste : la volonté de christianiser tous les peuples.
Nous avons constaté que la violence de cette européanisation par les armes avait provoqué la disparition de civilisations brillantes, des catastrophes humanitaires quasi génocidaires, parmi les peuples subjugués, et la généralisation de l’esclavage pour les remplacer. Tous facteurs rendant impossible une acculturation volontaire de ces peuples à leurs conquérants. Suscitant au contraire bien des révoltes.
Commencée au XVI° siècle, cette européanisation du “nouveau monde” s’est poursuivie, et étendue, sans changer fondamentalement de nature, jusqu’au tout début du XIX° siècle quand des révolutions diverses provoquent des mutations essentielles : matérielles, sociales, économiques, idéologiques.
Au XIX° industrialisation, colonisation, commerce, salariat.
Avec la révolution industrielle, européanisation change de nature. La motivation matérielle passe, de la prédation des métaux précieux, au commerce. La justification idéologique reste universaliste, mais passe du religieux au politique. Il ne s’agit plus de christianiser les peuples, mais de les “libérer” et de démocratiser le monde. La colonisation et le salariat se substituent à l’esclavage.
Durant les XVII° et XVIII° siècles, en Europe, de profondes transformations se sont produites, qui vont conduire à des révolutions.
Avec les avancées scientifiques dans tous les domaines : Kepler, Newton, Huygens, Descartes, Lavoisier… les croyances religieuses cèdent le pas à la connaissance.
Cette rationalisation entraîne celle des philosophies : Montesquieu, Locke, Spinoza, Hume, Diderot, Kant, Voltaire, Rousseau… Émerge en particulier l’idée de droits humains inaliénables et universels. Cf. Montesquieu : “De l’esclavage des nègres”. Qui peut aller jusqu’à une excessive inversion des valeurs. Avec Rousseau, l’Européen civilisé n’est plus le parangon. Il se serait dénaturé. Et nait le mythe du “bon sauvage”, d’un bonheur primitif perdu, en même temps qu’une exaltation de la nature qui conduira au Romantisme. Lointaine origine de l’écologie et des doctrines de décroissance. Il devient impossible de continuer à considérer les “Naturels” comme des sous-hommes, de les priver de droits, de les réduire en esclavage. La colonisation va devoir reposer sur d’autres paradigmes.
La réflexion philosophique, celle des Lumières, déclenche à son tour une remise en cause politique radicale. A la toute puissance des Rois de droit divin qui règnent selon leur ‘’bon vouloir’’ sur des territoires et des peuples sujets : « l’État, c’est moi ! », s’oppose désormais, avec Hobbes, Locke et Rousseau, l’évidence que tous les hommes sont libres, égaux en droit, et que seul le Peuple est souverain.
La conséquence immédiate est la Révolution américaine, et la naissance de la première démocratie moderne : « tous les hommes sont créés égaux ; ils sont dotés par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. » Bientôt suivie par la Révolution française, sur les mêmes principes. Et donc d’États-nations.
Une dernière mutation va contribuer à modifier les formes de européanisation progressive du monde : la révolution économique. Soudain une évidence s’impose : depuis 250 ans, l’Espagne et le Portugal ont tiré des Amériques la plus grande quantité d’or et d’argent jamais encore accumulée. Or, consommateurs, ils n’ont pas décollé économiquement, et ce sont les nations circonvoisines, productrices, qui se sont enrichies : France, Angleterre, Italie… Adam Smith en tire une révolution copernicienne : ce n’est pas la détention des matières précieuses qui fait la richesse des nations, mais le commerce, la chaîne des valeurs produites par les échanges.
L’européanisation du monde au XIX°, va radicalement différer de ce qu’elle était dans ses débuts. Elle se veut scientifique. Ne prétend plus asservir les peuples, mais leur apporter le “progrès” : hygiène, vaccination, médecine, scolarisation… Ne prétend plus les christianiser, mais les “libérer”, politiquement, des tyrannies diverses qui les oppriment.
A côté de la colonisation de nouveaux territoires et continents : Afrique, Inde, Australie, Nouvelle-Zélande, Indochine, destinée à alimenter le développement industriel des pays d’Europe… La priorité est donnée au commerce : Japon, Chine… A la prédation succède la mise en valeur économique des colonies. Et, puisqu’il n’y a plus d’esclavage, et que les “indigènes” ont des droits, la main-d’œuvre doit être payée. On établit donc, comme dans le mode de production capitaliste, le salariat.
Encore faut-il avoir les moyens matériels, de découvrir, conquérir, coloniser des continents entiers, de s’imposer à des cultures millénaires rétives. C’est la révolution industrielle qui va les fournir. Et cette révolution industrielle se produit principalement en Europe et aux États-Unis. Secondairement au Japon et en Russie. Nulle part ailleurs.
Au XIX° siècle, la révolution industrielle permet la colonisation et ouvre par la force des canonnières les grandes civilisations d’Asie à un commerce inéquitable. Avec les Américains, les Australiens, les Néo-zélandais… on ne parle plus européanisation mais d’occidentalisation. Celle-ci reste essentiellement une domination violente sur des peuples qui résistent à la force, et à une acculturation, étrangères.
Cette “modernisation”, cette “libération”, cette “civilisation” que les Occidentaux se targuent d’apporter pour justifier leur expansion coloniale, aucun peuple ne l’a réclamée. Et fort peu l’ont acceptée sans résister farouchement. Aux Amériques, du Nord et du Sud, en Afrique, du Nord et du Sud, aux Indes, au Tonkin, en Chine… les peuples résistent aux envahisseurs. Et il faut les écraser par la violence des armes, pour leur imposer une conquête coloniale, ou une ouverture forcée au commerce. Une fois encore, ce sont les canons et les canonnières qui permettent aux Occidentaux de dominer des peuples courageux qui n’acceptent ni leur domination militaire, ni leur assimilation culturelle. Révolte des Pueblos, Little big horn, révolte des Boxers, guerres des Aurès ou du Rif… en portent témoignage.
Pas d’occidentalisation culturelle :
Si les colons et les missionnaires vivent à l’occidentale, dans des enclaves ou des villes occidentalisées, les Amérindiens, les Africains, les Arabes, les Chinois… sauf une toute petite élite dont le colonisateur a besoin pour assurer l’interface avec les ‘’indigènes’’, ceux-ci continuent de vivre selon leurs coutumes, de pratiquer leur langue… Ils continuent de manger comme ils l’ont toujours fait, de s’habiller comme ils l’ont toujours fait… On craint ces étrangers brutaux, qui ne s’intègrent pas à la culture locale. Garder son identité culturelle constitue même un moyen de se défendre. Il n’y a pas vraiment d’occidentalisation des peuples du monde. Mais des cultures qui vivent l’une à côté des autres.
“L’occidentalisation” du Japon. L’empire du soleil levant, depuis l’arrivée des premiers longs-nez, en 1543, a résisté farouchement à toute tentative de colonisation ou d’évangélisation, même simplement commerciale. Ainsi, par exemple, alors que les armes à feu avaient été introduites par des portugais, et s’étaient répandues dans l’archipel au XVI° siècle, dès la période Senkoku, vers 1631, Tokugawa et ses successeurs proscrivent toutes les armes à feu, symboles d’occidentalisation, au profit du sabre des Samouraïs. Durant les siècles suivants, le pays du Soleil levant s’impose une complète fermeture à tout ce qui est étranger. Au point qu’il faudra les canonnières américaines du Commodore Perry, en 1853, pour contraindre un Japon rebelle à commercer avec les Occidentaux. Inutile de parler de l’habillement, des religions, de l’habitat, de la nourriture, de la langue, de l’art, de l’érotisme… qui restent totalement japonais.
Mais, en 1868, survient la révolution Meiji. C’est la fin des Samouraïs, du shogounat, et tout se transforme. On va chercher des conseillers américains, français, britanniques, allemands… Cf. le film « le dernier des Samouraïs », d’Edward Zwick. L’armée se germanise, la marine se constitue sur le modèle britannique, le pays se militarise, les villes se modernisent, voitures et chemins de fer apparaissent… Plus important : les institutions s’occidentalisent. L’empereur, jusqu’ici sans pouvoir, incarne désormais une fonction monarchique, mais des assemblées élues détiennent les pouvoirs législatifs. Une justice civile et même une presse indépendante voient le jour. Peut-être la première occidentalisation volontaire, exempte de colonisation étrangère. Paradoxalement, le Japon devient à la fois le pays le plus occidentalisé, en surface et, encore aujourd’hui, celui qui, sous bien des aspects, l’est le moins, en profondeur. Difficile de parler d’une acculturation, plutôt une modernisation. Les Japonais ne sont toujours pas des Occidentaux.
La Russie, elle, évangélisée dès le XV° siècle, commence à s’ouvrir de force à l’Europe, sous le knout volontariste de Pierre le Grand, au XVII°. Et ne cessera d’évoluer ensuite entre désir européanisation, condition de sa modernisation, et volte-faces identitaires traditionalistes slaves, voire orientales, soudaines et brutales, pour garder son identité. En partie industrialisée – les emprunts russes – elle reste impérialiste et colonisatrice tout au long du XIX° sur le modèle européen.
A l’aube de la deuxième guerre mondiale, ni les peuples d’Amérique centrale et du Sud, ni ceux d’Afrique, ou d’Asie, à l’exception très spécifique du Japon, ni ceux d’Islam, ou d’Asie centrale, ni ceux du Pacifique, ou d’Inde, ne sont “occidentalisés”, exception faite d’une toute petite élite “indigène”, indispensable au colonisateur.
LE XX° Siècle et l’américanisation
Jusqu’en 1917, les Américains, sur leur continent-ile, protégés par deux océans, se sont essentiellement appliqués, conformément à la doctrine de Monroe, à la conquête pionnière de l’Ouest, et à contrôler, sans occupation coloniale, l’Amérique latine et leur environnement immédiat, Cuba. Au prix d’opérations militaires très limitées : la guerre du Mexique, 1846-48, et la guerre Hispano-américaine de 1898 pour “libérer” Cuba de la colonisation espagnole. Ce conflit leur permettant d’exercer une façon de protectorat sur les Philippines. Autant ils ont cherché à développer, par la force s’il le fallait, leur commerce avec l’Orient, autant ils se sont abstenus de s’impliquer dans les conquêtes et les conflits dans le reste du monde. Un isolationnisme en partie justifié par une terrible guerre civile : 800 000 victimes, et la priorité de découvrir et de peupler leur propre territoire, grâce à l’immigration européenne ; et chinoise, à l’Ouest.
Mais, plus profondément, un isolationnisme motivé par un profond sentiment d’exceptionnalité. Une nation fondée par des sectes religieuses persécutées, convaincues que ce “nouveau monde” leur a été offert par une puissance divine, pour y construire “la nouvelle Jérusalem”, Sion. Une nation empreinte de religiosité, dans laquelle Dieu est invoqué dans tous les actes de la vie sociale et politique et dont l’œil omniscient veille même sur le Dollar. Une culture dominée par une vision binaire et manichéenne du monde : la lutte du Bien, contre le Mal. Un monde divisé en “good guys” et “bad guys”. Exceptionnalisme conforté par la conscience d’être restée longtemps la première nation démocratique, égalitaire, fondée sur les droits de l’homme, et immédiatement républicaine. Aussi, si l’Amérique est contrainte de s’impliquer dans les affaires du monde, il ne peut s’agir, pour elle, idéologiquement, que d’une “croisade” destinée à détruire “l’axe du Mal” et à “libérer” les peuples, convaincus que ceux-ci n’auront d’autre désir que d’imiter leurs “exceptionnels” sauveurs. En adoptant la démocratie, bien entendu. Une vision messianique des relations internationales. Aggravée par la conviction que toutes les autres cultures doivent nécessairement, pour accéder à la modernité, se fondre dans le melting pot culturel américain, exactement comme tous les miséreux et les persécutés, venus de toutes les cultures et de tous les continents, se sont fondus dans cet athanor, pour constituer l’identité américaine.
Les 14 points du président Wilson et la S.D.N.
Leur première croisade hors des Amériques contre le Mal : le militarisme impérial prussien, leur première implication pour établir un ordre international, a lieu en 1917. Pour le président Wilson et le Congrès américains, une victoire militaire des Alliés n’a de sens que si elle sert à instaurer un nouvel ordre mondial. Fondé sur les quatorze points qui conditionnent l’entrée en guerre des États-Unis : le libre-échange, la démocratie, le désarmement, le règlement international des différends, le droit à l’auto-détermination de tous les peuples de la Terre. Et, pour cela, la création d’une Société Des Nations.
On peut dire qu’une américanisation du monde commence là. Car cet idéal moral et politique a un retentissement mondial et suscite immédiatement un immense espoir de libération parmi tous les peuples opprimés ou colonisés. En Afrique, dans les Balkans, en Europe centrale, en Asie. Des extraits en étaient même appris et récités par cœur dans les écoles chinoises. Le Royaume de Siam du roi Rama VI, qui a participé à la guerre aux côtés des Alliés, en France, devient membre fondateur de la SDN.
Déçus par le traité de Versailles, qu’ils ne ratifient pas, puis rendus amers par l’impuissance de la SDN, les Américains renoncent à s’occuper du monde et opèrent un strict retour à leur isolationnisme. Premier America first, exacerbé par les terribles conséquences sociales de la crise de 29.
Cet isolationnisme explique que les États-Unis resteront à l’écart de la deuxième guerre mondiale durant trois ans. Et qu’ils n’y prendront part qu’une fois attaqués par l’Empire du Japon. Seraient-ils même entrés en guerre contre l’Allemagne nazie, si, au grand soulagement de FD Roosevelt, Hitler n’en avait pas pris l’initiative ?
La victoire militaire des Anglo-Saxons, puis la décolonisation, vont produire ce que l’on appelle de manière ambiguë “occidentalisation”. C’est, souvent, une “américanisation”, et une “modernisation”, technique, technologique, plus qu’une “occidentalisation”. L’acculturation reste limitée.
Les guerres américaines :
La victoire des “Alliés”, essentiellement des Américains, en 1945, et leur toute-puissance, symbolisée par la Bombe atomique, provoque chez des peuples qui sont jusqu’alors largement restés ignorants de cette culture, un véritable choc : Dieu – ou ses équivalents – est avec les “Blancs”.
Partout où les Américains arrivent, ils provoquent un choc culturel. Stupeur admirative des Algériens, des Tunisiens, des Vietnamiens, des Indonésiens… qui voient arriver les G.I. Leur physique, leur santé, leur hygiène, leur musique, leur matériel, leurs gadgets, les Jeep, les tanks, les avions, les bulldozers, les films… Pour des fellahs qui dorment encore dans leur gourbi et leurs mechtas…Pour des paysans qui plantent encore le riz à la main, nu-pieds dans la boue, sous le soleil et la pluie… qui n’ont aucun moyen mécanique de transport, ne connaissent ni l’électricité, ni les conserves, ni les frigidaires, ni les radios… c’est un choc culturel.
Même en Angleterre à partir de 1942, avec l’invasion des G.I., en France, à la libération, il y a ce choc admiratif au contact des Américains. Les Européens s’américanisent.
D’autant que l’Oncle Sam, conformément au modèle wilsonien, ambitionne maintenant de réussir ce que les Européens n’ont pas su faire avec la SDN : organiser, pacifier, moderniser, le monde. Ils prétendent aussi le démocratiser. Ils imposent l’hégémonie du Dollar et modèlent les institutions d’après-guerre qui gouvernent le monde : ONU, FMI, Banque mondiale, GATT, OMC, selon des conceptions, des principes et des intérêts… américains. Auxquels nous souscrivons, en Europe.
Au nom de ces principes, les peuples du monde qui n’ont pas connu la révolution industrielle, vont exiger la décolonisation, et la modernisation que connaissent les Occidentaux. Celle qui assure leur victoire militaire, et leur permet de se répandre partout sur le monde. Comme les Occidentaux, ils veulent un État-nation libre, mais aussi des mobylettes, des voitures, des téléphones, l’électricité partout, des écoles, des hôpitaux, puis la télévision, des ordinateurs, des I-phones, l’Internet…
Dans les élites, cette imitation va jusqu’à l’uniformité : dans le monde entier, pour être sérieux, pour montrer sa réussite et son statut social élevé, il faut porter costume trois pièces sombre et cravate pour les hommes, afficher un sac Vuitton et du Prada, du Chanel ou du Dior pour les femmes. Elle n’est pas moins uniformisante dans le peuple : T-shirts, jeans et baskets, jupe, corsage, deviennent l’uniforme mondial du commun.
Pour la première fois dans l’histoire, on peut parler d’une occidentalisation progressive du monde. Parce qu’elle provient de la volonté de peuples non occidentaux de copier leur mode de vie et leurs institutions – États- nation, parlements, élections, démocratie, instances internationales – sur les Américains et les Européens.
Victoire qui semble totale, et hégémonie assurée, croit-on, lorsqu’ à la fin du siècle s’effondre le système soviétique, dérive totalitaire de la pensée politique occidentale, qui, depuis 1945, avait tenté, non sans succès, de concurrencer le modèle libéral.
Encore faut-il, pour que cette occidentalisation perdure et ne soit pas remise en cause que 5 conditions au moins soient réunies : 1- Que les Occidentaux ne violent pas les principes wilsoniens, en déclenchant les guerres ; et ne les perdent pas. 2- Que la démocratie ne soit pas remise en cause, et ses principes bafoués, de l’intérieur, aux États-Unis, par les Américains eux-mêmes. 3 – Que l’ordre occidental du monde permette un développement égalitaire, non exclusif, de la planète. 4 – Que l’ordre occidental, imposé au milieu du siècle précédent, soit capable de relever les nouveaux défis planétaires de ce siècle-ci. 5 – Que n’apparaisse pas dans le monde un rival systémique capable d’offrir un contre-modèle, de fédérer autour de lui les opposants, ou les laissés-pour-compte de l’ordre occidental, et d’offrir une alternative globale des relations internationales.
A suivre, dernier volet : XXI° siècle : vers une remise en cause des principes et des valeurs de l’Occident.
Jean Charles Diplodas
Une admiration à peine contenue du rival systémique qui, pour le commentateur, va régénérer le monde et l’humanité. Une version néo-marxiste de la marche inexorable de l’histoire ? Un discours déjà entonné dans les années 70 avec la fièvre tiers-mondiste. L’avènement d’un Gavroche du sud ? Ou celui de Nino Ferrer ? 1) Seuls les occidentaux déclencheraient des guerres : La Russie est-elle de l’ouest ou du sud ? Pas de guerre mais des opérations militaires spéciales, une nuance sémantique mais pas au vu du nombre des victimes… 2) le sud parangon des régimes démocratiques à l’opposé des États-Unis, une dictature vraiment, la Russie, la Chine non ? 3 ) le sud, un modèle de développement égalitaire, vraiment ? Quels sont les écarts de revenus et de richesses dans les pays du sud ? Quid de l’accès à la santé ? Quid des systèmes de retraites, par exemple, puisqu’il est évoqué au début, dans l’un des pays de l’Asie du sud-est ? 4) le sud fédère pour le moment mais contre des pays “occidentaux” certes plus ou moins démocratiques, des pays comme la Chine et sous son aile, la Russie, l’Iran, l’Égypte, le Qatar, les Émirats, l’Arabie saoudite, des exemples unanimement considérés comme les plus démocratiques de la planète dans lesquels notre commentateur, “laissé pour compte de l’ordre occidental” rêve peut-être de passer sa retraite… Pour le moment aucun occidental, même “laissé pour compte”, n’envisage de solliciter la nationalité de l’un de ces pays.
C’est juste, une mise au point nécessaire, éclairante… Merci mille fois pour ce texte qui nous sort des banalités, habituelles, merci Gavroche de jouer les intermédiaires…