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BIRMANIE – GÉOPOLITIQUE : Aung San Suu Kyi, un calvaire birman et international

Journaliste : Yves Carmona
La source : Gavroche
Date de publication : 21/12/2021
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Birmanie - Bagan

 

Notre analyse Yves Carmona, ancien Ambassadeur de France au Laos et au Népal, garde un œil très attentif sur l’évolution de la situation en Asie du Sud-Est. Il nous apporte ici un commentaire final, pour l’année 2021, sur la terrible situation qui prévaut en Birmanie.

 

Une analyse d’Yves Carmona, ancien Ambassadeur de France au Laos et au Népal.

 

Non, il ne s’est rien passé récemment, ou presque.

 

Le nombre de morts dus à la répression ne cesse d’augmenter, sans journalistes pour les compter, les ambassadeurs des pays démocratiques n’ont guère d’autres choix que de reproduire les déclarations que font leurs pays et faire leur promotion, aider ou inciter leurs ressortissants à partir … ou prendre des congés bien mérités tant est lourde la chape de plomb.

 

Aung San Suu Kyi (ASSK), 76 ans, a vu sa peine de prison réduite de 2 ans et on peut continuer d’espérer qu’elle aura la vie sauve car la junte militaire ne peut faire autrement étant donnée sa notoriété mondiale.

 

L’auteur de ces lignes ne pouvait évoquer l’une sans l’autre, ASSK sans la Birmanie tant elles sont indissolublement liées depuis qu’en 1988, les élections ont porté la Ligue Nationale au pouvoir, suivies peu de temps après par la sanglante répression du SLORC, nom alors donné à la junte militaire.

 

Que s’était-il passé en Birmanie les années précédentes, en particulier depuis la fin de la colonisation britannique ? Qui était alors ASSK ? Y a-t-il coïncidence entre la Birmanie et elle ?

 

La Birmanie a connu plus d’années d’oppression que de liberté.

 

Peu avant l’indépendance de la Birmanie en 1947, son libérateur le général Aung San, père d’ASSK, a été assassiné par des militaires birmans sans qu’on sache jusqu’à quel point les Britanniques ont été mêlés à sa disparition. Ce qui est certain, c’est l’implication de pouvoirs anti-démocratiques contre lui.

 

ASSK, à la mort de son père, n’avait que deux ans et a mené à Delhi puis Oxford la vie d’une étudiante de la haute société britannique.

 

Elle se rend d’abord à Delhi, où sa mère est ambassadrice ; elle y connaît Nehru, ses petits-fils Sanjay et Rajiv et leur mère Indira Gandhi, donc la non-violence ; puis elle va à Oxford dont elle gardera la manière distinguée de parler et un mari tibétologue anglais, Michael Aris, dont elle a eu deux fils, Alexander et Kim.

 

Elle commence sa carrière aux Nations Unies à New York mais son combat politique, engagé de manière accidentelle, l’accapare rapidement.

 

En effet, elle est rentrée à Rangoon voir sa grand-mère mourante au moment où les élections débouchent sur un bain de sang. Dès lors, sa vie se confondra avec la lutte pour la démocratie.

 

 La Birmanie est d’une rare complexité

 

Elle l’est d’abord par le cloisonnement du relief. Si on regarde la carte, on voit, comme dans d’autres États similaires, que la plaine et les montagnes sont deux mondes différents.

 

A cela s’ajoute le grand nombre de religions : on y trouve toutes les religions du Livre dans un pays où 90% de la population souscrit au bouddhisme, lui-même d’une grande diversité.

 

Plus médiatisé récemment a été le problème ethnique. ASSK s’est vu reprocher d’avoir adopté un point de vue birman devant la CPI qui prenait la défense des Rohingyas et il est probable que les critiques occidentales ont ouvert la voie au coup d’État militaire du 1er février 2021.

 

L’histoire de la Birmanie depuis la fin de la colonisation a été celle d’un progressif effondrement de la situation économique et sociale. La Birmanie était alors le grenier à riz de l’Empire et semblait promise à rester un des pays les plus puissants de la région. Aujourd’hui, elle garde des ressources considérables mais ce sont des opérateurs étrangers qui en tirent bénéfice, avec quelques compradores qui sont précisément les généraux au pouvoir. Alors, quel avenir pour la Birmanie ?

 

Commentaires

 

1/ ASSK sait par son père que la politique peut être tortueuse dans un pays à nul autre pareil – n’est ce pas la leçon du samsara bouddhique ?

 

2/ Une seule certitude : l’avenir est birman. L´Histoire pré coloniale de la Birmanie a montré que celle-ci, victorieuse ou envahie par ses voisins, se reconstituait quitte à changer de configuration.

 

3/ Nous l’avons déjà écrit, Il faut espérer qu’ASSK restera longtemps en vie. Mais que se passera-t-il quand elle ne sera plus là pour faire les travaux d’électricité auxquels elle excelle ?

 

Il ne s’agit pas que d’elle. Combien de temps les Birmans qui souffrent d’une chute dramatique de leurs ressources accepteront-ils que celles-ci bénéficient à des intérêts étrangers soutenus par des compradores, c’est-à-dire les généraux qui les oppriment ?

 

Nous l’avons également écrit, la NDC est en train de s’armer. Ce n’est donc plus seulement le combat de la Tatmadaw (l’armée birmane, 500 000 personnes en 2010) contre les minorités ethniques mais une guerre générale qui se prépare. Quelle en sera l’issue ?

 

4/ On est frappé par le profit que retire la Chine de la situation birmane ou du parallélisme de leurs Histoires.

 

– Il se trouve que l’on parle beaucoup de son adhésion à l’OMC dont on commémore les 20 ans et on se rend compte que celle-ci n’a pas apporté la démocratie ;  il en est allé de même trois ans plus tôt de la libéralisation de l’économie qu’a connu la Birmanie à la suite de son adhésion à l’ASEAN.

– les protestations des capitales occidentales ne profitent qu’à la voisine chinoise, trop heureuse de mettre son veto à toute résolution du CSNU dénonçant la junte.

– comme en Afghanistan et pour des raisons similaires (proximité, totale faiblesse), la Chine peut avant tout se préoccuper de ses intérêts.

– l’attitude américaine, en invitant au « sommet pour la démocratie » ceux qui conviennent à Washington y compris les dictateurs en laissant de côté les faibles, n’arrange rien.

 

5/ Ici comme en d’autres circonstances, je ne vois pas d’autres méthodes pour résoudre un conflit que de parler à tous ceux qui y ont un intérêt.
Dans le cas birman ils sont nombreux et les exemples où la méthode a fonctionné existent comme le conflit en Nouvelle-Calédonie et la conférence de la paix au Cambodge. On peut aussi espérer qu’elle fonctionnerait dans les pays déjà évoqués et dans ceux où le risque de guerre est fort comme le Tibet et Taïwan.

 

L’esprit de Noël souffle-t-il en Birmanie ?

 

Yves Carmona

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