Gavroche a sélectionné pour vous quelques nouvelles saillantes en Birmanie durant cette semaine écoulée. Un survol de l’actualité indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à ce pays d’Asie du Sud-Est.
Politique, Diplomatie
La Birmanie connaît cette semaine une nouvelle escalade de violences dans l’État Rakhine. Le 23 mai, des enquêteurs de l’ONU ont annoncé qu’ils enquêtaient sur des crimes de guerre potentiels à la suite d’affrontements entre l’armée birmane et l’Armée Arakan (AA). Ces combats ont entraîné le déplacement de milliers de civils, principalement des Rohingyas, une minorité déjà sévèrement persécutée par le passé. L’ONU a également dénoncé des violations du droit de la guerre et rappelé que les civils ne doivent pas être pris pour cible. L’équipe d’enquêteurs, qui n’a jamais été autorisée à se rendre en Birmanie, a lancé un appel aux témoins et aux personnes disposant d’informations sur des crimes ou des ordres illégaux afin de recueillir des preuves et d’établir des dossiers pour de futures poursuites pénales.
L’ONU a exprimé sa profonde préoccupation face à l’escalade de la violence dans les cantons de Buthidaung et Maungdaw, dans l’État d’Arakan, en Birmanie. Des maisons rohingyas auraient été incendiées depuis le 17 mai, selon les habitants. Le porte-parole du secrétaire général Stéphane Dujarric a appelé toutes les parties à désamorcer les tensions et à prévenir de nouvelles atrocités. Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a exhorté les groupes armés à cesser les combats pour permettre l’accès humanitaire aux civils dans le besoin. L’armée d’Arakan (AA) nie toute implication dans les incendies et rejette la responsabilité sur les groupes armés rohingyas et l’armée birmane.
Le chef de la junte birmane, Min Aung Hlaing, souhaite développer l’industrie aérospatiale birmane. Il a rencontré cette semaine à Rangoun le directeur général adjoint de Roscosmos, l’agence spatiale russe, pour discuter de coopération dans ce domaine. L’objectif est d’envoyer des étudiants birmans se former en Russie et de bénéficier de l’aide de la Russie pour développer les ressources humaines nécessaires. La Russie fournit déjà une formation avancée aux officiers militaires birmans depuis de nombreuses années. Cette rencontre s’inscrit dans le cadre d’un partenariat multisectoriel croissant entre les deux régimes, qui coopèrent désormais également dans les domaines de l’enseignement supérieur et de la religion.
Économie
Le vice-chef de la junte birmane, Soe Win, a salué la réussite de la zone économique spéciale de Thilawa, soutenue par le Japon, lors d’une réunion du Comité central sur les zones économiques spéciales de la Birmanie (SEZ). Cependant, derrière ce satisfecit apparent, il a imposé une pilule amère aux industriels de Thilawa en les exhortant à installer leurs propres systèmes d’électricité solaire pour assurer la continuité de leurs activités. Il a ensuite affirmé que cela permettrait au régime de fournir davantage d’électricité aux autres régions et États en ayant besoin, masquant ainsi la responsabilité de la junte dans les coupures de courant persistantes. Depuis le coup d’État de 2021, le secteur de l’énergie est en chute libre, les coupures de courant fréquentes et programmées durant plus longtemps que prévu. Malgré son projet de production d’électricité grâce à l’expertise nucléaire de la Russie, un important fournisseur d’armes, et la reprise du projet hydroélectrique du barrage de Myitsone soutenu par la Chine, le régime a récemment annoncé qu’il ne fournirait que deux heures d’électricité par jour aux zones industrielles birmanes.
Lors de la même réunion, Soe Win a exhorté le comité de gestion de la zone économique spéciale de Dawei et les autorités locales à trouver des constructeurs pour le projet de port en eaux profondes et de zone économique dans la région de Tanintharyi. Le régime et son principal fournisseur d’armes, la Russie, ont discuté d’une coopération pour la zone et le port de Dawei. Min Aung Hlaing, chef de la junte, a déclaré à l’agence de presse russe ITAR-TASS le 18 mars que son régime cherchait l’aide de Moscou pour relancer ce projet en difficulté, qui est une coentreprise entre la Birmanie, la Thaïlande et le Japon. Il s’est vanté que le port de Dawei pourrait accueillir des navires de plus de 200 000 tonnes. Des observateurs doutent cependant de la capacité du régime à ressusciter le projet en raison des combats acharnés alors que les forces de résistance gagnent du terrain dans le canton de Dawei.
Le commerce birman a subi une baisse significative de 6,8 % au cours du premier mois et demi de l’exercice fiscal en cours. Cette chute s’explique principalement par la fermeture des postes frontières, notamment ceux situés à la frontière chinoise. Les combats dans la région ont rendu les routes commerciales dangereuses et dissuadé les importateurs chinois d’acheter des produits birmans. La prise de contrôle de plusieurs postes frontières par des groupes armés ethniques a également contribué à la baisse des échanges. Les affrontements dans l’ouest du pays ont perturbé le commerce frontalier avec le Bangladesh, et les postes de Sittwe et Maungdaw n’ont enregistré aucune activité en raison de l’escalade des combats entre l’armée birmane et l’armée Arakan. Bien que la frontière thaïlandaise ait connu une baisse moins importante, le commerce a également diminué à certains postes comme Myawaddy et Htee Khee en raison des conflits dans l’État de Karen. Face à l’insécurité croissante et aux fermetures de postes frontières, les importateurs birmans sont contraints d’emprunter des routes alternatives plus coûteuses et instables pour acheminer les marchandises en provenance de Chine et de Thaïlande, ce qui contribue à l’inflation et pèse sur le pouvoir d’achat des consommateurs birmans.
Société/Répression/Conflit
Le régime militaire birman a créé un organisme pour évaluer les projets hydroélectriques sur le fleuve Irrawaddy. Cette décision suscite des inquiétudes quant à une possible reprise du barrage controversé de Myitsone, situé près de la source du fleuve dans l’État Kachin, et abandonné il y a plus de dix ans face à la pression populaire. Cet organisme, dirigé par le vice-ministre de l’électricité du régime, Aye Kyaw, a été formé le 24 avril selon la gazette officielle du 17 mai. Le ministre des ressources naturelles de l’État Kachin, nommé par la junte, en est le vice-président. Selon les médias de la junte, l’organisme effectuera des recherches, développera des solutions techniques et gérera les relations publiques pour les projets du fleuve Irrawaddy, en collaboration avec le développeur chinois du projet de Myitsone, la State Power Investment Corporation Yunnan International Power Investment Co. Ltd.
La junte tente de renforcer ses troupes par la conscription. Le régime peine à atteindre ses objectifs de recrutement. Le chef d’état-major a menacé de poursuites judiciaires les réfractaires et a admis des difficultés pour les deux premiers quotas. Malgré l’inscription de 14 millions de personnes sur la liste des conscrits potentiels, de nombreux hommes ont fui le pays pour éviter l’enrôlement, et d’autres ont rejoint les forces rebelles. Le régime a tenté d’endiguer l’exode en interdisant la sortie du territoire aux hommes âgés de 23 à 32 ans. Face au moral en baisse de ses soldats et aux pertes territoriales, la junte envisage même de conscrire des femmes célibataires lors d’une prochaine vague de recrutement. Cette mesure suscite l’inquiétude des organisations de défense des droits humains, qui craignent que les femmes soient exposées à des violences et à des abus de la part des soldats. La conscription forcée est également une violation du droit international humanitaire, qui interdit le recrutement de personnes par la force. La situation en Birmanie reste donc très préoccupante.
Les frappes aériennes de la junte birmane ont fait un nombre effarant de victimes civiles depuis le coup d’État de 2021. Un rapport d’une organisation de surveillance publié cette semaine révèle que plus de 359 civils, dont 61 enfants, ont été tués et 756 autres blessés au cours des quatre premiers mois de 2024. Ce chiffre marque une hausse constante depuis 2021, avec 63 morts, puis 260 en 2022 et 613 en 2023. Le rapport dénonce également la destruction d’infrastructures civiles. Les frappes aériennes ont visé des écoles, des centres de santé et des édifices religieux.
La Birmanie devait initialement accueillir le concours de beauté Miss Grand International cette année, mais l’organisateur thaïlandais a dû annuler suite à la guerre civile qui sévit dans le pays. Les combats ont provoqué une chute drastique du tourisme et la ville de Yangon, initialement prévue pour accueillir l’événement, connaît un couvre-feu nocturne, des coupures de courant et un climat d’insécurité. Ce n’est pas la première fois que le contexte politique birmane impacte le concours. En 2021, la candidate birmane avait publiquement critiqué la junte lors de l’édition thaïlandaise et s’était retrouvée bloquée à l’aéroport de Bangkok avant d’obtenir l’asile au Canada.
L’ONG Global Witness, spécialisée dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles dans les pays en développement, a publié une étude dénonçant l’impact environnemental des mines de terres rares en Birmanie. Vous pouvez la retrouver ici.
Depuis le coup d’État de 2021 en Birmanie, des dizaines de milliers de réfugiés ont fui vers la Thaïlande, où ils vivent dans des conditions précaires le long de la frontière. Sans statut légal, ils risquent d’être arrêtés et expulsés. Un rapport du Border Consortium (TBC) met en lumière leurs luttes quotidiennes pour survivre et leur résilience face à l’adversité. Le rapport souligne également l’urgence de mobiliser des fonds supplémentaires pour soutenir ces communautés vulnérables,avec des coûts mensuels estimés à 7 millions de THB (190 000 USD).
Une enquête du groupe de défense des droits humains Justice for Myanmar a révélé que des ressortissants et des entités étrangers sont impliqués dans des opérations de cyberarnaque menées par la Force des gardes-frontières (BGF) dans l’État de Karen. Le BGF s’est récemment rebaptisé Karen National Army (KNA). Selon Justice for Myanmar, des entreprises et des individus de Malaisie, de Thaïlande, de Hong Kong, de Singapour, de Chine et du Cambodge seraient impliqués dans ces activités illégales. Des représentants de banques thaïlandaises auraient même rencontré la BGF/KNA pour discuter du financement de leurs opérations. Justice for Myanmar appelle à des sanctions immédiates contre la BGF/KNA et à une enquête approfondie sur l’implication d’étrangers dans ces crimes transnationaux.
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