Gavroche a sélectionné pour vous quelques nouvelles saillantes en Birmanie durant cette semaine écoulée. Un survol de l’actualité indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à ce pays d’Asie du Sud-Est.
Politique, Diplomatie
L’ancien dictateur militaire Than Shwe est devenu la dernière cible du jeu de reproches de Min Aung Hlaing. Lors d’une rencontre avec de petits entrepreneurs à Pyin Oo Lwin, Min Aung Hlaing a déclaré qu’il n’y aurait pas de coupures de courant aujourd’hui si les projets de production d’électricité lancés en 2005 avaient été réalisés. Au pouvoir à l’époque, son prédécesseur Than Shwe l’avait choisi comme chef militaire. Min Aung Hlaing blâme souvent les gouvernements précédents pour les coupures de courant, mais il pointe généralement du doigt le gouvernement quasi civil de Thein Sein, qui a abandonné le projet de barrage de Myitsone. Depuis le coup d’État les coupures de courant se sont aggravées au fil du temps et durent désormais jusqu’à 16 heures par jour. Naypyitaw, le centre névralgique du régime, était jusqu’à récemment le seul endroit en Birmanie exempt de coupures de courant. Cependant, la capitale administrative fondée par Than Shwe souffre désormais de coupures de courant régulières.
Malgré une série de défaites, Min Aung Hlaing a déclaré lors d’une réunion avec les officiers du Commandement central le 17 janvier dernier que son Tatmadaw « écrit l’histoire et que ses actions entreront dans l’histoire ». Cette déclaration intervient après la perte de deux commandements régionaux et de centaines de quartiers généraux et de bases de bataillons à travers la Birmanie, y compris dans les États ethniques et le cœur du pays Bamar, sans oublier les centaines de villes dont ses troupes ont été chassées.
Une délégation du régime a participé le 13 et 14 janvier au 18e Forum financier de Hong Kong, vantant les mérites de la Birmanie en tant que centre d’investissement pour les entreprises de Hong Kong et de Macao. La délégation aurait reçu un accueil chaleureux de la part de la communauté des affaires de Hong Kong, qui a présenté ses félicitations à l’occasion de la fête de l’Indépendance de la Birmanie. Le ministère des Affaires étrangères du régime a rapporté que des décideurs politiques de plus de 50 pays ont rejoint 3 600 chefs d’entreprise au forum pour discuter des marchés financiers régionaux et explorer les opportunités d’investissement. Confronté à des sanctions économiques de la part des pays occidentaux, le régime cherche à attirer des investissements d’autres pays parias tels que l’Iran, la Russie et la Biélorussie, ainsi que des pays voisins.
Économie
Malgré l’encerclement de la ville de Kyaukphyu par les troupes de l’Armée Arakan (AA), le régime militaire birman poursuit, en collaboration avec la Chine, le développement de la Zone Économique Spéciale (ZES) de Kyaukphyu et d’un port en eaux profondes dans l’État de Rakhine. Le ministre de l’Investissement et du Commerce extérieur, Kan Zaw, a appelé à une collaboration efficace entre le consortium Kyauk Phyu SEZ et le consortium chinois CITIC pour accélérer le projet. Le port et la ZES de Kyaukphyu sont essentiels au Corridor Économique Chine-Birmanie. Kyaukphyu est le point de départ du pipeline Chine-Birmanie. L’AA a capturé une grande partie de l’État de Rakhine, mais a exprimé sa volonté de résoudre le conflit par la voie politique. Malgré les tensions, les activités économiques se poursuivent à Kyaukphyu en raison des importants intérêts chinois dans la région.
La société énergétique russe Rosatom et la société birmane Zeya & Associates s’apprêtent à mettre en œuvre un projet d’énergie éolienne de 200 MW près du Mont Popa dans le canton de Kyaukpadaung, dans la région de Mandalay. Zeya & Associates, dirigée par Zeya Thura Mon, un proche du régime militaire, a signé plusieurs accords avec Rosatom, notamment pour le développement de technologies nucléaires non énergétiques. Depuis le coup d’État de 2021, les coupures de courant se sont aggravées en Birmanie en raison de la mauvaise gestion économique de la junte. La production d’électricité a chuté d’au moins un tiers, notamment en raison de la diminution de la disponibilité du gaz naturel. La junte a récemment augmenté les tarifs de l’électricité, ce qui a considérablement alourdi les factures des ménages. Dans le même temps, les coupures de courant se sont allongées, entraînant de graves difficultés pour la population.
L’opérateur mobile birman Telecom International Myanmar Co Ltd, plus connu sous le nom de « Mytel » est désormais sur la liste des sanctions américaines du département du commerce pour ses services de surveillance et liens financiers avec l’armée du pays. Elle a été sanctionnée pour « actions et activités contraires à la sécurité nationale et aux intérêts de la politique étrangère des Etats-Unis ». « Mytel » est une coentreprise de Viettel Global Investment de l’armée vietnamienne (49 %), Star High Co, une filiale de l’entreprise militaire Myanmar Economic Corporation (28 %) et Myanmar National Telecom Holding Public Co Ltd, un consortium de 11 compagnies birmanes (23 %).
Le ministère birman de l’information a lancé sa quatrième nouvelle chaîne de télévision sur la plateforme MRTV DTH (Myanmar Radio and Television – Direct to Home), appelée « Myansat » le 15 janvier 2025. « Myansat » est la marque de télévision par satellite de Borderless Broadcast Co Ltd, constituée en Birmanie en tant qu’entreprise locale, signé avec MRTV pour le système DTH le 5 novembre 2023. Le « Myansat » DTH vise deux forfaits, 1 de 98 chaînes internationales et l’autre de 76 chaînes, coopérant avec les médias de divertissement pour diffuser le patrimoine culturel, les traditions et les cultures du pays, les ressources naturelles, les informations locales et les programmes de divertissement internationaux. Elle travaille avec China Rocket Co Ltd, Laosat Co Ltd et China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC). Myansat et China AID en ont profité de l’occasion pour mettre en avant des actions de RSE communes, indiquant souhaiter accroître, grâce à l’offre audiovisuelle, les connaissances sur le secteur de l’agriculture et de l’élevage dans les zones frontalières, développer l’éducation des jeunes et réduire la pauvreté, et procéder à des distributions de matériels audiovisuels et électriques dans 100 villages sur deux ans.
Société/Répression/Conflit
Les opérations de secours ont été suspendues après la récupération de 32 corps sur le site d’un effondrement de mine de jade dans le canton de Hpakant, dans l’État de Kachin. L’éboulement, provoqué par l’effondrement d’un bassin de rétention, a enseveli plus de 50 maisons et tentes de travailleurs. Les conditions de travail dans les mines de jade sont extrêmement dangereuses en raison du manque de réglementation et de l’impunité dont jouissent les compagnies minières. Les glissements de terrain sont fréquents à Hpakant, centre mondial de l’extraction du jade, en raison de l’exploitation minière intensive et de l’absence de mesures de sécurité appropriées. Ce dernier éboulement, survenu le 13 janvier, a fait craindre un nombre élevé de victimes disparues. La communauté internationale, dont le Pape François, a appelé à l’aide pour les personnes touchées par cette catastrophe.
Les frappes aériennes de l’armée sont la principale cause de décès de civils dans la guerre civile birmane. Cependant, le chef de l’armée de l’air, Htun Aung, a décidé que la campagne aérienne en cours n’était pas suffisamment létale. S’adressant aux diplômés du Cours de pilotage de l’armée de l’air lors d’une cérémonie à Meiktila, dans la région de Mandalay, le 16 janvier dernier, il a exigé un haut niveau de préparation au combat et un désir inébranlable de victoire. L’Assistance Association for Political Prisoners (AAPP) rapporte que les frappes aériennes de la junte ont tué 45 civils en décembre. En janvier, les raids aériens ont fait au moins 60 victimes civiles, dont des enfants et des femmes, dans 15 villes de sept régions et États, selon le décompte de The Irrawaddy. La junte et ses alliés ont tué au moins 6 131 civils depuis le coup d’État de 2021, selon l’AAPP. Htun Aung, nommé chef de l’armée de l’air en 2022, a été sanctionné par les États-Unis et la Grande-Bretagne pour avoir dirigé cette campagne.
Le régime birmane a offert cinq éléphantes et un mâle au Grand Cirque d’État de Moscou. Ce geste célèbre le 75e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux nations. L’ambassadeur de Birmanie en Russie, U Thit Lin Ohn, a déclaré que la sélection des éléphants s’était faite « sous la supervision attentive du Premier ministre birman, Min Aung Hlaing ». Les éléphants, vénérés en Birmanie comme symboles de pouvoir et de bonne fortune, occupent une place particulière dans la culture du pays. Ce geste diplomatique souligne leur rôle dans les tentatives de favoriser la bonne volonté et les partenariats internationaux, s’appuyant sur des initiatives similaires telles que le transfert d’éléphants à Fukuoka au Japon en 2024. Depuis le coup d’État de 2021, la Birmanie et la Russie ont renforcé leur coopération militaire et diplomatique. Min Aung Hlaing, s’est rendu en Russie en 2021 et deux fois en 2022, rencontrant le président russe Vladimir Poutine. Le régime birman a reçu six avions de combat Su-30 commandés à la Russie.
La Force frontalière Karen (BGF) a annoncé une répression contre le travail forcé, suite à l’enlèvement de célébrités chinoises exploitées dans des centres d’escroquerie qu’elle contrôle à la frontière Birmano-Thaïlandaise. Cette annonce, faite lors d’une réunion d’urgence à Myawaddy (État Karen) avec la DKBA et des hommes d’affaires chinois, intervient après des avertissements du gouvernement chinois et un renforcement des contrôles frontaliers thaïlandais. Le chef de la BGF, le colonel Saw Chit Thu, lié à la junte birmane et impliqué dans des activités de jeu et d’escroquerie à Myawaddy, a instauré de nouvelles réglementations, menaçant de fermeture ou d’expulsion les entreprises non conformes. Myawaddy, plaque tournante commerciale, est connue pour ses centres d’escroquerie gérés par des criminels chinois, notamment à Shwe Kokko et KK Park, foyers de criminalité transnationale (fraude en ligne, trafic de drogue, traite d’êtres humains) avec de nombreux cas de travail forcé et de torture.
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