L’idée mérite d’être débattue. Le leader de l’opposition cambodgienne en exil Sam Rainsy l’avance dans un article initialement paru en anglais: pourquoi ne pas créer, pour les personnes immunisées naturellement contre le Covid 19 (et testés grâce aux tests sérologiques) un passeport immunitaire qui leur permettrait de se déplacer ? «Un tel passeport sanitaire international délivré à ces personnes contribuerait à éliminer ou à limiter les dommages causés par les restrictions à la liberté de circulation» affirme-t-il. Une tribune à lire !
Nous reproduisons ici une tribune de Sam Rainsy, leader de l’opposition cambodgienne en exil
De nombreux pays sur tous les continents ont fermé leurs frontières aux visiteurs étrangers en raison de la pandémie de coronavirus. De telles fermetures de frontières sans discernement sont une aberration gaspilleuse que le monde ne peut pas se permettre.
Il existe une alternative : les tests sérologiques peuvent nous permettre d’identifier les personnes immunisées contre les coronavirus et qui présentent donc un risque réduit, voire nul, lorsqu’elles voyagent. Un passeport sanitaire international délivré à ces personnes contribuerait à éliminer ou à limiter les dommages causés par les restrictions à la liberté de circulation.
Personnes immunisées
J’ai plaidé en faveur de tests sérologiques pour permettre aux personnes immunisées de retourner travailler dans le cadre de La Géopolitique ici. L’idée a depuis été reprise par les gouvernements européens, notamment le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Italie. Mais les tests sérologiques doivent également être utilisés pour permettre la mobilité internationale.
Même dans les pays qui ne ferment pas leurs frontières, les restrictions de quarantaine d’au moins 14 jours, y compris pour leurs propres ressortissants, rendent la plupart des voyages de courte durée peu pratiques. La Chine impose de telles quarantaines afin d’empêcher la réimportation de coronavirus dans le pays. Le préjudice économique causé par les restrictions aux voyages internationaux augmente de jour en jour. Le Conseil mondial du voyage et du tourisme a estimé que 75 millions d’emplois dans ce secteur sont menacés dans le monde entier.
Sauver l’industrie du voyage
Les passeports d’immunité ne sont que l’un des outils rendus possibles par les tests sérologiques. Ils peuvent contribuer à sauver l’industrie des voyages internationaux et à éviter la faillite des transporteurs aériens. L’impact de la pandémie sur l’économie mondiale serait réduit : de nombreux accords industriels et commerciaux dépendent de pourparlers en face à face qui sont actuellement impossibles.
La perspective d’une quelconque rencontre entre experts sanitaires de différents pays est actuellement lointaine : il faudrait pour cela mettre fin à l’enfermement dans les deux pays concernés, ainsi qu’assouplir les restrictions aux voyages internationaux. Les déplacements entre certains États des États-Unis sont également limités, ce qui rend difficile pour les professionnels de la santé de se rendre là où ils sont le plus nécessaires. Dans mon propre pays, le Cambodge, le Premier ministre Hun Sen a interdit à 150 musulmans cambodgiens de rentrer chez eux après avoir quitté la Malaisie, les soupçonnant d’être porteurs de coronavirus. C’est une violation de notre constitution : un État ne devrait pas tourner le dos à ses propres citoyens pour quelque raison que ce soit.
Rôle de l’OMS
L’impasse peut être levée par la création de passeports sanitaires internationaux. Ces passeports pourraient être étayés par un accord bilatéral entre deux pays, un accord multilatéral entre un groupe d’etats ou un accord international sous l’égide de l’Organisation Mondiale de la Sante (OMS). Les tests utilisés pour déterminer l’immunité doivent être approuvés et normalisés par les pays participants. Les personnes qui possèdent les anticorps nécessaires et dont le test d’immunité est positif se verront remettre le passeport sanitaire, qui comprendra leur numéro de passeport habituel. Ce document serait ensuite vérifié par la police des frontières, en même temps que le passeport et le visa éventuellement nécessaire.
Le modèle de ce passeport existe déjà sous la forme de la Carte Jaune, qui est un certificat international de vaccination. Cette carte, qui est avalisée par l’OMS, est normalement conservée avec le passeport du titulaire et est exigée à l’entrée dans les pays présentant des risques sanitaires spécifiques. La carte indique les dates auxquelles les vaccins nécessaires ont été administrés.
Les économies réalisées grâce à une telle approche seraient considérables. Pour le coût d’un test sérologique, qui pourrait être de quelques dollars seulement, le coûteux processus de quarantaine pourrait dans de nombreux cas être évité, ainsi que le gaspillage du temps et des opportunités professionnelles de la personne concernée.
Il est important de réaliser que nous ne savons pas à quelle vitesse l’immunité est établie pour ceux qui ont été confrontés à un coronavirus, ni combien de temps cette immunité dure. Des tests réguliers pour les travailleurs de première ligne les plus importants seront nécessaires pour s’assurer que leur immunité est toujours en place. Certains experts, comme Paul Hunter, professeur de médecine à l’université d’East Anglia au Royaume-Uni, ont fait valoir que le danger existe que des personnes cherchent délibérément à être infectées par le coronavirus afin de survivre (avec un peu de chance) sans infecter leur famille, d’obtenir l’immunité et d’être ainsi autorisées à retourner au travail. Une meilleure communication du fait que le coronavirus peut tuer n’importe qui, quel que soit son âge ou ses antécédents médicaux, peut contribuer à réduire ce risque.
Il semble peu probable qu’une personne qui contracterait délibérément un coronavirus soit disposée à respecter les restrictions actuelles en matière de confinement : de telles personnes sont probablement déjà en train de créer un risque. La contraction délibérée semble particulièrement improbable dans le cas des travailleurs de la santé qui pourraient devoir être redéployés. Mais la réponse mondiale au coronavirus ne peut être tenue en otage d’éventuels comportements égoïstes et imprudents de ce type.