Le Parti national Wa (WNP), la plus grande formation politique ethnique wa vient de faire savoir par la voix de son porte-parole, U Sam Saung Kha, qu’il ne présentera pas cette année de candidats aux élections générales dans les quatre cantons (Panghsang, Pangwang, Mine Maw, Narhpan) qui échappent au contrôle du gouvernement birman. Sur fond de bataille pour le contrôle du trafic des stupéfiants.
Une analyse de François Guilbert
A contrario, le parti national Wa présentera des candidats dans les townships de la région auto-administrée de l’Etat Shan de Hopan et de Metman. Autrement dit, comme en 2010 et 2015, les 200 000 électeurs potentiels vivant sur les 17 000 km² aux confins de la Chine et sous l’autorité de la puissante Armée Unifiée de l’État Wa (UWSA) ne seront pas à même d’élire leurs représentants aux parlements de Nay Pyi Taw et de Taunggyi, et au fond de peser sur les choix gouvernementaux futurs qui engageront leur région et leur avenir.
Pourtant en mars 2020, une lueur s’était faite jour. La venue du président de la Commission électorale (UEC), U Hla Thein à Panghsang, semblait être un signe encourageant. Le déplacement avait eu très officiellement pour objet d’étudier les modalités d’organisation du scrutin du 8 novembre prochain. Preuve que les choses semblaient aller dans la bonne direction, le porte-parole de l’UWSA à Lashio, Nyi Rang, et le vice-président Xiao Mingliang du pouvoir autochtone s’étaient montrés encourageants, pour ne pas dire optimistes. L’état d’esprit était d’autant plus à la coopération que se nouaient à Kyaing Tong dans l’Est de l’Etat Shan des contacts entre le commandement-en-chef de l’armée et l’USWA au cours desquels fut exprimé le 19 mai le désir d’accueillir le général Min Aung Hlaing pour échanger avec lui sur les mesures à adopter dans le cadre de la lutte commune contre la COVID-19, même si la Tatmadaw suspecte les Wa de livrer des armements à l’Arakan Army pour mener ses combats dans l’Etat Rakhine. Les partis wa eux-mêmes crurent quelque peu à ce scénario de détente et d’ouverture.
En ordre de bataille
A cette fin, ils se mirent en ordre de bataille pour les élections générales. Un mois après la visite du chef de l’UEC naissait très officiellement le WNP, une nouvelle formation partisane issue de la fusion de trois mouvements politiques déjà existants et implantés : le Parti de l’unité nationale Wa (WNUP), le Parti démocratique Wa (WDP) et le Parti du développement démocratique et de libération Wa (WLDDP).
Aujourd’hui, la tenue du scrutin législatif semble bien plus incertaine. Certes, il est à craindre que l’essentiel du territoire wa ne soit pas le seul où il sera bien difficile d’organiser les premières élections générales supervisées par un gouvernement démocratiquement élu depuis 60 ans, tant les violences au sud de l’Etat Chin (canton de Paletwa), au centre et au nord de l’Etat Rakhine sont récurrentes. Il sera cependant le seul à être sans expression démocratique alors qu’il n’y a pas de problèmes de sécurité pour tenir des bureaux de vote, les 2 500 personnels de la police y pourvoiraient d’ailleurs sans problème si cela s’avérait nécessaire. Le demi-million d’habitants du pays wa n’a pas connu d’affrontements armés significatifs depuis plusieurs années déjà.
Déni démocratique et d’accès aux territoires Wa
Dès lors, l’absence de scrutin dans la région spéciale ne sera pas tant imputable à l’exécutif de Nay Pyi Taw, au gouvernement d’Aung San Suu Kyi voire à la Tatmadaw qu’au pouvoir exécutif wa. Ce déni démocratique et d’accès aux territoires wa montrent combien cette terre demeure en dehors du territoire administré par l’Union du Myanmar et cela avec la bénédiction de la République populaire de Chine voisine qui y exerce une très grande influence, de surcroît extrêmement prédatrice sur les ressources naturelles du terroir.
De fait, l’UWSA, qui n’a pas signé l’accord national de cessez-le-feu, exerce localement un pouvoir sans partage. Elle peut s’appuyer pour le mettre en œuvre sur le plus grand groupe armé ethnique de Birmanie, une force constituée de 20 à 30 000 combattants équipés des matériels de guerre les plus modernes. Cette domination la branche politique de l’UWSA, le Parti de l’Etat Wa unifié (UWSP), historiquement très étroitement lié à la Chine communiste, n’est à vrai dire pas disposé à le partager d’une manière ou d’une autre. Il n’entend pas cesser d’être un parti-Etat unique léniniste. Dans ce contexte, le principal dirigeant wa, Bao Youxiang, peut bien espérer de continuer à cumuler tous les pouvoirs. En effet, il exerce aujourd’hui à la fois les fonctions de président de l’administration, de secrétaire général du parti et de commandant-en-chef de l’armée wa. En conséquence, l’absence d’une expression démocratique cette année encore n’aidera pas la région auto-administrée à mieux s’intégrer à son propre pays et à s’engager résolument dans le combat contre les fléaux qui la mine : la production et le commerce de stupéfiants.
François Guilbert
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