Gavroche a sélectionné pour vous quelques nouvelles saillantes en Birmanie durant cette semaine écoulée. Un survol de l’actualité indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à ce pays d’Asie du Sud-Est.
Politique, Diplomatie
Le gouvernement militaire birman et l’Armée de l’Alliance Démocratique Nationale Birmane (MNDAA), qui contrôle de vastes zones frontalières avec la Chine, ont signé un nouvel accord de cessez-le-feu. Le précédent accord, conclu en janvier de l’année dernière, n’avait pas été respecté par les deux parties. La Chine a joué un rôle clé dans la négociation de cet accord, finalisé à la mi-janvier, a déclaré Mao Ning, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, lors d’une conférence de presse à Pékin.
Certains partis politiques birmans ont proposé au régime d’étendre la loi sur la conscription et d’encourager les combattants de la résistance à réintégrer l’État, selon les déclarations du régime. Cette suggestion a été formulée par des représentants d’un groupe de travail de partis politiques, dirigé par U Ko Ko Gyi, leader de la Génération 88 et président du Parti du Peuple. Ils ont présenté leur proposition au Comité national de négociation pour la solidarité et la paix, dirigé par le lieutenant-général Tun Tun Naung, lors de réunions tenues à Naypyitaw jeudi et vendredi derniers.
La loi birmane impose un service militaire obligatoire de deux à cinq ans pour les hommes âgés de 18 à 35 ans et les femmes de 18 à 27 ans. Depuis mars dernier, le régime a déjà mobilisé neuf vagues de conscrits, représentant plus de 30 000 hommes pour lutter contre les rébellions.
Le régime militaire birman s’est engagé à fournir une aide humanitaire aux personnes déplacées par les combats. Lors d’une réunion du gouvernement, Min Aung Hlaing, a déclaré que son régime établissait des listes de personnes déplacées en vue de la distribution de l’aide par l’intermédiaire du fonds de gestion des catastrophes naturelles. Le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies signale que plus de 3,5 millions de personnes ont été déplacées par les combats en Birmanie, soit cinq fois plus que les 650 000 personnes déplacées avant le coup d’État. La région de Sagaing compte le plus grand nombre de personnes déplacées, suivie de l’État de Rakhine et de la région de Magwe.
Alors que la politique « America First » de Donald Trump a suscité des inquiétudes parmi les citoyens birman, qui craignent que leur lutte pour la démocratie ne disparaisse du radar de Washington, le régime militaire envisage d’améliorer ses relations avec les États-Unis. Le 24 janvier, le porte-parole du régime, le major-général Zaw Min Tun, a exprimé son optimisme quant à la possibilité d’établir des liens plus amicaux avec les États-Unis sous l’administration de M. Trump. Il a déclaré à Voice of America (VOA) que le régime accordait une grande importance à la promotion de relations fortes et amicales avec les États-Unis et d’autres pays.
En marge du Forum économique mondial 2025 à Davos, le Premier ministre vietnamien Phạm Minh Chính a rencontré Julie Bishop, envoyée spéciale de l’ONU pour le Myanmar, pour discuter de la situation dans ce pays. Phạm Minh Chính a réaffirmé l’engagement du Vietnam à œuvrer pour la paix et la stabilité en Asie du Sud-Est, rejetant les embargos qui affectent la population birmane, tout en appelant à une résolution de la crise par un dialogue inclusif. Julie Bishop a insisté sur la nécessité de cesser la violence, de protéger les civils et de favoriser un dialogue entre toutes les parties prenantes. Elle a également exprimé son engagement à collaborer étroitement avec l’ASEAN pour promouvoir une solution pacifique à la crise birmane.
Le 24 janvier, le ministre du régime militaire, Tin Aung San, a participé à une réception pour le Nouvel An chinois à l’hôtel Inya Lake de Rangoun, où il a porté un toast avec l’ambassadeur chinois Ma Jia pour le Pauk-Phaw, c’est-à-dire les relations fraternelles entre les deux pays. Le ministre s’est joint à la réception à la place de Min Aung Hlaing, qui était absent bien qu’il ait participé à l’événement les années précédentes. Tin Aung San, qui s’est rendu à Pékin en tant que ministre de la défense, a exprimé sa profonde gratitude pour le soutien apporté par la Chine à ce qu’il a appelé le processus de paix et de réconciliation nationale de la Birmanie.
Le Premier ministre malaisien, Anwar Ibrahim, a exhorté à des actions plus fermes pour résoudre la crise en Birmanie. Lors de la session plénière de l’ASEAN au Forum économique mondial 2025, il a souligné l’importance d’une gouvernance pour restaurer la paix et la stabilité dans la région. Anwar a déclaré que l’ASEAN coordonnera ses efforts avec les Nations Unies et que des pays comme la Thaïlande s’engageront avec la Birmanie à un niveau différent, tout en évitant de répéter les erreurs du passé. Il a également rappelé que le régime de Naypyidaw, exclu des sommets depuis 2021, n’a pas mis en œuvre le consensus en cinq points de l’ASEAN, malgré son engagement initial.
Économie
Zeya & Associates Co. Ltd, une entreprise birmane dirigée par Zeya Thura Mon, et la société russe Rosatom ont présenté, le 14 janvier, au ministre en chef de la région de Mandalay les résultats d’une étude de faisabilité pour un projet éolien de 200 MW à Kyaukpadaung. Les autorités locales ont exprimé leur volonté d’accélérer le développement de ce projet. Cette collaboration entre Zeya, un contractant EPC spécialisé dans l’énergie ayant notamment travaillé avec l’entreprise chinoise VPower en Birmanie, et NovaWind, filiale de Rosatom, a été initiée lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg en juin 2023. Par ailleurs, le ministère birman de l’Énergie aurait signé huit protocoles d’entente pour des projets éoliens, dont trois avec Rosatom. Outre le projet de Kyaukpadaung, ces accords incluent un projet de 116 MW dans le canton de Minhla et un autre de 56 MW dans le canton de Mindon, tous deux situés dans la région de Magway.
Malgré les conflits armés qui secouent le pays, la Birmanie et la Chine poursuivent leur collaboration sur des projets d’infrastructure majeurs. Le projet de zone économique spéciale de Kyaukphyu, un port en eau profonde et un élément clé du Corridor économique Chine-Birmanie, est au cœur de ces discussions. Les deux pays ont récemment organisé des réunions pour accélérer la mise en œuvre de ce projet, malgré les défis sécuritaires posés par les groupes armés ethniques qui contrôlent une partie du territoire. Un pari risqué pour la junte birmane. En donnant un nouvel élan à ces projets, la junte militaire birmane cherche à renforcer ses liens avec la Chine, son principal allié. Pékin, de son côté, voit dans ces investissements une opportunité d’étendre son influence en Asie du Sud-Est et de sécuriser ses approvisionnements en ressources naturelles.
La station balnéaire de Chaungtha, autrefois très prisée des touristes birmans et russes, est désormais déserte. Les combats entre l’armée birmane et l’Armée arakan (AA) se rapprochent dangereusement de la région, poussant les habitants et les touristes à fuir. Les hôtels ferment les uns après les autres, les réservations sont annulées et l’atmosphère est tendue. Les espoirs du régime de développer le tourisme dans cette zone, notamment en attirant une clientèle russe, sont compromis. Un impact économique et social important. Cette situation a des conséquences économiques et sociales importantes pour la région. De nombreux habitants dépendant du tourisme se retrouvent sans emploi. Les entreprises locales, hôtels et restaurants en tête, subissent de lourdes pertes financières. La dégradation de la sécurité a également un impact psychologique sur les populations locales, qui vivent dans l’incertitude et la peur.
La Russie exprime un intérêt grandissant pour le développement économique du pays. Moscou souhaite s’impliquer dans le projet de Zone économique spéciale (ZES) de Dawei, un projet d’envergure qui vise à transformer la région de Tanintharyi en un important hub commercial en Asie du Sud-Est. Ce projet, initialement porté par la Thaïlande, a connu de nombreux retards en raison de l’instabilité politique en Birmanie. Un contexte géopolitique complexe. La décision de la Russie de s’engager dans ce projet s’inscrit dans un contexte géopolitique complexe. La Chine et l’Inde ont également manifesté leur intérêt pour des projets similaires en Birmanie, cherchant à étendre leur influence dans la région. Pour le régime birman, ces investissements étrangers sont une bouée de sauvetage économique, mais ils soulèvent également des questions sur la souveraineté du pays et les risques de dépendance vis-à-vis de puissances étrangères.
Société/Répression/Conflit
Le régime birman, sous pression de la Chine, affirme collaborer avec la Thaïlande pour éradiquer les escroqueries transfrontalières. Face à l’escalade des activités criminelles orchestrées par des syndicats chinois dans des villes frontalières comme Myawaddy, la junte birmane se voit contrainte de coopérer avec ses voisins. Des réunions bilatérales ont eu lieu entre la Birmanie et la Thaïlande pour discuter de stratégies communes visant à lutter contre la traite des personnes et les escroqueries en ligne. Ces initiatives font suite à une pression internationale croissante, notamment de la part de la Chine, dont de nombreux citoyens sont victimes de ces arnaques. Bien que le régime ait officiellement condamné ces activités illégales, des doutes subsistent quant à sa véritable implication dans leur répression. Des accusations ont été portées contre certains membres du régime, notamment des responsables de la Border Guard Force, qui seraient impliqués dans ces opérations.
Un médecin et un civil ont été tués, et au moins 20 autres personnes blessées, lors du double bombardement par un avion de chasse du régime, de l’hôpital général de Kyaukme, contrôlé par l’Armée de libération nationale Ta’ang (TNLA), dans le nord de l’État Shan, samedi après-midi, selon des sources médiatiques. Les frappes ont entièrement détruit les bâtiments de l’hôpital. Mercredi, le régime avait également bombardé un salon de thé dans la ville de Nawnghkio, également sous contrôle de la TNLA, tuant au moins huit civils.
Après des mois de combats violents et de déplacements forcés, les habitants de Lashio, en Birmanie, envisagent avec précaution de regagner leurs foyers. La récente signature d’un cessez-le-feu entre le régime militaire et l’armée ethnique MNDAA offre un semblant d’espoir. La reprise des échanges commerciaux et la restauration de certains services publics par le MNDAA sont perçues comme des signes encourageants. Cependant, la méfiance reste forte, nourrie par un long historique de violations des accords de cessez-le-feu dans la région. Les conditions de vie précaires dans les zones de déplacement, bien que difficiles, font hésiter de nombreux habitants à risquer un retour qui pourrait s’avérer temporaire. Par ailleurs, la situation sécuritaire demeure instable : les tensions latentes entre les différents groupes armés font planer le spectre d’un nouvel embrasement.
L’Union nationale karen (KNU) a déclaré, vendredi 24 janvier, qu’environ 3 136 soldats du régime avaient été tués et 2 225 blessés au cours de 3 229 affrontements sur son territoire l’année dernière. Par ailleurs, la KNU a indiqué que près de 100 combattants anti-régime avaient perdu la vie et 325 avaient été blessés au cours de ces affrontements.
L’organisation régionale de défense des droits de l’homme Fortify Rights a accusé l’Armée d’Arakan (AA) d’avoir exécuté des prisonniers de guerre, selon un rapport publié jeudi, basé sur des vidéos divulguées. L’organisation a exhorté la Cour pénale internationale (CPI) à enquêter sur ces exécutions extrajudiciaires impliquant la torture et le meurtre de deux détenus devant une fosse peu profonde. « La torture et l’exécution sommaire de civils ou de soldats ennemis capturés sont des crimes de guerre », a déclaré Ejaz Min Khant, associé aux droits de l’homme chez Fortify Rights. Il a rappelé que les soldats ennemis capturés doivent être traités avec dignité en tant que prisonniers de guerre, conformément aux protections des Conventions de Genève, et que les responsables de tels actes doivent être traduits en justice. Fortify Rights a analysé deux vidéos, datées du 25 décembre et du 19 janvier, montrant les présumées exécutions. L’organisation affirme que ces enregistrements sont authentiques.
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