Notre collaborateur et chroniqueur Yves Carmona mesure l’ampleur des événements qui se sont enchainés cette semaine au proche Orient. Pour cet ancien Ambassadeur de France, l’Asie est concernée. Voici pourquoi.
Par Yves Carmona
Le massacre perpétré par Hamas touche aussi l’Asie.
Passons sur la géographie : Israël est sans doute située en Asie, mais on voit bien que le crime qui vient d’y être commis par Hamas se situe bien au Proche-Orient. Il concerne cependant le monde entier.
Le monde entier parce que l’État d’Israël, dont la création a été proclamée le 14 mai 1948 après l’approbation par les Nations Unies le 29 novembre 1947 a enfin été reconnu par l’Assemblée générale après une guerre qui a fait 6 000 morts israéliens.
Car Israël s’est d’emblée heurtée au refus arabe ou musulman et cela continue. Comme l’a vécu l’auteur de ces lignes, il n’est pas possible sauf cas très particuliers de voyager dans certains pays d’Asie du Sud-Est : Brunei, Malaisie, Indonésie avec un passeport où a été apposé un visa israélien.
Plus distrayant, pendant longtemps Singapour n’a pu recevoir de délégations israéliennes qu’en les affublant du faux nom de « Mexicains » : Lee Kuan Yew avait suffisamment d’ennuis avec ses voisins musulmans, le non-dit a contribué à préserver la paix.
Aujourd’hui, le massacre perpétré en Israël par Hamas a fait de nombreuses victimes « collatérales ». Parmi elles, des Thaïlandais et des Népalais. On ne sait pas encore combien sont morts, d’autant que la prise d’otages par Hamas risque d’alourdir le bilan.
Au 11 octobre, 20 Thaïlandais sont morts, 13 ont été blessés et 14 enlevés.
Que faisaient-ils là ? Environ 30 000 Thaïlandais travaillent en Israël, la plupart comme ouvriers agricoles dont un grand nombre près de Gaza.
10 Népalais ont été tués dans l’offensive du Hamas en territoire israélien, a annoncé dimanche l’ambassade du Népal à Tel-Aviv.
Pas étonnant quand on sait que des millions de Népalais sont émigrants, profitant de salaires bien plus élevés que dans leur pays, dont ils assurent, par leurs envois de fonds, environ un tiers du PIB, au risque d’y perdre la vie.
Environ 4 500 Népalais travaillent actuellement en Israël comme aides à domicile ou personnes de compagnie.
Par ailleurs, 265 étudiants népalais s’y trouvent dans le cadre d’un programme « Apprendre et gagner sa vie », parrainé par Israël dont 17 logeaient au kibboutz Alumim situé dans le sud d’Israël, cible de l’attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien samedi. C’étaient en effet pour beaucoup des diplômés en agriculture.
Enfin, pour d’autres raisons, le Japon est également concerné, comme en témoigne une rencontre entre l’ambassadeur d’Israël et le vice-ministre administratif nippon qui a condamné « l’acte terroriste » perpétré par le Hamas.
Nous avons écrit par ailleurs en 2021 : « La Chine prétend trouver un accord de paix car la puissance montante de l’Asie la rend nécessaire aussi bien aux Israéliens qu’aux Palestiniens ». Cela n’a manifestement pas été le cas…
Commentaire : on ne peut s’empêcher de rapprocher ce qui s’est passé le 7 octobre dernier du 11 septembre 2001. Comme alors, les terroristes ont tué indistinctement, y compris de nombreux musulmans, sans se préoccuper de savoir qui serait victime de l’effondrement des tours.
Il reste à espérer que les représailles ne produiront pas de résultats aussi désastreux que les suites de l’attentat du « World Trade Center ». Pas sûr que le gouvernement israélien actuel soit en situation de le comprendre.
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Il est rappelé par Mr Carmona que trois pays asiatiques refusent l’entrée sur leur territoire dès lors qu’un passeport un visa israélien. A fortiori lorsque l’individu à un passeport israélien. Leur force de persuasion pouvait même diffuser le mortel venin à Singapour nous est-il rappelé. Dans les trois cas il ne s’agit pas d’un pays du moyen-orient. Aucun de ces pays n’est un pays arabe ou persan. Ils appartiennent à la ligue islamique mondiale comme de nombreux autres États non musulmans. Le Gabon, qui en est membre, interdit-il l’entrée sur son territoire au motif d’un visa israélien ? La cause palestinienne pour la création d’un État indépendant que les résolutions de l’ONU consacre est partagée par nombre d’États et d’individus dans le monde, musulmans ou non. L’histoire des XIXème et XX ème siècles n’a pas diffusé l’antisémitisme dans cette partie asiatique du monde ; les pogromes n’ont pas existé. Qu’est-ce qui explique l’attitude des trois États de l’Asie du Sud-Est à adopter de telles positions ? La seule réponse me parait être l’allégeance et la revendication religieuse. Et si l’on poursuit un peu, le raisonnement conduit à dire, puisque les marques administratives de l’existence d’un État sont niées, que les palestiniens ont droit à un État mais un État islamique à la place d’Israël. Nous aurons peut-être davantage d’explications après la visite en France du sultan de Brunei qui en matière de rigorisme islamique bat tous les records. Le sultan aura t-il une parole claire, et forte ? E Macron va t-il réussir à lui arracher le terme de terrorisme ? Au mieux une parole ambigüe…pour condamner Israël à coup sûr… La formule employée de victimes collatérales bien que mise sous astérisques me pose problème : les victimes seraient-elles collatérales parce que non juives ? Cela me fait penser aux déclarations toutes en rondeur et avec la satisfaction et la sureté de soi de R Barre qui déplorait en 1980, après les attentats de la rue Copernic les meurtres des “français” “innocents” (avec la traduction : les autres ne l’étaient pas).