L’ONU, promoteur de la solidarité intergénérationnelle
Par Ioan Voicu
Avant d’analyser la contribution des Nations Unies à la promotion de la solidarité intergénérationnelle, il est utile de rappeler que dans le processus de préparation et de célébration en 1985 de l’Année internationale de la jeunesse sous le thème « Participation, développement, paix », les premières résolutions sur la jeunesse adoptées par consensus par l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) faisaient référence à la valeur de la solidarité humaine. Un seul exemple est éloquent.
Le 18 novembre 1985, l’AGNU a adopté une résolution dont le deuxième alinéa du préambule se lit comme suit : « Considérant qu’il est nécessaire de diffuser parmi les jeunes les idéaux de paix, de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de solidarité humaine et de dévouement aux objectifs de progrès et de développement. » Une référence spécifique à la solidarité était pratiquement présente dans toutes les futures résolutions sur la jeunesse.
Comme cela a déjà été annoncé, la 78e session de l’AGNU, dont l’ouverture est prévue le 5 septembre 2023, a pour sujet officiel le thème intitulé « Reconstruire la confiance et raviver la solidarité mondiale : accélérer l’action sur l’Agenda 2030 et ses objectifs de développement durable vers la paix, la prospérité, le progrès et la durabilité pour tous ». Il y a de fortes raisons de s’attendre à ce qu’au cours de la session, et dans le contexte fourni par le thème officiel mentionné ci-dessus, une attention appropriée soit accordée à la solidarité intergénérationnelle.
Mais quelle est l’essence de ce concept ?
La solidarité intergénérationnelle fait référence au soutien mutuel et à la coopération entre différentes générations, en commençant au sein des familles ou des communautés et en se poursuivant aux niveaux local, national, régional, interrégional et mondial. Elle implique la reconnaissance des besoins et des contributions de chaque génération et de la nécessité de travailler ensemble pour promouvoir le bien-être de tous. Parmi les traits spécifiques de ce concept, on peut citer sélectivement les suivants :
Les générations devraient faire preuve de respect pour les expériences, les perspectives et la sagesse de chacune. Cela nécessite de s’écouter les uns les autres et de valoriser les connaissances que chaque génération apporte.
Des conversations ouvertes et honnêtes peuvent aider à combler les écarts générationnels et à établir des liens plus solides. De plus, chaque génération devrait s’efforcer de comprendre les défis et les aspirations des autres générations.
Promouvoir la solidarité intergénérationnelle implique souvent d’apporter un soutien, qu’il soit émotionnel, financier ou pratique. Cela suppose de s’occuper des membres âgés de la famille, d’aider les jeunes dans leur scolarité ou de s’entraider en temps de crise.
Il est bien connu que les générations plus âgées peuvent partager leurs expériences de vie et leur sagesse avec les jeunes générations pour les aider à relever les défis et à prendre des décisions lucides et éclairées.
Une répartition équitable des ressources entre les générations est cruciale. Par conséquent, il est nécessaire de pratiquer une répartition équitable des richesses, des propriétés et des autres actifs pour garantir que chaque génération ait un accès adéquat aux opportunités et aux nécessités.
Il est banal de rappeler que les dynamiques sociétales et familiales évoluent avec le temps et que la solidarité intergénérationnelle nécessite une capacité d’adaptation aux nouvelles circonstances et aux nouveaux défis. La flexibilité des rôles et des responsabilités est importante dans toutes les situations. Des stratégies efficaces de résolution des conflits sont toujours essentielles au maintien de la solidarité et à la résolution des différends de manière pacifique et saine.
L’histoire montre que la préservation des traditions et des valeurs culturelles à travers les générations est un aspect important de la solidarité intergénérationnelle. Cela peut impliquer la transmission de pratiques culturelles, de langues et de rituels.
Toutes les générations sont censées travailler ensemble pour plaider en faveur de politiques et d’initiatives qui profitent à tous les groupes d’âge, comme l’accès aux soins de santé, au logement abordable et aux services sociaux.
Quelle est la position de l’ONU sur la solidarité intergénérationnelle ?
Nous sommes témoins de réalités inquiétantes. Nous apprenons des documents de l’ONU de 2023 que les droits humains sont menacés, aggravés par l’élargissement des écarts économiques et sociaux et les effets persistants de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19). Cette année, les femmes et les jeunes continuent d’être exclus des espaces économiques, civiques et sociaux, privant ainsi des sociétés entières de leurs contributions et de leurs idées. Le rétrécissement de l’espace civique, la propagation rapide de la désinformation et la montée des discours de haine et de la misogynie éloignent les gens à une époque où tous ont plus que jamais besoin d’unité et de solidarité.
L’AGNU a approuvé en 2022 la création du Bureau des Nations Unies pour la jeunesse, qui placera la voix des jeunes au cœur du processus décisionnel multilatéral. Lors du forum de la jeunesse du Conseil économique et social (ECOSOC), plus de 22 000 participants ont débattu avec les décideurs politiques du monde entier sur la manière dont les idées innovantes peuvent faire progresser les priorités de la jeunesse. Dans le cadre d’une approche récente visant à autonomiser les jeunes, l’ONU s’est engagée auprès de plus de 200 organisations de jeunesse.
Ce travail a suscité des discussions communautaires sur les priorités locales en matière d’égalité des sexes et a donné la priorité aux pratiques d’inclusion, d’intersectionnalité et d’engagement sûr. Quelques exemples sont recommandables. L’ONU est impliquée dans des activités telles que : Politique nationale pour la jeunesse et stratégies de mise en œuvre (2016-2020). Après la crise armée en Côte d’Ivoire en 2010 et 2011, l’objectif de la politique nationale de jeunesse était de prévenir et combattre la mobilisation des jeunes et des adolescents ainsi que leur implication et leur participation aux conflits armés et autres hostilités en agissant pour :
• Renforcer les capacités des jeunes et des adolescents pour favoriser la démocratie, une culture de paix, de solidarité et de citoyenneté ;
• Promouvoir l’éducation à la citoyenneté et une culture de la paix dans les écoles.
En 2007, l’AGNU a adopté un supplément au Programme d’action mondial pour la jeunesse (résolution 62/126), ajoutant les questions intergénérationnelles comme domaine prioritaire et soulignant l’importance de la solidarité intergénérationnelle. Par la suite, l’AGNU et l’ECOSOC ont encouragé les États membres à renforcer la solidarité intergénérationnelle pour soutenir l’Agenda 2030.
Les rapports du Secrétaire général de l’ONU soulignent que, largement défini comme la cohésion sociale entre les générations, le concept de solidarité intergénérationnelle s’enracine dans les relations de dépendance entre les membres de différentes tranches d’âge tout au long de la vie. Il est vrai que la nature exacte de cette cohésion varie en fonction de facteurs culturels, institutionnels, économiques et sociaux et, en particulier, de questions telles que l’équité, la justice, la réciprocité et les perceptions positives des différentes générations.
Ces dernières années, la pandémie de COVID-19 a mis en lumière des inégalités profondes et persistantes et a fait prendre conscience des structures qui les perpétuent au fil des générations. Les appels à l’équité en matière de vaccins, à la consommation durable, à la transition vers les énergies renouvelables et aux solutions au fardeau croissant de la dette souveraine sont quelques exemples récents qui soulignent la nécessité de réaffirmer l’ engagement en faveur de la solidarité intergénérationnelle et d’aborder les questions d’équité au-delà des divisions générationnelles.
L’appel à réinventer la responsabilité intergénérationnelle se reflète dans le document fondamental « Notre programme commun ». Mais la vie elle-même montre que de nombreux obstacles à la coopération intergénérationnelle demeurent.
Le fatalisme n’est pas une option. Heureusement, divers facteurs peuvent renforcer la solidarité intergénérationnelle et devraient être prioritaires dans les politiques et programmes destinés aux jeunes. Dans une énumération sélective, ils incluent le dialogue multigénérationnel, la collaboration avec des organisations représentant les personnes âgées, le volontariat commun, les campagnes éducatives et les politiques garantissant la protection sociale et l’égalité des chances pour l’autodétermination. L’accent devrait être mis sur la promotion d’une approche globale du vieillissement, favorisant la compréhension mutuelle et encourageant les contributions de toutes les générations.
Les entités des Nations Unies favorisent la solidarité intergénérationnelle et les partenariats pour faire progresser les objectifs de développement durable, en mettant l’accent sur l’exploitation de l’innovation, de la créativité et de la résilience des jeunes.
En 2022, le thème officiel des actions et des initiatives spécifiques était « Solidarité intergénérationnelle : créer un monde pour tous les âges ». Le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies s’est associé aux grands groupes d’enfants et de jeunes pour organiser un webinaire comportant des discussions interactives sur la solidarité intergénérationnelle, les générations futures et l’âgisme, ainsi que plusieurs études de cas.
Parmi les conclusions et recommandations formulées par le Secrétaire général de l’ONU dans ses rapports sur la jeunesse de 2023, nous trouvons des idées orientées vers l’action telles que l’accent mis sur les progrès réalisés et les défis rencontrés dans la mise en œuvre du Programme d’action mondial pour la jeunesse et de l’Agenda 2030.
Trois questions cardinales au cœur du développement et de la participation des jeunes ont été particulièrement abordées : la solidarité et les partenariats intergénérationnels, la sécurité alimentaire et la consommation durable, et le développement inclusif par le sport, les loisirs et la culture.
193 États membres de l’ONU sont invités à identifier et à combattre l’âgisme, ainsi que d’autres obstacles à la solidarité et à la coopération intergénérationnelles, notamment en promouvant les opportunités et en créant des espaces d’interaction constructive entre les générations plus jeunes et plus âgées et en élaborant des politiques inclusives fondées sur une approche axée sur le parcours de vie.
Conclusion
L’une des principales préoccupations actuelles de l’ONU pourrait être la lutte contre l’âgisme. Le système des Nations Unies reconnaît que l’âgisme représente un défi important pour favoriser une coopération significative et efficace entre les générations. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit l’âgisme comme des stéréotypes, des préjugés et une discrimination envers autrui ou envers soi-même en fonction de l’âge ; elle a des conséquences à la fois sur les populations âgées et sur les jeunes. L’âgisme recoupe régulièrement d’autres formes de préjugés, comme le racisme et le sexisme, qui empêchent les gens de réaliser leur plein potentiel et de contribuer pleinement à la société.
Il est très utile de rappeler que, comme le souligne le Rapport mondial sur l’âgisme, publié par l’OMS en mars 2021, les jeunes sont confrontés à des obstacles liés à l’âge dans diverses sphères de leur vie, notamment l’emploi, la santé, le logement et la politique, où les voix des jeunes sont entendues, mais souvent refusées ou rejetées. Le rapport identifie également les activités intergénérationnelles comme l’une des trois stratégies clés pour lutter contre l’âgisme et créer un plus grand sentiment de lien social.
Dans un esprit d’optimisme modéré, nous pouvons exprimer le souhait que les délibérations de la 78ème session de l’AGNU enrichissent la sagesse mondiale avec des suggestions, propositions et recommandations réalistes capables de contribuer à une promotion plus tenace de la solidarité intergénérationnelle.
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