Selon les enquêtes du Programme alimentaire mondial, le coût de la vie, de juillet 2021 à juillet 2022, a fortement progressé dans toute la Birmanie. Au niveau national, le panier alimentaire des ménages a augmenté, en moyenne, de 34 % en un an. Une situation préoccupante qui connaît en outre de fortes distorsions d’un État ou d’une région à l’autre. Dans l’État Môn et dans les townships du nord de l’État Rakhine, là où vivent la majorité des Rohingyas, l’envolée des prix est la plus spectaculaire, + 60 % et + 55 %, alourdissant des situations nutritionnelles déjà très précaires.
Sans surprise, les régions bamars qui connaissent les affrontements armés les plus violents, sont confrontées à des tendances haussières supérieures à la moyenne nationale. C’est notamment le cas pour les provinces de Magway (+ 37 %) et Sagaing (+ 36 %), au centre du pays, ou encore dans l’État Kayin (+ 42 %), plus à l’Est, où la Tatmadaw multiplie depuis des mois les opérations militaires de grandes envergures contre les combattants de la KNU et ceux des groupes d’autodéfense (PDF) nés avec le coup d’État du général Min Aung Hlaing en février 2021.
Au fil des semaines, des produits vivriers aussi essentiels que le riz voient leurs prix partir en flèche (+ 16 %) en particulier depuis le mois de juillet 2022, du fait principalement de la croissance des coûts de transport et des carburants (+ 82 % en moyenne ; + 107 % pour le diésel premium). Mais aujourd’hui ce qui marque le plus les familles birmanes, c’est l’explosion des prix des huiles de cuisson (+ 101 %). Elles sont indispensables à la cuisine quotidienne voire à la conservation des aliments. Elles en constituent même un élément identitaire, tant elles sont employées avec excès. Les zones rurales et urbaines sont indistinctement touchées par l’effet prix. La valeur de l’huile de palme a plus que doublé dans 8 des 14 États et régions. A Rangoun et Mandalay, l’étiquette de la bouteille d’huile est de 20 à 30 points supérieurs à la moyenne nationale. De manière plus générale, dans la plus grande ville du pays, le coût de l’alimentation est majoré en moyenne de 16 % par rapport aux autres contrées. A cette inflation tarifaire anxiogène dans la société s’ajoute, de fait, un rationnement des quantités accessibles dans les magasins. Dorénavant, il n’est possible d’acheter par client qu’un à deux contenants. Cette nouvelle donne est la conséquence d’une politique monétaire de la junte visant à restreindre au maximum les importations et les sorties de devises or la Birmanie ne produit pas l’huile de cuisson dont ses habitants ont besoin.
Autre phénomène pervers de la politique économique du Conseil d’administration de l’État (SAC), le développement d’un large marché noir.
Il n’induit, évidemment en rien, une modération des prix. Les familles recourent à des intermédiaires pour obtenir la précieuse huile de cuisson dans elles ont un besoin impératif, à eux de faire les échoppes les unes après les autres pour acquérir le trésor jaune. Phénomène aggravant, l’avenir économique de la nation se percevant comme très sombre, nombre de ménages, s’ils en ont les moyens financiers, stockent chez eux tous ce qu’ils peuvent et achètent immédiatement tout ce qui est disponible, convaincus qu’ils sont que les prix ne peuvent que continuer à grossir. L’huile de palme est d’autant plus recherchée qu’il en arrive peu par la frontière terrestre avec la Thaïlande. D’ailleurs tous les États birmans borduriers du Royaume connaissent des prix supérieurs à la moyenne. Plus au nord, Les seuls qui arrivent à tirer leur épingle du jeu sont les Was. Eux peuvent au moins s’approvisionner en Chine, la zone autonome est d’ailleurs la seule portion du territoire birman à connaître une inflation à un seul chiffre.
Francois Guilbert