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BIRMANIE – CONFLIT : Des nouvelles armes font leur apparition dans le ciel birman

Date de publication : 24/02/2025
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Paramoteur

 

Une chronique du conflit birman par François Guilbert

 

Durant trois années les soldats de la junte se sont montrés peu capables d’adapter leurs tactiques militaires à celles de leurs adversaires. A contrario, l’année 2024 et le début 2025 montrent des changements significatifs. Alors que les forces armées de Nay Pyi Taw sont essentiellement articulées autour d’unités d’infanterie figées, les forces aériennes affichent une adaptabilité organisationnelle et tactique. En se dotant d’une direction générale des drones il y a quelques mois, en recrutant pour cela des compétences dans chacune des armées et parmi les conscrits des universités de technologies, la Tatmadaw a pris un tournant plus technologique. Indéniablement, une réponse à ses multiples revers récents. Il est vrai que ses adversaires des résistances ethniques et de la génération Z avaient, eux, pris très tôt la décision de ce modèle opératif. Un choix gagnant depuis la mi-2023 !

 

Les combats se technologisent par la voie des airs

 

Dans le nord-est du pays, les guérilléros surent tirer avantage de l’emploi des drones pour conquérir certaines des positions enlevées dans le cadre de l’opération lancée le 17 octobre 2023. Par ailleurs, ils donnèrent un fort écho médiatique à des ciblages spectaculaires (cf. les opérations de l’unité de drones Shar Htoo Waw du gouvernement d’opposition, blessures du numéro 2 de la junte, le général Soe Win).

 

Le numéro 1 des putschistes s’en est d’ailleurs ému. Il alla jusqu’à accuser des « experts étrangers en drones » d’aider ses adversaires alors qu’ils infligeaient à l’armée son revers le plus important depuis qu’elle ait repris l’exercice de tout le pouvoir exécutif. Ironie du propos du généralissime, ce sont aujourd’hui des conseillers russes qui partagent avec les personnels de la Tatmadaw leur expérience droniste acquise sur les champs de bataille de la guerre d’Ukraine.

 

Tirant avec des mois de retard les leçons de leurs revers alors qu’ils utilisèrent des drones israéliens dès 2020 contre l’Armée de l’Arakan, les soldats au service du général Min Aung Hlaing se sont dotés des petites machines volantes pour faire du renseignement, de la reconnaissance mais aussi du largage d’obus de mortiers (81 et 120 mm) ou du guidage de frappes d’artillerie. Ils peuvent également les instrumentaliser pour les bombardements opérés par les autres plateformes aériennes armées (hélicoptères, avions d’attaque air-sol).

 

La Chine et la Russie sont les alliées pour conduire les opérations aériennes de la junte
On se souvient qu’en novembre 2024, lors de son premier voyage connu en Chine, le général Min Aung Hlaing visita une usine de drones de lutte contre les incendies, Zhongyue Aviation, installée dans la municipalité de Chongqing. Ces moyens servent aujourd’hui aussi bien pour attaquer des positions ennemies que pour mener des contre-offensives. Ils permettent de démultiplier les lieux d’attaque. Ils sont un utile moyen d’harcèlements des résistants.

 

Pour se prémunir des effets destructeurs de tels assauts, des deux côtés on s’est doté de puissants brouilleurs pour bloquer les signaux des assaillants. Si la résistance démontre une grande ingéniosité dans cette lutte dans lesquelles les technologies nouvelles sont intensément mobilisées, le Conseil d’administration de l’État (SAC) peut, lui, compter sur des ressources financières plus conséquentes et l’appui de partenaires industriels, d’experts étrangers venus de Chine et de Russie.

 

A la mi-2023, la junte faisait face à une centaine d’attaques par mois. Un an plus tard, elles se sont avérées cent fois plus nombreuses. Les incursions provenant de plusieurs directions, cela a limité les capacités manœuvrières de la Tatmadaw, ses aptitudes à reprendre le contrôle des postes perdus ou à déployer des régiments pour la relève et les renforts. D’abord déconcertés par cette stratégie, les militaires ont eu du mal à s’adapter. Ils bricolent toutefois encore.

 

Dernière innovation en date, l’utilisation d’engins suicides à aile delta contre des positions ennemies. De tels drones ont fait leur apparition sur les champs de bataille des États Kachin et Kayin à la fin de l’année dernière. Plus récemment encore, il a été fait état dans la région de Bhamo (État Kachin) de l’emport de caméras infrarouges (LFIR) sur des drones pour repousser dans la nuit les assauts conduits par des unités de l’Armée de l’indépendance kachin (KIA) et des Forces de défense du peuple (PDF).

 

Ces évolutions technologiques et tactiques ne sont pas les dernières à attendre alors que l’on observe, en particulier depuis le début de l’année 2025, une intensification des campagnes aériennes contre les forces de résistance mais également les civils (150 décès de civils relevés en janvier 2025 et une cinquantaine depuis le début février). Une perspective inquiétante alors qu’en 2024 le nombre des frappes aériennes, venues d’une vingtaine d’aéroports, ciblant des civils a plus que triplé en une année et que le nombre de décès supérieur à cinq personnes en un seul et même affrontement a crû de 44 %.

 

Une nouvelle arme dans la panoplie de la junte : le paramoteur

 

Dans le ciel bien dégagé de la saison sèche, une nouvelle menace aérienne s’est faite jour. La Tatmadaw a décidé de recourir à des paramoteurs pour compléter son arsenal aérien de bombardement. C’est probablement la première fois dans l’histoire qu’une armée emploie avec une certaine intensité ce moyen pour délivrer sa puissance de feu contre des hommes au sol. En employant ce nouveau moyen, le SAC entend démontrer que l’asymétrie aérienne demeure durablement à son avantage, même si elle a été réduite depuis un an par l’emploi massif de drones par la résistance. Ici, il s’agit de frapper des unités en mouvement ou des rassemblements de soldats voire de civils.

 

Ces machines sont opérées par un, deux ou trois hommes. Elles larguent individuellement ou en groupes des explosifs, tirent sur des cibles terrestres ou effectuent de la surveillance à basse altitude pour pallier un déficit de renseignements sur les théâtres d’opération. Rien qu’au cours du mois de janvier 2025, près d’une trentaine d’attaques par paramoteurs ont été répertoriées. Celles-ci ont eu lieu dans les townships de Taungtha (région de Mandalay), Paletwa (État Chin) et les provinces de Sagaing et Magwe. Les premières, semble-t-il, ont été conduites depuis la base aérienne Shante près de Meiktila (région de Mandalay) où sont suspectés d’être stationnés des experts étrangers. Elles auraient entraîné la mort de plus d’une dizaine de civils. Un bilan qui ne va pas cesser de grossir car ces engins volants sont progressivement engagés là où désormais les opposants sont à l’offensive, dans les provinces de l’Ayeyarwady et de Bago.

 

L’utilisation accrue des paramoteurs par l’armée est un fait nouveau. Avec un moyen maniable et peu coûteux, ils permettent d’être au plus proche des cibles, sans être contraint par des brouilleurs contrairement aux drones. Ils offrent la possibilité de frappes plus précises avec de petits explosifs à un coût bien inférieur à celui de plateformes plus lourdes (hélicoptères et avions de chasse).

 

Cela permet aux forces du SAC de maintenir simultanément la pression sur plusieurs fronts malgré les contraintes de ressources. Elles peuvent aussi opérer plus longtemps dans les airs. Elles ont en outre un besoin de peu de soutien pour être mise en œuvre efficacement. Pour autant, ces paramoteurs ne sont que des outils complémentaires à d’autres véhicules aériens. Les drones vont donc continuer de jouer un rôle majeur d’autant que la résistance a su démontrer qu’ils pouvaient s’avérer très performants pour attaquer des installations majeures (ex. la base aérienne de l’aéroport internationale de Nay Pyi Taw en avril 2024) avec quelques dizaines de machines rassemblées en un essaim.

 

Bien que les paramoteurs aient des limites d’emports et de distances de déploiement, leur flexibilité et leur faible coût d’entretien voire de propulsion dans un pays où le prix des carburants ne cesse de grimper, peuvent devenir un élément clé des opérations aériennes de la Tatmadaw. Les groupes de résistance cherchent la parade à ce nouveau mode d’opération de junte. Pour l’heure, ils ne l’ont pas trouvé. Cette carence a mécaniquement un effet opératif et psychologique pour les groupes de résistants. D’ailleurs, jusqu’ici aucun paramoteur n’a été abattu.

 

Les attaques de paramoteurs sont donc susceptibles de s’étendre plus largement dans le pays dans les mois à venir

 

Cela n’est pas sans danger pour les populations civiles, les combattants des groupes de résistance mais également pour les États riverains de la Birmanie. La plupart ne sont pas préparés à faire face à des incursions de drones et/ou de paramoteurs à proximité de leurs territoires. Si pour les premiers des solutions techniques existent et sont déjà mobilisées, il n’en est rien pour les secondes. Alors que l’Inde s’est dotée d’outils pour détecter, suivre et intercepter les drones à ses frontières du Cachemire et du Pendjab, il est probable qu’elle soit rapidement contrainte de le faire également à l’Est. Quant au Bangladesh et à la Thaïlande qui n’en ont pas de comparables, il ne serait pas étonnant qu’ils cherchent, eux aussi, à en disposer rapidement pour atténuer les risques posés sur leur sol.

 

François Guilbert

 

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