Dans toute l’Asie, les compositions florales, guirlandes, dômes, décorations sophistiquées sont partie intégrante de la vie sociale et religieuse. Sakul Intakul, grand artiste de l’art floral, a créé un musée pour faire partager le fruit de ses recherches sur les arrangements floraux traditionnels.
Le lieu est enchanteur. C’est encore l’une des surprises que sait nous réserver la Cité des Anges une enclave du passé avec une maison datant de 100 ans, en teck, environnée d’un jardin exubérant, ancienne demeure d’un garde royal.
Tout d’abord, précise le maître de maison qui nous reçoit pour la visite, ce n’est pas une exposition florale, c’est un musée qui explique la culture des fleurs, réunie dans une somme de documents, de savoirs, de techniques, de matériaux et d’idées qu’il a accumulés en travaillant au Palais pour des événements royaux, en voyageant en Inde, au Japon ou à Bali, ou en préparant le livre Dok Mai Thai. « J’ai voulu avoir mon musée pour témoigner de cet art exquis et le faire connaître à une échelle internationale. »
De pièce en pièce, sur deux étages, les différentes composantes de la tradition des fleurs sont abordées. D’abord la galerie Dusit qui renferme d’anciennes photographies des archives nationales représentant la Cour à l’époque de Rama V témoignant de la richesse et de l’exubérance des compositions florales à cette époque que Sakul qualifie de « Renaissance de l’art floral thaï » ; puis une salle consacrée aux traditions florales en Inde, en Chine, au Japon, au Laos, au Tibet et à Bali. « Chaque pays a son identité. En Inde, c’est la culture des guirlandes. En Chine et au Japon, l’art floral emprunte des formes libres, dans des vases. En Thaïlande, le caractère distinctif est la déconstruction et la reconstruction. En raison du climat, les fleurs tropicales ne durent pas longtemps, alors on sépare les pétales et en cousant, liant, assemblant, on crée des formes, dômes, suspensions, guirlandes, etc. »
La visite continue avec «Temple of Flowers », un hommage aux habitants d’un village dans la province de Loei qui se sont battus pour préserver leurs forêts. Deux pièces bien nommées « Heritage » présentent le matériel et le savoir de base nécessaires pour produire des compositions florales pour les événements traditionnels, comme le baisri en feuilles de bananier pour accueillir un voyageur de retour chez lui, ou les dômes composés pour les mariages avec leurs fleurs symboliques pour l’amour éternel, la prospérité, le respect des aînés ou le souvenir à tout jamais. Une pièce à l’étage est consacrée aux croquis et dessins de ce grand artiste, qui se sert de sa formation initiale d’ingénieur pour dessiner des structures à la précision mathématique et de son talent pour créer des installations florales uniques. Que ce soit pour le Grand Palais à l’occasion des festivités du 60ème anniversaire du règne du roi, pour un festival du film à Rome où il a déroulé un long ruban de pellicule réalisé en azalées et mousse, ou pour des palaces internationaux, la signature de Sakul Intakul est unique. Philosophie et spiritualité sont l’essence de son travail. « Les fleurs apportent la beauté, dit-il, elles vous montrent que rien ne dure et vous font vivre dans le moment présent. »
Après la visite du musée, c’est le moment de flâner dans le jardin, en admirant les nombreuses espèces de fleurs et d’arbres placés selon une logique auspicieuse pour les habitants de la maison. Si les arbres étaient déjà présents, nombre de fleurs et de plantes ont été ajoutées, constituant un jardin botanique à l’exubérance tropicale.
Derrière la maison, une sala au bord d’une piscine accueille des ateliers d’art floral traditionnel et contemporain et, un samedi par mois, des ateliers gratuits sont offerts aux enfants de 7 à 14 ans, toujours dans l’intention « que les traditions perdurent » dit l’artiste.
Dernier moment de bonheur, une véranda entourée d’orchidées, les fleurs préférées de Sakul qui nous a d’ailleurs révélé que, même si aujourd’hui elles sont emblématiques et indissociables de la Thaïlande, elles ne sont apparues dans le pays qu’il y a 70 ans, en provenance d’Amérique du Sud…
La galerie extérieure a été aménagée en ravissant salon de thé, aux murs recouverts de reproductions d’arrangements floraux tirées d’un livre ancien réalisé par le Département de la culture à l’usage des femmes, lorsque la Thaïlande a commencé à créer son identité nationale, la fameuse « Thainess ».
Cette journée toute empreinte de délicatesse et de beauté se termine autour d’un thé et de quelques douceurs. Sakul nous révèle son dernier projet sur lequel il travaille avec passion : la mise en place d’un institut international d’art floral pour apprendre l’art royal. « Ce sera le premier de ce genre, je veux faire connaître au monde entier l’art floral thaïlandais, la philosophie et la spiritualité qui se cachent derrière cet art destiné à apprécier le moment présent. » La parenthèse enchantée est terminée, il est temps de replonger dans la ville trépidante.
Martine Helen
The Museum of Floral Culture
Pour se rendre au musée d’art floral :
Depuis Samsen Road Soi 28, tournez à gauche à Yaek Soi Ongkarak 13. Le musée de la culture florale est à environ 30 mètres sur la droite.
En bateau: depuis la jetée de Sathorn (station de BTS Saphan Thaksin), rendez-vous au musée de la culture florale uniquement sur le bateau express Chao Phraya au drapeau orange. Descendez à Payap Pier (N18). Tourner ensuite dans Samsen Road Soi 28.
Horaire : Du Mar au Dim de 10h à 18h
Entrée avec visite guidée : 150 B pour adulte, 75 B pour les enfant
Localisation : ici.
Plus d’infos : ici
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