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BIRMANIE – JUSTICE: L’impunité de la junte birmane mise en cause par l’Argentine

Date de publication : 17/02/2025
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Une chronique du conflit birman par François Guilbert

 

La justice internationale accorde une attention toute particulière aux violations massives des droits humains en Birmanie. Bien que plusieurs procédures aient vu ces dernières années des plaignants déboutés (ex. Allemagne (septembre 2023), Indonésie (avril 2023)), d’autres continuent de prospérer et ouvrir des mises en cause sans précédent. Ainsi devant la Cour pénale internationale (CPI), l’État birman est poursuivi mais devant la Cour internationale de justice, des magistrats philippins, turcs et argentins les incriminations pénales visent, elles, des individus.

 

En 2025, plusieurs hauts responsables de la junte devraient faire l’objet de mandats d’arrêt internationaux

 

Dans toutes ces procédures reviennent les noms des plus hauts gradés de l’armée de Nay Pyi Taw, à commencer par ceux des numéros 1 et 2 de la junte au pouvoir depuis février 2021 : les généraux Min Aung Hlaing et Soe Win. Apparaît également sur ces listes, tout comme dans les sanctions occidentales, le général Mya Tun Oo, l’actuel vice premier ministre, ministre des Transports et des communications. Il leur ait reproché d’avoir directement concouru à des actes de génocide contre les populations rohingyas voire, dans le cas de la démarche manillaise, des crimes de guerre lors de l’attaque d’un village chin en septembre 2021.

 

Toutes les procédures engagées sont pendantes. Mais, celles de la CPI et de Buenos Aires en sont arrivées au stade de la demande d’arrestation du chef de la Tatmadaw. Dans un document de 109 pages endossé le 13 février 2025, la juge argentine Maria Romilda Servini de Cubria a délivré des mandats d’arrêt à l’encontre de 23 militaires et 2 civils pour génocide, crimes aggravés, abus sexuels et torture contre des Rohingyas. Suivant les réquisitions du procureur Guillermo F. Marijuan émises en juin 2024, la magistrate fédérale octogénaire a demandé l’audition de l’ex-président de la République U Htin Kyaw et de la Conseillère pour l’État Daw Aung San Suu Kyi jugeant que sur une partie de la période dont elle était saisie (2012 – 2018), les deux plus hauts responsables civils du pouvoir exécutif pouvaient avoir, eux aussi, une responsabilité. Mme Servini dans ses attendus a dénoncé plus largement une stratégie gouvernementale et militaire ayant eu pour objet « de changer la composition ethnique de l’État Rakhine en éliminant ou réduisant la place des musulmans ».

 

Le jugement argentin est une victoire procédurale contre l’impunité des militaires birmans
C’est la première fois que des mandats publics sont délivrés dans le cadre de la compétence universelle d’une juridiction interpellée pour les crimes commis à l’encontre des Rohingyas. C’est une victoire pour les sept victimes dont six femmes qui ont déposés plaintes. C’est une victoire pour l’ONG britannique qui a initiée les démarches en novembre 2019 (Burmese Rohingya Organisation UK (BROUK) avec le soutien des experts de Legal Action Worldwide), ses soutiens locaux (ex. Fundacion Servicio Paz y Justicia, Grands-mères de la place de Mai) voire même le Mécanisme d’enquête indépendant pour la Birmanie (IIMM) créé par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies en septembre 2018 qui a partagé des informations solides sur les faits et les acteurs des violences de masse dans l’Etat Rakhine, et dont le chef est venu en Argentine en avril 2022.

 

L’étape franchie la semaine dernière est le fruit de la ténacité des plaignants, de la technicité juridique de ceux qui les conseillent mais peut-être plus encore du poids de la parole des victimes. En juillet 2021, la procédure a bien failli s’achever. Un premier tribunal avait alors considéré que l’Argentine n’était pas le lieu approprié pour répondre aux demandes des plaignantes puisqu’au même moment le Bureau du Procureur de la CPI enquêtait déjà sur les crimes évoqués devant elle. BROUK a interjeté appel de cette décision en faisant valoir les limitations juridictionnelles de la procédure de La Haye puisque la CPI n’enquêtait que sur des crimes potentiels qui avaient eu lieu en partie ou en totalité au Bangladesh, or ce dernier pays est membre de la CPI et non la Birmanie. L’argument juridique a fait mouche à la Cour d’appel fédérale et plus encore le témoignage en août 2021 d’une femme violentée sexuellement pendant l’opération dite de « nettoyage » de la Tatmadaw. Ils ont convaincu la justice argentine de la nécessité de poursuivre les investigations. Sans le revirement procédural de novembre 2021, on n’en serait pas là aujourd’hui avec 23 officiers supérieurs menacés d’arrestation en dehors de leur pays.

 

Les mandats d’arrêts de la justice argentine ne s’imposent pas encore à la communauté internationale

 

A ce stade, la décision de la cour de Buenos Aires ne préjuge pas d’un procès. Elle n’est pas non plus encore exécutoire par des pays tiers. Désormais, il appartient au procureur de transmettre ou non la demande de la justice fédérale à Interpol. Sans émission d’une notice rouge, elle n’est pas susceptible d’être mise en œuvre à l’international. Celle-ci pourra, selon les vœux du procureur, concerner toute ou partie de la liste des mis en cause. Le sujet est particulièrement sensible pour ce qui concerne les deux civils, à savoir la prix Nobel de la paix et le chef de l’État mis en place avec le soutien des parlementaires de la Ligue nationale pour la démocratie. Il est à noter que les accusateurs ont demandé l’arrestation et l’extradition des bourreaux militaires pour qu’ils soient entendus lors d’une audience préliminaire mais, dès l’année dernière, ils ont mis par écrit la nécessité de tenir compte de la situation politique présente en Birmanie pour que justice soit rendue. BROUK ne cache pas vouloir d’abord viser ceux qui ont commis et orchestré le génocide des Rohingyas bien plus que le chef de l’État et de sa cheffe de gouvernement à l’heure du déchaînement des violences contre les civils rohingyas.

 

Ne nous trompons pas, il y a d’abyssales différences entre les incriminations juridiques et politiques qui pèsent à l’endroit des chefs de l’armée et celles sur Daw Aung Suu Kyi et U Htin Kyaw. Cet écart est d’ailleurs relevé par le défenseur argentin des victimes maître Tomas Ojea Quintana. Il est d’ailleurs doublement fondé à s’exprimer sur le sujet puisqu’il fut aussi de 2008 à 2014 le Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme en Birmanie. Pour l’avenir de la Birmanie et de tout processus de sortie de paix négocié, la distinction des responsabilités dans les massacres des Rohingyas est essentielle. Il est à noter que le procureur en chef de la Cour pénale internationale, le britannique Karim Khan, a fait lui-même ce distinguo. Le mandat qu’il a sollicité en novembre 2024 a porté d’abord sur le général Min Aung Hlaing au motif de sa responsabilité personnelle dans la déportation forcée des Rohingyas vers le Bangladesh. Cette incrimination pénale devrait donc, dans les temps qui viennent, lui valoir un deuxième mandat d’arrêt international.

 

François Guilbert

 

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