Selon des chercheurs britanniques, l’essor du marché du caoutchouc naturel via l’industrie mondiale du pneu s’avère « catastrophique » pour les espèces en voie de disparition au Cambodge et dans le reste de l’Asie du Sud-Est. Ils tirent la sonnette d’alarme.
Dans une étude publiée le 17 avril 2015 dans la revue Conservation Letters, des chercheurs de l’université d’East Anglia prédisent la plantation de 8,5 millions d’hectares supplémentaires d’hévéas pour répondre à la demande d’ici à 2024. Ils appellent à davantage de recherches et de garanties pour s’assurer que ces nouvelles plantations ne détruisent pas l’habitat essentiel de certaines espèces en voie de disparition de la région. « Les macaques et les gibbons sont connus pour disparaître complètement des forêts converties au caoutchouc. Notre examen montre que le nombre d’oiseaux, de chauves- souris et d’espèces de coléoptères a diminué de 75% », explique la chercheuse Eleanor Warren-Thomas dans un communiqué accompagnant l’étude. « Les aires protégées ont déjà été réduites quasiment à néant avec les plantations d’hévéas ».
Production intensive
Ces dernières années, le gouvernement cambodgien a multiplié ses efforts pour stimuler la production de caoutchouc naturel afin d’en faire la deuxième plus grande exportation agricole du pays après le riz. Dans un récent examen des Concessions Foncières Economiques (CFE) du pays, l’association militante locale Licadho estime que l’hévéa dépasse de loin toutes les autres cultures sur les concessions, représentant au moins 834 000 hectares, soit 39% de la superficie totale des CFE au Cambodge.
Beaucoup de ces CFE sont situées à proximité de réserves fauniques, de parcs nationaux et de forêts protégées, mais leurs propriétaires entreprennent généralement l’hévéaculture sans avoir mené au préalable les études d’impact social et environnemental nécessaires. Le gouvernement affirme cependant que les concessions causent peu de dégâts à la faune, car elles ne sont présentes que dans les zones tampons des aires protégées où les forêts sont déjà dégradées.
Des affirmations qui s’avèrent pourtant inexactes selon les experts. Dans leur étude, les chercheurs britanniques appellent à une réflexion globale sur les moyens d’améliorer la cohabitation entre la biodiversité locale et les plantations d’hévéas, et sur les restrictions à mettre en place pour la vente de caoutchouc récolté sur des terres défrichées dans les forêts protégées.
Peter Zsombor (The Cambodia Daily)