Nos amis de la revue XXI, spécialisée dans les récits et les grands reportages, viennent de publier un long article sur le conflit birman. Nous vous le recommandons. N’hésitez pas à consulter le site de la revue XXI et à la commander !
Le destin de Maung Saungkha a basculé, avec son pays, à l’aube du 1er février 2021. Ébranlée par un coup d’État, la Birmanie s’enfonce de nouveau dans la dictature. Le poète pacifiste, pour qui les mots ne suffisent plus, prend le maquis. Avec l’appui de guérilleros endurcis, il galvanise vaille que vaille de jeunes urbains sans expérience du combat. En juin 2024, notre journaliste se rend dans la jungle birmane, en compagnie du photographe Ta Mwe, pour un reportage exclusif.
Article à retrouver dans la revue XXI n°67
« Je veux pisser sur la souffrance »
Un monastère bouddhiste surgit du dédale de la nuit. « On s’arrête ici ! », tonne le commandant Maung Saungkha, les yeux gonflés de fatigue. Les 4 x 4 coupent leurs phares, la lumière pourrait les trahir. L’aviation birmane rôde. Le convoi épuisé recrache ses passagers, des soldats de l’Armée de libération du peuple bamar (BPLA), enduits de sueur et de poussière. Ces gamins d’à peine 20 ans, portant des casques et des fusils d’assaut, brûlent l’ennui au bout de leurs fragiles cigarettes. Maung Saungkha, 31 ans, le poète qu’ils suivent aveuglément, décroche le pistolet Glock qui l’encombre à la ceinture. Ses hommes ont tendu son hamac entre deux piliers de bois. Le chef de guerre, un petit gabarit au regard sombre et malicieux, enroule son bedon dans la toile noire et se berce en fredonnant un air de pop birmane.
Le commandant fait halte dans un patelin de l’est de la Birmanie, au nord de l’État karen, une province de la taille de la Belgique où les combats contre la junte sont quotidiens. Il y a un mois, en mars 2024, la grande ville des environs, Hpapun, a été conquise par les troupes de Maung Saungkha et ses alliés de la guérilla karen, qui cherchent désormais à s’emparer des bases voisines. Au départ, la bataille semblait perdue : d’un côté, des insurgés fauchés, « des terroristes » selon le pouvoir birman, terrés dans la jungle et sans expérience du feu ; de l’autre, une armée d’État, disposant d’avions de combat, soutenue par la Russie et la Chine.
Maung Saungkha, le fondateur de l’Armée de libération du peuple bamar (BPLA), vit caché dans la jungle de l’État karen. Depuis son campement, il pose pour le photographe birman Ta Mwe, qui documente la résistance à la junte militaire depuis le coup d’État de 2021.
Mais le vent a tourné. Hpapun et des dizaines de villes sont tombées aux mains de la résistance, qui affirme contrôler plus de la moitié du territoire birman. Pour se venger, la junte bombarde les civils, soupçonnés de soutenir les groupes armés. Un mois plus tôt, elle a détruit un monastère hébergeant des réfugiés. L’attaque a fait huit morts et une quinzaine de blessés. « Ne t’inquiète pas, il ne se passera rien », me glisse Maung Saungkha. Je l’entends soudain ronfler. Au réveil, l’aube est grise et poisseuse. La nuit a été hachée de bruits sourds, des frappes de drones, à une dizaine de kilomètres. Joie matinale du commandant : « C’étaient nos bombes ! Leurs dernières bases ne tiendront pas longtemps. »
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