Gavroche a sélectionné pour vous quelques nouvelles saillantes en Birmanie durant cette semaine écoulée. Un survol de l’actualité indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à ce pays d’Asie du Sud-Est.
Politique, Diplomatie
Min Aung Hlaing a exhorté les fonctionnaires des gouvernements central et régional de Rangoun à renforcer la protection de la capitale commerciale, lors d’une réunion consacrée à la sécurité et au développement. Le général de division Zaw Hein, chef du commandement de Rangoun, a profité de cette rencontre pour signaler l’arrestation de combattants anti-régime et la saisie d’armes. Bien que Min Aung Hlaing ait reconnu qu’aucun système de sécurité n’est infaillible, il a insisté sur la nécessité de rester vigilant face aux menaces. Après avoir survécu en juin à une tentative d’assassinat orchestrée par la résistance, lors de l’inauguration d’un pont entre Rangoun et Thanlyin, le chef de la junte a ordonné à son cabinet de se préparer à d’éventuels complots terroristes. Il a notamment demandé l’élimination des repaires de groupes insurgés à Rangoun et dans ses environs. Les attaques de guérilla contre d’anciens officiers militaires et des personnalités proches du régime ont été fréquentes à Rangoun jusqu’à la mi-2023, soulignant l’instabilité persistante dans la région.
Le mardi 8 octobre, lors d’un briefing à Naypyitaw, le ministre des Affaires étrangères du régime birman a sollicité le soutien des agences des Nations Unies en vue d’organiser une « campagne électorale ». Cette demande intervient alors que des rapports indépendants ont révélé des crimes de guerre, notamment des frappes aériennes visant des civils et des infrastructures essentielles. En dépit des condamnations internationales, le régime persiste à vouloir légitimer son autorité à travers des élections orchestrées dans un contexte de répression et de violence généralisée. Les agences des Nations Unies se trouvent ainsi dans une position délicate, partagées entre la nécessité de coopérer avec la junte pour délivrer une aide humanitaire et l’obligation de dénoncer publiquement ses violations des droits humains.
Malgré les efforts de la junte militaire birmane pour présenter une image de stabilité et de coopération régionale, le 10 octobre dernier, lors de la 18ème réunion des chefs de la marine de l’ASEAN à Naypyitaw, la plupart des pays membres ont manifesté leur désapprobation. En effet, aucun chef d’Etat major de la marine n’a assisté à cette rencontre, habituellement un événement majeur de coopération régionale. Ce boycott diplomatique est une réponse directe aux agissements de la junte depuis le coup d’État de février 2021. Les violations des droits de l’homme, les conflits armés et la dégradation de la situation humanitaire en Birmanie ont isolé le régime sur la scène internationale.
La Thaïlande propose de relancer le dialogue sur la crise birmane. Face à la stagnation des efforts pour résoudre la crise en Birmanie, la Thaïlande a proposé d’accueillir des pourparlers informels entre les États membres de l’ASEAN en décembre. Cette initiative, soutenue par le Laos et la Malaisie, vise à relancer le dialogue et à trouver une solution pacifique au conflit. Les dirigeants de l’ASEAN ont réitéré leur préoccupation face à la situation en Birmanie et ont appelé à la désescalade de la violence.
L’Organisation nationale de libération des Pa’O (PNLO) a annoncé dimanche l’expulsion de son leader, Khun Okkar, ainsi que de deux secrétaires pour violation des règles internes. Le 11 septembre, Khun Okkar et 15 autres membres avaient démissionné avant de former, le 9 octobre, un nouveau groupe nommé Signataires de l’Accord de cessez-le-feu national (NCA-S). La PNLO accuse Khun Okkar et ses alliés d’avoir enfreint la constitution de l’organisation en créant un groupe « illégal » avant la confirmation de leur démission. De son côté, Khun Okkar reproche à la PNLO de s’être éloignée du cadre du NCA en s’opposant militairement à l’armée dans la zone auto-administrée des Pa’O, située dans le sud de l’État Shan.
Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a exhorté l’ASEAN et les pays voisins de la Birmanie à « user de leur influence » pour mettre fin à la crise qui secoue le pays depuis le coup d’État de 2021. « La situation humanitaire se détériore rapidement. Un tiers de la population a un besoin urgent d’aide, et des millions de personnes ont été déplacées », a déclaré Guterres lors du sommet ASEAN-ONU du 11 octobre. Il a également exprimé son soutien au renforcement de la coopération entre l’envoyé spécial de l’ONU et la présidence de l’ASEAN pour explorer des solutions innovantes visant à promouvoir un processus de paix piloté par la Birmanie elle-même.
Économie
La Banque centrale birmane a durci les règles de conversion des recettes d’exportation pour les entreprises du secteur textile. Alors qu’en août, la part des revenus à convertir en kyats avait été réduite de 35 % à 25 %, les entreprises de la filière cut-make-pack (CMP) doivent désormais convertir 100 % de leurs recettes en MMK le jour même. Toutefois, cette conversion peut être effectuée via des plateformes bancaires en ligne, qui proposent un taux plus avantageux, avoisinant 3600 MMK/USD, contre le taux officiel de 2100 MMK/USD. Ces règles visent à renforcer les réserves en devises de la Banque centrale, laquelle redistribue ces devises au taux officiel pour financer l’importation de produits essentiels, tels que le pétrole et l’huile de cuisine. Cependant, l’écart important entre le taux officiel et le taux du marché parallèle réduit les revenus réels des exportateurs et compromet leur capacité à importer les intrants nécessaires au bon fonctionnement de leurs activités. Cette situation pèse sur la viabilité du secteur et aggrave les difficultés des entreprises confrontées à des contraintes financières accrues.
La Banque centrale du Myanmar (CBM) a injecté des devises étrangères à plusieurs reprises en octobre, notamment 730 000 dollars américains (USD) le 11 octobre, ainsi que 12,4 millions USD, 38,7 millions de bahts et 660 000 yuans le 9 octobre. En septembre, plus de 76 millions USD, 86 millions bahts et 4,8 millions yuans ont été injectés sur les marchés financiers, tandis qu’en août, la CBM a vendu 190 millions dollars, 19 millions yuans et 79 millions bahts. Ces injections visent à freiner la dévaluation de la monnaie locale et l’instabilité du marché des changes. La CBM collabore avec les forces de l’ordre pour réprimer toute tentative de manipulation du marché, conformément à sa notification du 15 mars.
Société/Répression/Conflit
Plus de 20 personnes soupçonnées d’être des informateurs de la junte ont été arrêtées à Lashio, dans le nord de l’État Shan, désormais sous le contrôle de l’Armée de l’alliance démocratique nationale du Myanmar (MNDAA) depuis début octobre. Selon des sources proches du groupe, les frappes aériennes de l’armée birmane se poursuivent sans relâche depuis cette prise de pouvoir. Le Réseau social de réhabilitation de Lashio a confirmé ces arrestations le 10 octobre, précisant que des personnes innocentes avaient été relâchées après vérification.
La junte birmane poursuit sa répression des opposants. Un nouvel épisode de la répression s’est produit à Rangoun avec l’arrestation le 9 octobre de Paing Phyo Min, un activiste pro-démocratie. Ce dernier, qui avait déjà été emprisonné pour avoir critiqué l’armée, est devenu une figure de proue de la résistance depuis le coup d’État de 2021. Les autorités birmanes ont également arrêté Shein Wai Aung et sa famille. Ces arrestations s’inscrivent dans un contexte de répression généralisée contre toute forme de dissidence, avec plus de 27 000 personnes arrêtées depuis le coup d’État.
Les défenseurs des droits de l’homme alertent sur la situation. Des organisations comme Amnesty International dénoncent les conditions de détention et les actes de torture commis par la junte birmane. La communauté internationale est appelée à condamner ces pratiques et à exiger la libération immédiate des prisonniers politiques. Malgré la pression internationale, le régime militaire semble déterminé à étouffer toute opposition et à consolider son pouvoir.
Cette semaine, près de mille personnes ont rendu un dernier hommage à Dr. Zaw Myint Maung, un dirigeant de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD). Malgré la présence massive de forces de sécurité armées, la procession funéraire a été suivie par une foule importante, témoignant de l’affection et du respect dont jouissait le défunt. Dr. Zaw Myint Maung, âgé de 73 ans, est décédé des suites d’une leucémie après avoir passé plusieurs années en détention depuis le coup d’État de 2021.
L’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP) a rapporté que 103 prisonniers politiques sont morts en détention depuis le coup d’État de 2021, dont 63 en raison de soins médicaux insuffisants dans les prisons du pays. Thaik Tun Oo, porte-parole du Réseau des prisonniers politiques du Myanmar (PPNM), a appelé les organisations internationales à soutenir les efforts visant à garantir un accès adéquat aux soins pour les détenus. Le cas de Zaw Myint Maung illustre cette crise : libéré pour raisons médicales, il est décédé à l’hôpital général de Mandalay le 7 octobre, à peine un jour après sa sortie de prison.
Chaque semaine, recevez la lettre d’informations Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.